Lot Essay
HISTORIQUE DE LA TENTURE
Cette remarquable tapisserie faisait originellement partie d'une tenture comprenant huit tapisseries décrivant la nature à la fois exubérante et exotique de la colonie hollandaise que constituait alors le Brésil. Le comte Jean-Maurice de Nassau-Siegen (décédé en 1679), gouverneur hollandais du Brésil, était particulièrement désireux de garder une trace des "merveilles du Nouveau Monde". Aussi, il demanda à des artistes, à des botanistes et à des médecins de se pencher sur la flore, la faune et les habitants de ces contrées. Il invita Albert Eckhout (décédé en 1664) et Frans Post (décédé en 1680) à voyager avec lui à travers le Brésil entre 1637 et 1644 pour y réaliser des peintures. Eckhout se concentra sur la végétation et les personnages tandis que Post se concentra sur les paysages. Dès son retour en Europe en 1644, le comte de Nassau-Siegen leur demanda de réaliser les cartons d'une série de tapisseries à partir de leurs nombreuses esquisses réalisées sur place. Les cartons furent terminés avant 1652 et Jean-Maurice de Nassau-Siegen demanda alors à Maximiliaan van der Gucht (décédé en 1689) de tisser une tenture pour son cousin Frederick William, Electeur de Brandenburg ainsi qu'une autre pour lui-même en 1667 (ces deux tentures sont maintenant disparues).
Le comte de Nassau-Siegen offrit en 1679 à Louis XIV trente-quatre tableaux et huit cartons de la tenture des Anciennes Indes. Un inventaire de 1681 les mentionne comme 'huit grands tableaux représentant des figures d'hommes et de bêtes de grandeur naturelle, plusieurs plantes, fruits, oyseaux, animaux, poisons et paysages de Brésil'. Louis XIV fut tellement favorablement impressionné qu'il demanda aux ateliers de la manufacture royale des Gobelins de réaliser des tapisseries d'après ces cartons. Il demanda pour cela à Jean-Baptiste Belin de Fontenay (décédé en 1715), François Bonnemer (décédé en 1689), René-Antoine Houasse (décédé en 1710) et à Jean Baptiste Monnoyer (décédé en 1699) de les retoucher.
TISSAGES
La tenture rencontra un succès considérable et fut officiellement tissée à huit reprises aux Gobelins entre 1687 et 1730. Parallèlement, elle fut également tissée pour des commandes particulières non enregistrées, dont subsistent au moins vingt tapisseries.
Les bordures de la présente tapisserie sont celles de la première version qui fut tissée jusqu'en 1723. Les cinq premières séries - les Grandes Indes-, furent tissées jusqu'en 1723 ; elles furent suivies par trois autres tentures - les Petites Indes- adaptées par François Desportes (décédé en 1743).
Les cinq premières séries de la tenture initiale comprennent les tapisseries livrées au Garde Meuble sous le numéro 158 le 4 juin 1689 (tapisseries qui disparaissent vers 1900), celles livrées à la même institution sous le numéro 161 en 1690 (aujourd'hui au Mobilier National), celles (en haute lisse) qui furent offertes au tsar Pierre le Grand en 1717 et qui, très certainement, disparurent par le feu dans l'incendie du Palais d'Hiver en 1837, celles qui furent réalisées en 1718 pour Raymond de Perellos (décédé en 1720), Grand Maître des Hospitaliers de Saint-Jean à Malte et aujourd'hui conservées à Malte et enfin celles qui furent données par Louis XV à M. Bouret le 24 juillet 1769.
IDENTIFICATION DU PRéSENT LOT
Les cinq tissages des Grandes Indes mesuraient plus de 4,60 mètres de haut ; le présent lot, mesurant seulement 3,73 mètres, semble avoir été réduit en hauteur ce qui rend impossible toute identification certaine.
Les tapisseries de basse lisse étaient tissées au revers des cartons originaux, tandis que la présente tapisserie est tissée dans le même sens que les cartons, ce qui signifie un tissage en haute lisse. Ce dernier était beaucoup plus onéreux (120 livres par aune carrée pour le tissage en basse lisse contre pas moins de 225 pour le tissage en haute lisse).
