Lot Essay
Cette oeuvre sera reproduite aux corrigenda du volume IV du Catalogue Raisonné (1997-2012) actuellement en préparation par Pierre Encrevé et à paraître en octobre 2013.
James Johnson Sweeney considérait chaque oeuvre de Pierre Soulages comme 'l'accord plaqué sur le clavier et tenu' (J. Johnson Sweeney, Soulages, Neuchâtel, 1972). Tendues avec détermination, les lignes de Peinture 65 x 92 cm, 9 février 1960, semblent effectivement tenues dans l'espace, comme en équilibre.
Cette oeuvre s'inscrit dans un moment singulier de la progression picturale du créateur de l'outrenoir, dont une toile de 1956 est alors exposée par James Jonhson Sweeney au Solomon R.Guggenheim Museum à New York, un an seulement après l'inauguration du musée. Comme entre parenthèses dans une période où, dans la continuité des brous de noix sur papier des débuts, il trace des figures détachées sur fond plus clair, Soulages développe dans les années 1959-1963 un procédé consistant à appliquer la peinture avec une spatule, alors que la couche inférieure est encore fraîche. Le peintre, d'un même geste donc, dépose et racle partiellement la peinture, 'atteignant ce qu'il recherche particulièrement alors : que la matière, la couleur et la forme soient inséparables - parce qu'elles surviennent en même temps, l'une n'étant jamais choisie avant l'autre' selon l'analyse de Pierre Encrevé (P. Encrevé, Soulages, les peintures 1946-2006, Paris, 1994, p. 138). Le geste, posé, tiré, soustrait la peinture pour laisser la lumière émaner de la toile elle-même. La toile n'est plus un simple support mais devient une valeur active, une composante à part entière de l'oeuvre.
1960 est une année charnière pour Soulages tant sur le plan personnel que du point de vue de l'accueil critique. En mai, la présentation à la Galerie de France d'un choix de vingt-sept de ses oeuvres de 1959 et 1960 incluant Peinture 65 x 92 cm, 9 février 1960, rencontre un grand retentissement. Cette exposition est, aux yeux de Soulages, sa première vraie exposition personnelle à Paris, car cette fois-ci, contrairement aux expositions de 1949 et de 1956, il sélectionne lui-même les toiles exposées. La première rétrospective internationale de l'oeuvre de Soulages est quant à elle inaugurée en décembre à la Kestner-Gesellschaft de Hanovre. C'est également en 1960 que Soulages complète son atelier parisien par un studio attenant à sa maison de Sète. L'espace principal, de 4 mètres de hauteur, ouvert par de grandes baies vitrées, est conçu par Soulages comme un écrin adapté à l'évolution de sa peinture : il abandonne en 1960 les toiles de format commercial pour de vastes châssis sur mesure.
Henri-Georges Clouzot, alors qu'il tourne La Vérité en 1960, est déjà un passionné de l'Ecole de Paris ; son oeil sélectif et exigeant reconnaît le talent de Soulages, à qui il rend donc visite dans l'atelier de la rue Galande. Comme en souvenir de cette rencontre, Clouzot acquiert l'année suivante Peinture 65 x 92 cm, 9 février 1960, sensible peut-être à l'amplitude du geste transversal qui rythme l'oeuvre, symbole de l'énergie que Michel Ragon évoquait en ces termes : 'Dans ce dynamisme, il est à remarquer que le mouvement n'intervient jamais. Ou bien alors c'est un mouvement contenu, une tension plutôt. C'est un arc bandé, mais dont la flèche ne part pas' (M. Ragon, Soulages, Paris, 1962, p.2).
James Johnson Sweeney considered each work by Pierre Soulages to be 'a chord struck on the keyboard and held' (James Johnson Sweeney, Soulages, Editions Ides et Calendes, 1972). Purposefully tense, the lines of Peinture 65 x 92 cm, 9 février 1960, seem to be held, as if balancing, in space.
