PIECE DE SURTOUT EN ARGENT
PIECE DE SURTOUT EN ARGENT

PAR ELIE PACOT, LILLE, 1709-1710

Details
PIECE DE SURTOUT EN ARGENT
PAR ELIE PACOT, LILLE, 1709-1710
Octogonale reposant sur huit pieds toupies ciselés de godrons et de feuilles de laurier, la galerie ajourée de rinceaux sur fond amati et appliquée sur quatre côtés d'un médaillon à l'antique, à chaque angle une rosette en rappel sur la bordure, la doublure plus tardive en tôle, gravée du chiffre romain II et de deux striches sur le bord, poinçons à l'intérieur de la galerie: ville, jurande (lettre B) et maître-orfèvre deux fois
Longueur: 42 cm. (16½ in.)
3460 gr. (111.30 oz.)
Provenance
- Vente Christie's Londres, 18 avril 1829, The property of the late Right Hon. Lord Gwydir, lot 28 a pair of octagonal...557 oz.18 dwt, Lot 29 a pair of ditto.
- Garrard, marchand et orfèvre londonien.
- Vente Christie's Londre, 12 mars 1929, Property of Rt. Hon. Lord Brownlow from Belton House, Grantham; lot 78, A pair of old French octagonal stands pierced and chased with foliage, strapwork and medallion heads. Bayonne, circa 1690. Maker's mark E,P and an anchor crowned, fitted with English spirit lamps as heaters and plated tops 275 oz.
- Crichton, antiquaire londonien.
- Jacques Helft.
- Après 1936, collection privée.
Literature
Cette pièce est illustrée dans Les Grands Orfèvres de Louis XIII à Charles X, Paris, 1965, p.78-79.
Elle est également illustrée dans N. Cartier, Les orfèvres de Lille, Louvain, 2005, p. 537.
Exhibited
- Orfèvrerie française civile de province du XVIe au XVIIIe siècle, musée des Arts Décoratifs, mars-avril 1936, numéro 149.
- Three centuries of French domestic silver, New York, Metropolitan museum of Arts, 1938, No 6.
- La table, Paris, Musée des Arts Décoratifs, 1950.
- Trois siècles d'orfèvrerie française, Rouen, 1952.
- Le siècle de Louis XIV. Fastes et décors, Paris, Musée des Arts Décoratifs, 1960, No 417.
Further details
AN IMPORTANT LOUIS XIV SILVER CENTREPIECE, 1709-1710

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Clémentine Robert
Clémentine Robert

Lot Essay

Ce support octogonal appartient à un ensemble de dix-neuf pièces datées entre 1709 et 1710 et s'incrit dans un groupe de quatre. Fabriqué sous l'occupation de Lille par les Alliés pendant la guerre de succession d'Espagne, c'est l'oeuvre d'un des plus grands orfèvres de Lille.
Elie Pacot reste à la fois l'orfèvre le plus connu et le plus mystérieux dans l'histoire de l'orfèvrerie du Nord. Né à Bordeaux en 1657, il est obligé de quitter sa ville natale alors qu'il s'apprête à valider sa maîtrise suite à un concordat qui ferme la profession à ceux qui ne sont pas fils d'orfèvre. Il choisit de venir s'installer à Lille, probablement à cause de la présence d'un condisciple Jean Renard, qui lui facilite sans doute son accès au métier. Cependant c'est surtout son mariage avec une riche fille de marchands qui lui permet d'ouvrir son atelier.
Pacot est un personnage inventif et opportuniste, doublé d'un remarquable homme d'affaires qui s'impose rapidement comme un orfèvre à la mode. En effet, on le trouve livrant, dans cette période tourmentée par les guerres, des commandes à des étrangers tels que l'Electeur de Cologne ou encore le Duc de Marlborough. Sans doute est-ce parce qu'il sait tirer profit de ses contacts et relations comme avec son gendre Pierre Tiron. Ce dernier, fils d'un maître-fondeur parisien, s'installe à Lille sans avoir complété sa maîtrise à Paris malgré un apprentissage chez l'orfèvre Rougemaille. Mais il réussit à être admis à la maîtrise de Lille "par recommandation du prince Eugène et autres puissances étrangères" dont le général en chef est Marlborough. Tiron lui apportera son expérience parisienne avec ses modèles et ses techniques que Pacot mettra à contribution dans son travail et qui se reflètent dans sa production comme pour ce surtout contemporain des modèles de Delaunay et du style Régence à une époque où la province a toujours dix ans de retard sur Paris.
Le premier surtout de table semble dater de la fin du Moyen-Age. Il servait alors essentiellement de décor pour poser les fruits et autres friandises. C'est à la fin du XVIIème siècle que l'on va explorer différents styles et modèles de surtouts pour accomoder les services de table en usage, français, russe et anglais.
Par son nombre de pièces et sa disposition spatiale organisée par une numérotation gravée à l'intérieur de chaque pièce, ce surtout occupe plus de 4m en longueur et 1,20m en largeur. Il devait donc être utilisé pour le service à la française où les plats étaient disposés sur ces supports qui devaient se doubler d'une fonction réchaud, laissant aux convives le soin de se servir.
L'identité du commanditaire reste probablement l'énigme la plus frustrante de cet ensemble. Il fait peu de doute que celui-ci ait été étranger et probablement anglais au vu de la présence des troupes anglaises dans la ville à cette période.
Certes, l'état de siège pertube fortement l'organisation administrative dont principalement le contrôle de l'argent et l'apposition des poinçons, ce qui explique que six des dix-neuf supports ne portent que le poinçon de Pacot.
D'autre part, les Alliés étaient les seuls à avoir les fonds nécessaires et surtout la matière première pour une telle commande.
De plus, le métal argent est rare d'abord parce qu'une ordonnance de police de 1701 limite le poids des objets et surtout parce que pendant cette occupation toutes les matières précieuses furent saisies par les envahisseurs comme butin de guerre ou en échange d'un engagement de protection notamment celle des couvents, des monastères et des villes. Ce surtout pesant plus de 84kg, seul un officier militaire ou un haut dignitaire étranger pouvait posséder une telle quantité d'argent. La preuve que ce surtout a été fabriqué en utilisant de l'argent fondu est que l'analyse du métal le composant a révélé un titre communément utilisié au XVIème siècle.
Tout concourt à penser que c'est le Duc de Malborough qui a commandé cet immense surtout. En tous les cas, il est le seul à avoir l'aura et la culture nécessaires pour un tel achat. D'autre part, il connaît Pacot puisqu'il lui commande d'autres pièces dont un grand bassin daté 1711-1712 (conservé au Victoria and Albert Museum de Londres) ou encore des flambeaux, dans le même goût Régence que le surtout, répertoriés dans les archives du Duc suggérant qu'ils auraient pu être assortis au surtout.
Bien sûr le fait que cet ensemble ait été redécouvert en Angleterre dans la vente Gwydir en 1829 suggère un commanditaire anglais sans fournir plus d'éléments. Les dix-neuf pièces ont toutes été achetées par le marchand Garrard qui les transforme pour les revendre.
Malheureusement sans preuve, le mystère reste complet emporté par l'histoire qui aura apportée fortune et célébrité à Pacot mais surtout la jalousie de ses confrères et un parfum de collaboration qui l'obligeront à repartir à Bordeaux en 1715 où il finira ses jours riche, décédant en 1721.

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