Il est possible que la présente tapisserie ait été tissée entre 1718 et 1725 afin de remplacer la série offerte au Tsar et ait été ultérieurement donnée à M. Bouret, à moins qu'il ne s'agisse d'une commande privée non enregistrée. Si le présent lot est celui du cinquième tissage, il fut tissé entre 1718 et 1720 par Jean Lefebvre fils dans le second atelier de haute lisse des Gobelins. L'ensemble demeura au Garde Meuble (on sait qu'il voyagea à Rome et à Francfort) avant d'être donné à Etienne Michel Bouret en 1769 avec cette mention du marquis de Marigny: 'C'est avec plaisir, Monsieur, que j'ai à vous annoncer que Sa Majeste a voulu disposer en votre faveur du petit terrain attenant à l'Hotel des Ambassadeurs extraordinaires, que vous désirez obtenir. Le Roi a bien voulu aussi vous faire don d'une tenture des Animaux des Indes de la Manufacture des Gobelins'.
ETIENNE MICHEL BOURET
Bouret (décédé en 1777), né à Nantes en 1709, était un des protégés du Duc de Choiseul. Il devint Trésorier Général de la Maison du Roi en 1738, Fermier Général au début des années 1740 puis lieutenant général du gouvernement des villes et château de Corbeil en 1744. En 1752, il fut également nommé administrateur des Postes. Enfin, en 1769 -l'année où il reçoit la tenture-, il est nommé secrétaire de la Chambre et du Cabinet du Roi. Cette admission dans le cercle royal fut consolidée par le mariage, en 1750, de son frère François Bouret d'Erigny à Madeleine Poisson de Malvoisin, cousin de la marquise de Pompadour. Mais sa passion pour l'architecture et plus généralement pour les entreprises immobilières et foncières causèrent sa ruine. Il accumula une dette de plus d'un million de livres qui le conduisit au suicide en 1777.
Cette remarquable tapisserie faisait originellement partie d'une tenture comprenant huit tapisseries décrivant la nature à la fois exubérante et exotique de la colonie hollandaise que constituait alors le Brésil. Le comte Jean-Maurice de Nassau-Siegen (décédé en 1679), gouverneur hollandais du Brésil, était particulièrement désireux de garder une trace des "merveilles du Nouveau Monde". Aussi, il demanda à des artistes, à des botanistes et à des médecins de se pencher sur la flore, la faune et les habitants de ces contrées. Il invita Albert Eckhout (décédé en 1664) et Frans Post (décédé en 1680) à voyager avec lui à travers le Brésil entre 1637 et 1644 pour y réaliser des peintures. Eckhout se concentra sur la végétation et les personnages tandis que Post se concentra sur les paysages. Dès son retour en Europe en 1644, le comte de Nassau-Siegen leur demanda de réaliser les cartons d'une série de tapisseries à partir de leurs nombreuses esquisses réalisées sur place. Les cartons furent terminés avant 1652 et Jean-Maurice de Nassau-Siegen demanda alors à Maximiliaan van der Gucht (décédé en 1689) de tisser une tenture pour son cousin Frederick William, Electeur de Brandenburg ainsi qu'une autre pour lui-même en 1667 (ces deux tentures sont maintenant disparues).
Le comte de Nassau-Siegen offrit en 1679 à Louis XIV trente-quatre tableaux et huit cartons de la tenture des Anciennes Indes. Un inventaire de 1681 les mentionne comme 'huit grands tableaux représentant des figures d'hommes et de bêtes de grandeur naturelle, plusieurs plantes, fruits, oyseaux, animaux, poisons et paysages de Brésil'. Louis XIV fut tellement favorablement impressionné qu'il demanda aux ateliers de la manufacture royale des Gobelins de réaliser des tapisseries d'après ces cartons. Il demanda pour cela à Jean-Baptiste Belin de Fontenay (décédé en 1715), François Bonnemer (décédé en 1689), René-Antoine Houasse (décédé en 1710) et à Jean Baptiste Monnoyer (décédé en 1699) de les retoucher.