This work is part of a unique moment in the pictorial progression of the creator of Outrenoir, who had a 1956 canvas displayed at the time at the Solomon R.Guggenheim Museum by James Johnson Sweeney, just one year after the museum opening. As a parenthesisin the period which, following the early walnut stains on paper, he drew figures standing out from a lighter background - in the years 1959-1963 Soulages developed a process involving applying paint with a spatula, while the coat below was still fresh. In a single gesture, the painter deposited and partially scraped the paint, 'achieving what he particularly wanted then: that the material, the colour and the form would be inseparable - because they happen at the same time, one never being chosen before the other,' according to Pierre Encrevé (P. Encrevé, Soulages, Les Peintures 1946-2006, Seuil, Paris, 1994). The placing and scraping gesture removed the paint to allow the light to emanate from the canvas itself. The canvas was no longer a simple medium but an active asset, a component of the work in its own right.
1960 was a pivotal year for Soulages, both on a personal level and in terms of critical response. In May, a presentation at the Galerie de France of a selection of 27 of his works from 1959 and 1960, including Peinture 65 x 92 cm, 9 février 1960, made a huge impression. Soulages sees this as his first real personal exhibition in Paris at this time, unlike the exhibitions of 1949 and 1956, he selected the canvases to be exhibited himself. Meanwhile, the first international retrospective of Soulages's work opened in December at the Kestner-Gesellschaft in Hanover. It was also in 1960 that Soulages created a studio attached to his house in Sète, in addition to his Paris studio. The main space, 4 meters high and lit by large bay windows, was designed by Soulages as a suitable setting to accompany the development of his work. In 1960, he abandoned commercial-format canvases in favour of vast customised frames.
Henri-Georges Clouzot, who was filming La Vérité in 1960, was already a devotee of the Paris School. His selective and demanding eye recognised Soulages's talent as he visited him in his studio on Rue Galande. The following year, as a souvenir of this meeting, Clouzot acquired Peinture 65 x 92 cm, 9 février 1960, perhaps sensitive to the scale of the transversal gesture which animates the work, a symbol of the energy which Michel Ragon described in these terms: 'It can be noted that movement is never part of this dynamism. Or else it is a contained movement, or rather a tension. It is a bow drawn back, but whose arrow never flies.' (Michel Ragon, Soulages, Paris, 1962, p. 2)
James Johnson Sweeney considérait chaque oeuvre de Pierre Soulages comme 'l'accord plaqué sur le clavier et tenu' (J. Johnson Sweeney, Soulages, Neuchâtel, 1972). Tendues avec détermination, les lignes de Peinture 65 x 92 cm, 9 février 1960, semblent effectivement tenues dans l'espace, comme en équilibre.
Cette oeuvre s'inscrit dans un moment singulier de la progression picturale du créateur de l'outrenoir, dont une toile de 1956 est alors exposée par James Jonhson Sweeney au Solomon R.Guggenheim Museum à New York, un an seulement après l'inauguration du musée. Comme entre parenthèses dans une période où, dans la continuité des brous de noix sur papier des débuts, il trace des figures détachées sur fond plus clair, Soulages développe dans les années 1959-1963 un procédé consistant à appliquer la peinture avec une spatule, alors que la couche inférieure est encore fraîche. Le peintre, d'un même geste donc, dépose et racle partiellement la peinture, 'atteignant ce qu'il recherche particulièrement alors : que la matière, la couleur et la forme soient inséparables - parce qu'elles surviennent en même temps, l'une n'étant jamais choisie avant l'autre' selon l'analyse de Pierre Encrevé (P. Encrevé, Soulages, les peintures 1946-2006, Paris, 1994, p. 138). Le geste, posé, tiré, soustrait la peinture pour laisser la lumière émaner de la toile elle-même. La toile n'est plus un simple support mais devient une valeur active, une composante à part entière de l'oeuvre.
