HUBERT ROBERT (PARIS 1733-1808)
HUBERT ROBERT (PARIS 1733-1808)

La Journée des brouettes; et La Fête de la Fédération Nationale, le 14 juillet 1790, au Champ-de-Mars

Details
HUBERT ROBERT (PARIS 1733-1808)
La Journée des brouettes; et La Fête de la Fédération Nationale, le 14 juillet 1790, au Champ-de-Mars
huile sur toile
44 x 72,5 cm. (17¼ x 28½ in.), une paire (2)
Provenance
Galerie Cailleux, Paris.
Van der Hoeven, Haarlem, acheté à Cailleux en 1925.
Comtesse Niel avant 1933.
Literature
P. de Nolhac, Hubert Robert, 1733-1808, Paris, 1910, p. 78 (mention du second tableau uniquement).
L. Réau, 'Hubert Robert peintre de Paris', Bulletin de la Société d'Histoire de l'Art français, 1927, p. 217, sous note 2.
P. de la Vaissière, 'La fédération des Français peinte par P.-A. de Machy. Essai d'iconographie de la fête de juillet 1790', in Bulletin du musée Carnavalet, Paris, 1975, pp. 26-27, ill., pp. 34-35.
J. Benoît, in La Révolution française et l'Europe, cat. expo., Paris, Grand Palais, 16 mars-26 juin 1989, sous le no. 951.
C. Boulot, J de Cayeux et H. Moulin, Hubert Robert et la Révolution, cat. expo., Musée de Valence, 1989, p. 24.
F. Baumgartner, Transformation of the Cultural Experience: the Art of Hubert Robert during the French Revolution, thèse de doctorat en histoire de l'art sous la direction de Ewa Lajer-Burcharth, Harvard University, Cambridge, Massachussetts, 2011.
Exhibited
Paris, Galerie Cailleux, Hubert Robert, 1929, nos. 13 et 14.
Paris, musée de l'Orangerie, Hubert Robert. A l'occasion du Deuxième Centenaire de sa Naissance, 1933, pp.98-99, no. 154, ill., et no. 155 (le second est mentionné comme signé HR).
Paris, Galerie Cailleux, Esquisses, maquettes, projets et ébauches de l'école française du XVIIIe siècle. Peintures et sculptures, 12-24 mars 1934, nos. 77 et 78 (le second est mentionné comme monogrammé).
Further details
LA FETE DE LA FEDERATION AND LA JOURNEE DES BROUETTES, A PAIR, OIL ON CANVAS, BY HUBERT ROBERT
Sale room notice
Contrairement à ce qui est indiqué dans le catalogue, les deux tableaux sont non rentoilés.

The two paintings are not relined.

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Mathilde Fennebresque
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Lot Essay

La Journée des brouettes et La Fête de la Fédération Nationale, 14 juillet 1790 occupent une place significative dans l'oeuvre qu'Hubert Robert a consacrée à la Ré- volution française, période dont il fut lui-même un témoin clairvoyant. Au même titre que Le Mausolée provisoire de Jean-Jacques Rousseau sur le bassin des Tuileries avant la translation de ses cendres au Panthéon (1794) aujourd'hui au Musée Carnavalet, ou que le Projet d'aménagement de la Grande Galerie du Louvre (1796) aujourd'hui au Musée du Louvre, les deux tableaux de la collection Niel démontrent que Robert, s'il fut reçu comme Peintre d'architecture à l'Académie royale de Peinture et de Sculpture en 1766, ne s'est pas cantonné à la représentation de monuments consumés par le temps, qui lui valut le surnom de "Robert des ruines". En effet, la Révolution française, particulièrement dans sa dimension culturelle, a inspiré son pinceau à maintes reprises. Ainsi, une autre version de La Fête de la Fédération Nationale, légèrement plus grande mais très similaire dans sa conception et son exécution au tableau de la collection Niel, est aujourd'hui conservée au musée des châteaux de Versailles et de Trianon. Signée et datée 'H. Robert p. 1790'- et autrefois propriété du marquis de La Fayette dont elle ornait le salon de réception au château de Lagrange (à ce sujet, voir Jules Cloquet,Souvenirs sur la vie privée de La Fayette, Paris: Galignani, 1836, p. 182-183), cette autre version laisse penser que les deux tableaux de la collection Niel ont été exécutés en 1790. Ceci serait cohérent avec le fait que Robert, contrairement à certains de ses contemporains tels que Charles Thévenin ou Pierre-Antoine Demachy (Charles Thévenin et Pierre-Antoine Demachy peignent respectivement en 1792 et 1793 un tableau représentant la Fête de la Fédération Nationale de 1790. Ces deux oeuvres sont conservées au Musée Carnavalet), ait choisi de peindre les évènements révolutionnaires immédiatement après leur déroulement - un choix que sa fameuse rapidité d'exécution ne rend que plus saillant.