TISSAGES
La tenture rencontra un succès considérable et fut officiellement tissée à huit reprises aux Gobelins entre 1687 et 1730. Parallèlement, elle fut également tissée pour des commandes particulières non enregistrées, dont subsistent au moins vingt tapisseries.
Les bordures de la présente tapisserie sont celles de la première version qui fut tissée jusqu'en 1723. Les cinq premières séries - les Grandes Indes-, furent tissées jusqu'en 1723 ; elles furent suivies par trois autres tentures - les Petites Indes- adaptées par François Desportes (décédé en 1743).
Les cinq premières séries de la tenture initiale comprennent les tapisseries livrées au Garde Meuble sous le numéro 158 le 4 juin 1689 (tapisseries qui disparaissent vers 1900), celles livrées à la même institution sous le numéro 161 en 1690 (aujourd'hui au Mobilier National), celles (en haute lisse) qui furent offertes au tsar Pierre le Grand en 1717 et qui, très certainement, disparurent par le feu dans l'incendie du Palais d'Hiver en 1837, celles qui furent réalisées en 1718 pour Raymond de Perellos (décédé en 1720), Grand Maître des Hospitaliers de Saint-Jean à Malte et aujourd'hui conservées à Malte et enfin celles qui furent données par Louis XV à M. Bouret le 24 juillet 1769.
IDENTIFICATION DU PRéSENT LOT
Les cinq tissages des Grandes Indes mesuraient plus de 4,60 mètres de haut ; le présent lot, mesurant seulement 3,73 mètres, semble avoir été réduit en hauteur ce qui rend impossible toute identification certaine.
Les tapisseries de basse lisse étaient tissées au revers des cartons originaux, tandis que la présente tapisserie est tissée dans le même sens que les cartons, ce qui signifie un tissage en haute lisse. Ce dernier était beaucoup plus onéreux (120 livres par aune carrée pour le tissage en basse lisse contre pas moins de 225 pour le tissage en haute lisse).
Il est possible que la présente tapisserie ait été tissée entre 1718 et 1725 afin de remplacer la série offerte au Tsar et ait été ultérieurement donnée à M. Bouret, à moins qu'il ne s'agisse d'une commande privée non enregistrée. Si le présent lot est celui du cinquième tissage, il fut tissé entre 1718 et 1720 par Jean Lefebvre fils dans le second atelier de haute lisse des Gobelins. L'ensemble demeura au Garde Meuble (on sait qu'il voyagea à Rome et à Francfort) avant d'être donné à Etienne Michel Bouret en 1769 avec cette mention du marquis de Marigny: 'C'est avec plaisir, Monsieur, que j'ai à vous annoncer que Sa Majeste a voulu disposer en votre faveur du petit terrain attenant à l'Hotel des Ambassadeurs extraordinaires, que vous désirez obtenir. Le Roi a bien voulu aussi vous faire don d'une tenture des Animaux des Indes de la Manufacture des Gobelins'.
ETIENNE MICHEL BOURET
Bouret (décédé en 1777), né à Nantes en 1709, était un des protégés du Duc de Choiseul. Il devint Trésorier Général de la Maison du Roi en 1738, Fermier Général au début des années 1740 puis lieutenant général du gouvernement des villes et château de Corbeil en 1744. En 1752, il fut également nommé administrateur des Postes. Enfin, en 1769 -l'année où il reçoit la tenture-, il est nommé secrétaire de la Chambre et du Cabinet du Roi. Cette admission dans le cercle royal fut consolidée par le mariage, en 1750, de son frère François Bouret d'Erigny à Madeleine Poisson de Malvoisin, cousin de la marquise de Pompadour. Mais sa passion pour l'architecture et plus généralement pour les entreprises immobilières et foncières causèrent sa ruine. Il accumula une dette de plus d'un million de livres qui le conduisit au suicide en 1777.