Lot Essay
LES CABINETS D'AUGSBOURS ET LE ROLE DE PHILIPP HAINHOFER
Notre exceptionnel cabinet témoigne de la richesse d'Augsbourg qui était le plus important centre de création d'objets de luxe au XVIIème siècle.
Ces précieux cabinets d'ivoire exécutés à Augsbourg étaient non seulement prisés par les cours allemandes mais aussi par toute l'Europe. Certains faisaient l'objet de cadeaux royaux ou diplomatiques. Conçus à partir de matériaux exotiques coûteux tels que l'ébène, l'écaille et l'ivoire pour conserver de fabuleux trésors, ils étaient le chef d'oeuvre des meilleurs artisans de cabinets de curiosités qui y déployaient toute leur virtuosité. La réputation d'Augsbourg comme centre de création d'articles de luxe provient en grande partie du talentueux marchand Phillip Hainhofer (1578 - 1647) qui propagea dans toute l'Europe ce type de cabinet. Ces petits meubles, véritables cabinets de curiosités miniatures, étaient destinés à conserver les objets parmi les plus merveilleux de l'univers, aussi bien bruts, directement issus de la nature, les naturalia (coraux, coquillages ou plumes) que les fruits du travail de l'homme, les artificialia (numismatique, bijoux, instruments mécaniques et pierres gravées). Le cabinet illustre ainsi à lui seul la frénésie de posséder, le souci d'ordre et de classement qui caractérisent alors tout prince possédant un Kunstkammer (voir D.Syndram et A.Schernet, eds, Princely Splendor: The Dresden Court: 1580-1620, exh. cat., New York, 2005, pp. 284-285 et n. 155-159 et M. Riccardi-Cubitt, The Art of the Cabinet, London, 1992, pp. 51-53). Non seulement ces cabinets satisfaisaient leur goût du précieux mais répondaient aussi à l'une de leur préoccupation majeure, le besoin de comprendre et résumer l'univers. Ils se devaient ainsi de stimuler leur curiosité intellectuelle et d'enrichir leurs connaissances scientifiques (voir R. Baarsen, 17th Century Cabinets, Zwolle, 2000, p.12). Trois célèbres Kunstkammern furent commandés par Hainhofer à l'atelier d'Ulrich Baumgartner(1580-1652) et de son fils Melchior(1621-1696). Le premier, appelé le Pommerische Kunstschrank (aujourd'hui détruit), fut livré en 1617 au duc Philip de Pommeranie. Le second, le Stipo d'Alemagna, fut offert par l'archiduc Léopold d'Autriche au grand duc Ferdinand II de Toscane (aujourd'hui conservé au Palais Pitti). Enfin, le troisième fut donné par le roi Gustave Adolphe de Suède à la ville d'Augsbourg en 1632 (conservé aujoud'hui à l'université d'Uppsal) (voir D.Alfter, Die Geschichte des Augsburger Kabinettschranks, Augsburg, 1985, pp. 42-57, figs. 33-42).
MELCHIOR BAUMGARTNER (1621-1696)
Fils d'Ulrich Baumgartner, Melchior reprit l'activité de son père qui était en son temps le fabricant de cabinets le plus réputé d'Augsbourg. Melchior jouit d'un prestige égal auprès d'une clientèle européenne prestigieuse dont le duc Maximilien Ier de Bavière pour qui il exécuta deux impressionnants cabinets d'ivoire montés d'argent et de lapis-lazuli aujourd'hui conservés au Bayerisches Nationalmuseum à Munich. Baumgartner a signé l'un des deux et l'a daté 1646. Le second fut exécuté peu de temps après. Un ensemble de cabinets présentant des similitudes avec le premier nous est connu. Ils sont pour la plupart enrichis d'ébène et de plaques de pietra dura et sont aussi attribués à son atelier. Un cabinet de ce type, de dimensions importantes, est passé en vente à Londres, vente Christie's King Street, le 14 décembre 2000, lot 30 (597 750 GBP). Un autre est conservé au château de Rosenborg à Copenhague (H. Kreisel G. Himmelheber, Die Kunst des deutschen Moebels, Munich, 1968, pp. 173-174 et fig. 367). Enfin, un de ces cabinets enrichis de pietra dura était dans les collections du Stadtholder Prince William V d'Orange. Il fut saisi pendant l'occupation française et emporté en France après 1795. Ce cabinet fut la première pièce de mobilier à entrer dans les collection du Louvre (D. Alcouffe et. al., Le Mobilier du Musée du Louvre, Paris, 1993, Vol. I, pp. 48-51).