1960 est une année charnière pour Soulages tant sur le plan personnel que du point de vue de l'accueil critique. En mai, la présentation à la Galerie de France d'un choix de vingt-sept de ses oeuvres de 1959 et 1960 incluant Peinture 65 x 92 cm, 9 février 1960, rencontre un grand retentissement. Cette exposition est, aux yeux de Soulages, sa première vraie exposition personnelle à Paris, car cette fois-ci, contrairement aux expositions de 1949 et de 1956, il sélectionne lui-même les toiles exposées. La première rétrospective internationale de l'oeuvre de Soulages est quant à elle inaugurée en décembre à la Kestner-Gesellschaft de Hanovre. C'est également en 1960 que Soulages complète son atelier parisien par un studio attenant à sa maison de Sète. L'espace principal, de 4 mètres de hauteur, ouvert par de grandes baies vitrées, est conçu par Soulages comme un écrin adapté à l'évolution de sa peinture : il abandonne en 1960 les toiles de format commercial pour de vastes châssis sur mesure.
Henri-Georges Clouzot, alors qu'il tourne La Vérité en 1960, est déjà un passionné de l'Ecole de Paris ; son oeil sélectif et exigeant reconnaît le talent de Soulages, à qui il rend donc visite dans l'atelier de la rue Galande. Comme en souvenir de cette rencontre, Clouzot acquiert l'année suivante Peinture 65 x 92 cm, 9 février 1960, sensible peut-être à l'amplitude du geste transversal qui rythme l'oeuvre, symbole de l'énergie que Michel Ragon évoquait en ces termes : 'Dans ce dynamisme, il est à remarquer que le mouvement n'intervient jamais. Ou bien alors c'est un mouvement contenu, une tension plutôt. C'est un arc bandé, mais dont la flèche ne part pas' (M. Ragon, Soulages, Paris, 1962, p.2).
James Johnson Sweeney considered each work by Pierre Soulages to be 'a chord struck on the keyboard and held' (James Johnson Sweeney, Soulages, Editions Ides et Calendes, 1972). Purposefully tense, the lines of Peinture 65 x 92 cm, 9 février 1960, seem to be held, as if balancing, in space.
This work is part of a unique moment in the pictorial progression of the creator of Outrenoir, who had a 1956 canvas displayed at the time at the Solomon R.Guggenheim Museum by James Johnson Sweeney, just one year after the museum opening. As a parenthesisin the period which, following the early walnut stains on paper, he drew figures standing out from a lighter background - in the years 1959-1963 Soulages developed a process involving applying paint with a spatula, while the coat below was still fresh. In a single gesture, the painter deposited and partially scraped the paint, 'achieving what he particularly wanted then: that the material, the colour and the form would be inseparable - because they happen at the same time, one never being chosen before the other,' according to Pierre Encrevé (P. Encrevé, Soulages, Les Peintures 1946-2006, Seuil, Paris, 1994). The placing and scraping gesture removed the paint to allow the light to emanate from the canvas itself. The canvas was no longer a simple medium but an active asset, a component of the work in its own right.
1960 was a pivotal year for Soulages, both on a personal level and in terms of critical response. In May, a presentation at the Galerie de France of a selection of 27 of his works from 1959 and 1960, including Peinture 65 x 92 cm, 9 février 1960, made a huge impression. Soulages sees this as his first real personal exhibition in Paris at this time, unlike the exhibitions of 1949 and 1956, he selected the canvases to be exhibited himself. Meanwhile, the first international retrospective of Soulages's work opened in December at the Kestner-Gesellschaft in Hanover. It was also in 1960 that Soulages created a studio attached to his house in Sète, in addition to his Paris studio. The main space, 4 meters high and lit by large bay windows, was designed by Soulages as a suitable setting to accompany the development of his work. In 1960, he abandoned commercial-format canvases in favour of vast customised frames.
Henri-Georges Clouzot, who was filming La Vérité in 1960, was already a devotee of the Paris School. His selective and demanding eye recognised Soulages's talent as he visited him in his studio on Rue Galande. The following year, as a souvenir of this meeting, Clouzot acquired Peinture 65 x 92 cm, 9 février 1960, perhaps sensitive to the scale of the transversal gesture which animates the work, a symbol of the energy which Michel Ragon described in these terms: 'It can be noted that movement is never part of this dynamism. Or else it is a contained movement, or rather a tension. It is a bow drawn back, but whose arrow never flies.' (Michel Ragon, Soulages, Paris, 1962, p. 2)