Lot Essay
C’est à plus d’un titre un portrait emblématique de la Révolution française que celui de Laneuville représentant la citoyenne Tallien dans un cachot de la Force. Emblématique par son modèle, Thérésa Tallien, née Cabarrus (1773-1835), dont la vie bien connue fut celle d’une personnalité éminente de la vie politique sous la Révolution, puis artistique sous l’Empire et la Restauration. Emblématique également car ce portrait la représentant enfermée dans la prison de la Force, alors qu’elle s’apprête à être guillotinée, fait figure d’icône et de symbole de la Terreur et de la chute prochaine de Robespierre. Madame Tallien, appelée Notre-Dame de Bons-Secours puis Notre-Dame de Thermidor, fut en effet une farouche opposante à la Terreur, sauvant par son intercession un grand nombre de victimes promises à la guillotine, ce qui attira sur elle et son influent mari Jean-Lambert Tallien (1767-1820) des suspicions qui menèrent à son incarcération.
L’on connaît l’histoire de son emprisonnement à la prison de la petite Force du 12 prairial au 12 thermidor an II (31 mai au 30 juillet 1794) et du célèbre billet qu’elle aurait fait parvenir à Tallien portant ces mots : « je meurs d’appartenir à un lâche », billet qui aurait poussé son amant à précipiter la conjuration thermidorienne, la chute de Robespierre et, au-delà, la fin de la Terreur dont elle se sentait, par son action, un peu responsable. Elle l’écrivait elle-même à la fin de sa vie : « le 9 Thermidor [fut] le plus beau jour de ma vie, puisque c’est un peu par ma petite main que la guillotine a été renversée ».
Etant probablement elle-même la commanditaire de l’œuvre, Thérésa Tallien put donner directement des indications précises à Laneuville pour l’exécution du tableau, sur les conditions de son incarcération aussi bien que sur l’épisode du billet, tels qu’ils sont également repris par Charles Constant dans une lettre du 4 juin 1796 : « les murs dégouttoient d’humidité et il n’étoit meublé que de paille, et l’on marchoit dans la fange. […] Elle [Madame Tallien] dessina son propre portrait sur la muraille de cette chambre […]. Le geôlier, voyant ce portrait, lui dit : « Ah ! Ah ! tu sais dessiner ! Veux-tu faire mon portrait ? ». Elle y consentit à condition qu’il fourniroit ce qu’il faudroit pour cela. […] Elle ramassa, un jour, un cœur de laitue qu’on avoit jetté à ses pieds, tandis qu’elle se promenoit. Il renfermoit un billet dans lequel on lui donnoit le moyen d’avoir de quoi écrire et de faire passer ses lettres. Elle accepta l’offre, mais il n’y avait point d’encre. […] Elle écrivit à Tallien et lui apprit qu’on lui avait annoncé, à son réveil, que, dans trois jours, elle seroit guillotinnée ».
L’identité du modèle du profil dessiné par la prisonnière dans la prison de la petite Force n’est cependant pas certain. S’agit-il, comme beaucoup l’on voulut, d’un portrait de Tallien ? ou même de Madame Roland ? Ou plus simplement du geôlier de Madame Tallien qui lui fournit en échange de ce portrait le moyen de prévenir son mari ? Quant au beau détail de la natte de cheveux que le modèle tient dans sa main, il n’a probablement rien de véridique, mais a été inventé par l’artiste pour renforcer l’intensité dramatique de la scène, évoquant alors dans tous les esprits les préparatifs qui préludaient à la montée sur l’échafaud.
Exposé au Salon de 1796, sous le n° 244, le tableau fit scandale, et fut retiré à la vue du public au bout de quelques jours. Les souvenirs des temps douloureux et encore récents qu’il évoquait (en particulier cette fameuse mèche de cheveux coupées avant le passage à la guillotine) étaient encore trop frais au cœur du public, comme le rappelle un des critiques du Salon : « On a donc bien fait et très-bien fait d’oter ce tableau, qui portait une teinte de douleur, et rappelait des souvenirs que le tems commence à effacer » (Villiers et Capelle, Critique du Salon ou les Tableaux en Vaudevilles). Quelques jours avant la clôture du Salon, le tableau fut cependant raccroché aux cimaises, après que Laneuville y ait apporté quelques modifications.