Les cabinets entièrement plaqués d'ivoire sont rares et exceptionnels. Ils étaient aussi parfois enrichis de sculptures. Parmi les sculpteurs d'ivoire allemands, le plus connu fut Christoph Angermaier, actif à Munich dans les premières décennies du XVIIème siècle. Au service de Maximilien Ier, Electeur de Bavière, il fournit un magnifique médaillier en ivoire à la femme de ce dernier, Elisabeth de Lorraine. Richement décoré de hauts-reliefs et de sculptures, il est certainement l'exemplaire connu le plus raffiné. En plus de ce dernier, il en créa trois autres, dont un pour la reine Elisabeth de Bohême. Tous sont conservés dans les musées bavarois (R. Berliner, Kataloge des Bayerischen Nationalmuseums, vol.4, Augsbourg, 1926, N. 124).
Parmi les cabinets proches du nôtre, citons en un enrichi de sculptures et exposé au musée Herzog Anton Ulrich à Braunschweig (C. Scherer, Die Braunschweiger Elfenbeinsammlung, Leipzig, 1921, n. 467) et un autre passé en vente à Louviers en France le 9 octobre 2005, lot 133. Notre cabinet et ce dernier, plaqués exclusivement d'ivoire, sont représentatifs de l'évolution du goût s'orientant vers des modèles plus sobres, délaissant les sculptures et les bas-reliefs pour un jeu de moulures et d'encadrements. Comme le remarque Dirk Syndman (Op. Cit, p.285), les cabinets de la fin du XVIIème siècle jouent sur un contraste de couleur entre différents matériaux, alors que ceux légèrement plus tardifs, le plus souvent d'Augsbourg et non de Nuremberg, jouent sur un contraste entre le noir de l'ébène et le blanc de l'ivoire. Notre cabinet illustre cette tendance à l'extrême, fait uniquement d'ivoire, ce qui en fait une pièce maîtresse pour tout collectionneur exigeant.
JOHANNES LENCKER 1ER
Johannes Lencker 1er, appelé Hans, est probablement né à Ludwigsorgett vers 1570 comme nous l'indique l'inscription sur une gravure à son éfigie. Apprenti chez Christoph Lencker à partir de 1584, il fut nommé maître en 1602, la même année à laquelle il maria sa future épouse Barbara Endris. Aussi actif en tant que maire, il décède en 1637.
Notre exceptionnel cabinet témoigne de la richesse d'Augsbourg qui était le plus important centre de création d'objets de luxe au XVIIème siècle.
Ces précieux cabinets d'ivoire exécutés à Augsbourg étaient non seulement prisés par les cours allemandes mais aussi par toute l'Europe. Certains faisaient l'objet de cadeaux royaux ou diplomatiques. Conçus à partir de matériaux exotiques coûteux tels que l'ébène, l'écaille et l'ivoire pour conserver de fabuleux trésors, ils étaient le chef d'oeuvre des meilleurs artisans de cabinets de curiosités qui y déployaient toute leur virtuosité. La réputation d'Augsbourg comme centre de création d'articles de luxe provient en grande partie du talentueux marchand Phillip Hainhofer (1578 - 1647) qui propagea dans toute l'Europe ce type de cabinet. Ces petits meubles, véritables cabinets de curiosités miniatures, étaient destinés à conserver les objets parmi les plus merveilleux de l'univers, aussi bien bruts, directement issus de la nature, les naturalia (coraux, coquillages ou plumes) que les fruits du travail de l'homme, les artificialia (numismatique, bijoux, instruments mécaniques et pierres gravées). Le cabinet illustre ainsi à lui seul la frénésie de posséder, le souci d'ordre et de classement qui caractérisent alors tout prince possédant un Kunstkammer (voir D.Syndram et A.Schernet, eds, Princely Splendor: The Dresden Court: 1580-1620, exh. cat., New York, 2005, pp. 284-285 et n. 155-159 et M. Riccardi-Cubitt, The Art of the Cabinet, London, 1992, pp. 51-53). Non seulement ces cabinets satisfaisaient leur goût du précieux mais répondaient aussi à l'une de leur préoccupation majeure, le besoin de comprendre et résumer l'univers. Ils se devaient ainsi de stimuler leur curiosité intellectuelle et d'enrichir leurs connaissances scientifiques (voir R. Baarsen, 17th Century Cabinets, Zwolle, 2000, p.12). Trois célèbres Kunstkammern furent commandés par Hainhofer à l'atelier d'Ulrich Baumgartner(1580-1652) et de son fils Melchior(1621-1696). Le premier, appelé le Pommerische Kunstschrank (aujourd'hui détruit), fut livré en 1617 au duc Philip de Pommeranie. Le second, le Stipo d'Alemagna, fut offert par l'archiduc Léopold d'Autriche au grand duc Ferdinand II de Toscane (aujourd'hui conservé au Palais Pitti). Enfin, le troisième fut donné par le roi Gustave Adolphe de Suède à la ville d'Augsbourg en 1632 (conservé aujoud'hui à l'université d'Uppsal) (voir D.Alfter, Die Geschichte des Augsburger Kabinettschranks, Augsburg, 1985, pp. 42-57, figs. 33-42).
