Lot Essay
"J'ai fait de la gravure parce que, avec la gravure, quelque chose apparaissait qui ne pouvait apparaître avec la peinture", confiait Pierre Soulages en 1974 avant de se remettre à la peinture sur toile. L'artiste entretient avec la gravure une relation singulière, exploitant en une approche sculpturale les "accidents heureux" des acides et de l'encre sur la plaque pour concevoir un processus de création inédit, comme en témoigne l'Eau-forte XXX. Avant d'éblouir l'oeil par son outrenoir, hormis l'année 1957, le pigment noir n'est pas dominant dans ses eaux fortes mais côtoie le jaune ou le bleu. Le cuivre, par son altération forcée, occupe une place aussi importante que la composition des couleurs dans le contraste de l'eau-forte: dans cet innovant modus operandi, soumis à la voracité de l'acide nitrique ou du perchlorure de fer qui le perce puis soumet ses irrégularités à la densité de l'encre colorée, le cuivre entre intimement en contact avec le papier révélateur, faisant transparaître sa partition contrastée. Les eaux fortes de Pierre Soulages acquièrent alors le propre d'oeuvres originales, autonomes vis-à-vis de sa peinture.