Conçus comme des pendants à la touche enjouée, La Journée des brouettes et La Fête de la Fédération Nationale illustrent la première fête révolutionnaire qui s'était déroulée à Paris et visait à célébrer l'unité nationale. Après de nombreux débats, le Champ-de-Mars avait été désigné comme le lieu le plus apte à accueillir près de 400.000 personnes. Des travaux titanesques furent donc entrepris afin de transformer ce terrain informe en un immense amphithéâtre: c'est à ces travaux que se rapporte le premier tableau de Robert, qui représente l'aide que des milliers de Parisiens vinrent apporter spontanément aux travailleurs du Champ-de-Mars, submergés par l'ampleur de la tâ- che. Baptisé "la Journée des brouettes", d'où le titre du tableau, cet épisode qui précaeda la Fête de la Fédération de quelques jours, fut vécu par les citoyens comme un grand moment de fraternité, ce que Robert ne manque pas de souligner. Ainsi, le commentaire de Louis-Sébastien Mercier, chroniqueur éloquent de la Révolution française, décrit à merveille la toile de Robert:
"On ne vit peut-être chez aucun peuple cet étonnant et à jamais mémorable exemple de fraternité;(...) c'est là que j'ai vu cent cinquante mille citoyens de toutes les classes, de tout âge et de tout sexe, formant le plus superbe tableau de concorde, de travail, de mouvement et d'allégresse, qui ait jamais été exposé" (Louis-Sébastien Mercier, Paris pendant la Révolution (1789-1798), ou Le Nouveau Paris [1798] (Paris: Poulet-Malassis, 1862), volume 1, p. 66-67). Quant au tableau La Fête de la Fé- dération Nationale, il représente la fête elle-même. Cependant, tandis que La Journée des brouettes invite à s'introduire dans l'enceinte du Champ-de-Mars au centre duquel hommes du peuple, ecclésiastiques, femmes du monde et enfants s'emploient à élever l'autel de la Patrie, Robert prend le parti original, dans le second tableau, de représenter le Champ-de-Mars dans le lointain. Ainsi, l'arc triomphal devient l'un des motifs dominants du tableau, tandis que quelques figures, restées à l'écart de l'arène et à proximité des tentes plantées lors de la Journée des brouettes, animent le premier plan.

Malgré ces différences de points de vue, les deux tableaux fonctionnent parfaitement comme pendants, leurs formats étant identiques, leurs palettes similaires, et leurs compositions en accord. Ils présentent, en effet, une même ligne d'horizon, créant entre eux deux un sentiment de continuité. Située relativement bas, cette ligne d'horizon laisse place à d'impressionnants effets atmosphériques qui soulignent les qualités de paysagiste de Robert. Par ailleurs, les mêmes monuments se détachent sur les ciels: l'église Sainte-Geneviève - qui deviendra le Panthéon au printemps 1791 - et l'Ecole Militaire.

La préservation de ces deux tableaux dans une même collection jusqu'à ce jour est remarquable d'un point de vue artistique, comme du point de vue de l'histoire de l'art. Montrés au public pour la dernière fois en 1933 au Musée de l'Orangerie à Paris à l'occasion d'une exposition célébrant le bicentenaire de la naissance d'Hubert Robert, La Journée des brouettes et La Fête de la Fédération Nationale sont deux tableaux essentiels pour comprendre non seulement l'ampleur de l'oeuvre d'Hubert Robert, mais surtout l'attitude critique de cet artiste face la Révolution française. En effet, si les historiens s'accordent généralement à désigner la Fête de la Fédération Nationale de 1790 comme le point culminant de la Révolution en terme d'unanimité, il est important de noter que le succès de cette fête est largement du à l'épisode de la Journée des brouettes, vécu comme un moment plus festif que la Fête elle-même, si l'on en croit les commentaires de l'époque. Aussi, l'idée de représenter l'événement en deux volets, comme le fait ici Robert et comme presque aucun autre artiste n'eut l'idée de le faire, est particulièrement pertinente (Jean-Louis Prieur, auteur de soixante-sept des dessins constituant les Tableaux historiques de la Révolution française, est l'un des rares artistes - si ce n'est le seul, outre Robert - à avoir fait ce choix). Tandis que dans le premier tableau, le peintre offre au spectateur un aperçu heureux de l'effort collectif dans un cadre panoramique évoquant lui-même l'idéal révolutionnaire d'universalisme, il adopte un point de vue beaucoup plus détaché dans le second tableau, s'épargnant ainsi la représentation d'une fête qui fut, somme toute, une cérémonie militaire où le peuple eut du mal à trouver sa place. Au-delà de leurs qualités esthétiques, La Journée des brouettes et La Fête de la Fédération Nationale montrent qu'Hubert Robert n'est pas un simple témoin de la Révolution, mais bien un commentateur critique de l'évènement révolutionnaire, conscient des idéaux de 1790 et désireux de transmettre ces derniers, quitte à dissimuler les défaillances de la Fête de la Fédération, qui demeure un épisode mémorable de la Révolution française (La fête révolutionnaire a engendré une vaste littérature. Le livre de Mona Ozouf, La fête révolutionnaire 1789-1799 (Gallimard, 1976), reste l'une des études historiques majeures sur le sujet).
Nous remercions Madame Frédérique Baumgartner pour la rédaction de cette notice.

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