MELCHIOR BAUMGARTNER (1621-1696)
Fils d'Ulrich Baumgartner, Melchior reprit l'activité de son père qui était en son temps le fabricant de cabinets le plus réputé d'Augsbourg. Melchior jouit d'un prestige égal auprès d'une clientèle européenne prestigieuse dont le duc Maximilien Ier de Bavière pour qui il exécuta deux impressionnants cabinets d'ivoire montés d'argent et de lapis-lazuli aujourd'hui conservés au Bayerisches Nationalmuseum à Munich. Baumgartner a signé l'un des deux et l'a daté 1646. Le second fut exécuté peu de temps après. Un ensemble de cabinets présentant des similitudes avec le premier nous est connu. Ils sont pour la plupart enrichis d'ébène et de plaques de pietra dura et sont aussi attribués à son atelier. Un cabinet de ce type, de dimensions importantes, est passé en vente à Londres, vente Christie's King Street, le 14 décembre 2000, lot 30 (597 750 GBP). Un autre est conservé au château de Rosenborg à Copenhague (H. Kreisel G. Himmelheber, Die Kunst des deutschen Moebels, Munich, 1968, pp. 173-174 et fig. 367). Enfin, un de ces cabinets enrichis de pietra dura était dans les collections du Stadtholder Prince William V d'Orange. Il fut saisi pendant l'occupation française et emporté en France après 1795. Ce cabinet fut la première pièce de mobilier à entrer dans les collection du Louvre (D. Alcouffe et. al., Le Mobilier du Musée du Louvre, Paris, 1993, Vol. I, pp. 48-51).
Les cabinets entièrement plaqués d'ivoire sont rares et exceptionnels. Ils étaient aussi parfois enrichis de sculptures. Parmi les sculpteurs d'ivoire allemands, le plus connu fut Christoph Angermaier, actif à Munich dans les premières décennies du XVIIème siècle. Au service de Maximilien Ier, Electeur de Bavière, il fournit un magnifique médaillier en ivoire à la femme de ce dernier, Elisabeth de Lorraine. Richement décoré de hauts-reliefs et de sculptures, il est certainement l'exemplaire connu le plus raffiné. En plus de ce dernier, il en créa trois autres, dont un pour la reine Elisabeth de Bohême. Tous sont conservés dans les musées bavarois (R. Berliner, Kataloge des Bayerischen Nationalmuseums, vol.4, Augsbourg, 1926, N. 124).
Parmi les cabinets proches du nôtre, citons en un enrichi de sculptures et exposé au musée Herzog Anton Ulrich à Braunschweig (C. Scherer, Die Braunschweiger Elfenbeinsammlung, Leipzig, 1921, n. 467) et un autre passé en vente à Louviers en France le 9 octobre 2005, lot 133. Notre cabinet et ce dernier, plaqués exclusivement d'ivoire, sont représentatifs de l'évolution du goût s'orientant vers des modèles plus sobres, délaissant les sculptures et les bas-reliefs pour un jeu de moulures et d'encadrements. Comme le remarque Dirk Syndman (Op. Cit, p.285), les cabinets de la fin du XVIIème siècle jouent sur un contraste de couleur entre différents matériaux, alors que ceux légèrement plus tardifs, le plus souvent d'Augsbourg et non de Nuremberg, jouent sur un contraste entre le noir de l'ébène et le blanc de l'ivoire. Notre cabinet illustre cette tendance à l'extrême, fait uniquement d'ivoire, ce qui en fait une pièce maîtresse pour tout collectionneur exigeant.
JOHANNES LENCKER 1ER
Johannes Lencker 1er, appelé Hans, est probablement né à Ludwigsorgett vers 1570 comme nous l'indique l'inscription sur une gravure à son éfigie. Apprenti chez Christoph Lencker à partir de 1584, il fut nommé maître en 1602, la même année à laquelle il maria sa future épouse Barbara Endris. Aussi actif en tant que maire, il décède en 1637.