Il n’en reste pas moins que ce portrait, un des premiers grands portraits du Directoire, demeure l'une des représentations les plus marquantes de cette époque tourmentée que fut la Terreur.
L’on connaît l’histoire de son emprisonnement à la prison de la petite Force du 12 prairial au 12 thermidor an II (31 mai au 30 juillet 1794) et du célèbre billet qu’elle aurait fait parvenir à Tallien portant ces mots : « je meurs d’appartenir à un lâche », billet qui aurait poussé son amant à précipiter la conjuration thermidorienne, la chute de Robespierre et, au-delà, la fin de la Terreur dont elle se sentait, par son action, un peu responsable. Elle l’écrivait elle-même à la fin de sa vie : « le 9 Thermidor [fut] le plus beau jour de ma vie, puisque c’est un peu par ma petite main que la guillotine a été renversée ».
Etant probablement elle-même la commanditaire de l’œuvre, Thérésa Tallien put donner directement des indications précises à Laneuville pour l’exécution du tableau, sur les conditions de son incarcération aussi bien que sur l’épisode du billet, tels qu’ils sont également repris par Charles Constant dans une lettre du 4 juin 1796 : « les murs dégouttoient d’humidité et il n’étoit meublé que de paille, et l’on marchoit dans la fange. […] Elle [Madame Tallien] dessina son propre portrait sur la muraille de cette chambre […]. Le geôlier, voyant ce portrait, lui dit : « Ah ! Ah ! tu sais dessiner ! Veux-tu faire mon portrait ? ». Elle y consentit à condition qu’il fourniroit ce qu’il faudroit pour cela. […] Elle ramassa, un jour, un cœur de laitue qu’on avoit jetté à ses pieds, tandis qu’elle se promenoit. Il renfermoit un billet dans lequel on lui donnoit le moyen d’avoir de quoi écrire et de faire passer ses lettres. Elle accepta l’offre, mais il n’y avait point d’encre. […] Elle écrivit à Tallien et lui apprit qu’on lui avait annoncé, à son réveil, que, dans trois jours, elle seroit guillotinnée ».
L’identité du modèle du profil dessiné par la prisonnière dans la prison de la petite Force n’est cependant pas certain. S’agit-il, comme beaucoup l’on voulut, d’un portrait de Tallien ? ou même de Madame Roland ? Ou plus simplement du geôlier de Madame Tallien qui lui fournit en échange de ce portrait le moyen de prévenir son mari ? Quant au beau détail de la natte de cheveux que le modèle tient dans sa main, il n’a probablement rien de véridique, mais a été inventé par l’artiste pour renforcer l’intensité dramatique de la scène, évoquant alors dans tous les esprits les préparatifs qui préludaient à la montée sur l’échafaud.
Exposé au Salon de 1796, sous le n° 244, le tableau fit scandale, et fut retiré à la vue du public au bout de quelques jours. Les souvenirs des temps douloureux et encore récents qu’il évoquait (en particulier cette fameuse mèche de cheveux coupées avant le passage à la guillotine) étaient encore trop frais au cœur du public, comme le rappelle un des critiques du Salon : « On a donc bien fait et très-bien fait d’oter ce tableau, qui portait une teinte de douleur, et rappelait des souvenirs que le tems commence à effacer » (Villiers et Capelle, Critique du Salon ou les Tableaux en Vaudevilles). Quelques jours avant la clôture du Salon, le tableau fut cependant raccroché aux cimaises, après que Laneuville y ait apporté quelques modifications.
Il n’en reste pas moins que ce portrait, un des premiers grands portraits du Directoire, demeure l'une des représentations les plus marquantes de cette époque tourmentée que fut la Terreur.