STATUETTE YOROUBA
YORUBA FIGURE
Utotombo Contexte et courte histoire d'une exposition d'art africain à Bruxelles Frank Herreman* En septembre 1987, Elze Bruyninx, occupant alors un poste de recherche à l'université de Gand, Marie-Louise Bastin, conférencière à l'Université Libre de Bruxelles, Anne Leurquin, une de ses anciennes élèves, et moi Frank Herreman, alors membre du personnel du musée d'ethnographie d'Anvers, fûmes sollicités pour former le comité de sélection pour une exposition d'art africain dans les collections privées belges au Palais des Beaux Arts de Bruxelles (aujourd'hui connu sous le nom de Bozar) sous la direction de Jan Debbaut. L'exposition, intitulée "Utotombo", devait être conçue en un laps de temps très court, entre octobre 1987 et le 25 mars 1988, date d'ouverture. Le titre de l'exposition fût choisi sur la suggestion de Marie-Louise Bastin. Elle nous informa que pour le peuple Tschokwé d'Angola le terme utotombo "désigne un objet bien fait et efficace, réalisé avec beaucoup d'habilité et d'amour". Entre début octobre et la mi-décembre nous visitâmes près de soixante collections privées et photographimes près de mille cinq cent oeuvres parmi le vaste ensemble que nous vîmes. Ce que nous trouvâmes dépassait largement nos espoirs, tant du point de vue de la qualité que de la diversité. Le nombre de collectionneurs qui avaient déjà participé aux deux expositions qui ont précédé Utotombo en Belgique fut multiplié de six fois (une exposition s'intitulait "Arts Premiers d'Afrique Noire" et eut lieu à Bruxelles en 1977; la seconde eut lieu à Anvers en 1975 et s'intitulait "Sculptures africaines; nouveau regard sur un héritage"). Le rôle dominant que joue Bruxelles, et dans une moindre mesure Anvers, dans le commerce et la collection d'art africain en général, et de l'art congolais en particulier, remonte à l'histoire coloniale de la Belgique. Très tôt déjà les fonctionnaires coloniaux avaient l'instruction d'acquérir des objets pour participer à la formation d'un musée du Congo, créé en 1898, connu aujourd'hui sous le nom de "Musée Royal de l'Afrique Centrale", se trouvant à Tervuren. Des missionnaires et certains coloniaux développèrent un intérêt personnel pour ces "arts indigènes". Les missionnaires utilisèrent leur collection dans des expositions de propagande pour soutenir leurs travaux au Congo. Des objets provenant de sources coloniales et missionnaires entrèrent également dans le circuit commercial. Le commerce d'art africain en Belgique se faisait principalement à Bruxelles. Dans les années cinquante la plupart des marchands de Bruxelles vendaient des oeuvres d'art africain aux côtés d'antiquités européennes. Les années soixante virent l'émergence de marchands se spécialisant dans les objets africains, océaniens, ainsi que des cultures traditionnelles d'Amérique. L'indépendance de la colonie belge en 1960 signala le départ de nombreux responsables coloniaux, tout en apportant des objets congolais en Belgique. Ultérieurement, un certain nombre de ces objets finissaient sur le marché belge. En 1960, d'autres pays européens virent leurs colonies accéder à l'indépendance. Cette nouvelle situation amena une nouvelle génération de marchands qui, à la recherche de marchandises, se voyait obligée d'aller en Afrique. Après la seconde guerre mondiale, très peu d'expositions d'art africain furent organisées en Belgique. L'Exposition Universelle de Bruxelles en 1958 avait préparé une exposition sur l'art du Congo, du Rwanda et du Burundi. En 1963, le musée de Tervuren organisa l'exposition "Art d'Afrique dans les collections belges" qui comprenait une sélection de plus de six cent sculptures de pays africains autres que l'ancien Congo Belge. Puis, en 1975, Philippe Guimiot organisa la remarquable exposition "Sculpture africaine: nouvelles perspectives sur un patrimoine" à Anvers. Elle comprenait des oeuvres provenant du musée d'ethnographie d'Anvers et de quelques collections privées belges. En 1977 Guimiot collabora à l'exposition "Arts premiers d'Afrique noire" avec Lucien Van de Velde. Toutes les oeuvres présentées dans cette exposition provenaient de collections privées. Ces deux manifestations serviraient dix ans plus tard comme une source majeure d'inspiration. Lorsque notre équipe commença le processus de sélection, elle réalisa que "Utotombo" pourrait comprendre un rayon d'objets beaucoup plus large que les deux précédentes expositions. Il fut enfin convenu que le nombre de prêts serait élargi de 150 à une sélection finale de 336 objets. Cette décision était prise, étant donnée la grande quantité d'objets de qualité rencontrée. La seconde raison de cet élargissement était le plus grand rayonnement de genre, qui, en plus des masques et des figures inclurait également des parures, du mobilier et d'autres arts décoratifs. Le catalogue comprendrait des photographies de tous les objets, des notices expliquant la fonction et signification des oeuvres, ainsi qu'un certain nombre d'essais, écrits par d'importants chercheurs du domaine des études des arts africains. Dans le catalogue et dans l'exposition, les oeuvres furent organisées en fonction de leur provenance géographique, allant de l'ouest au sud de l'Afrique. Une des salles de l'exposition fut utilisée pour mettre l'utilisation et la fonction de l'art africain en évidence. Je fus chargé d'extraire des oeuvres d'art de la sélection et de rédiger un essai concentré sur les relations entre l'art, la religion, la société et l'économie dans les cultures africaines. Le texte, avec illustrations, fut publié en supplément du catalogue. Le catalogue de "Utotombo" était déjà en rupture de stock deux semaines avant la fermeture de l'exposition. Aujourd'hui cette publication est devenue l'objet du désir de nombreux passionnés d'art africain et est souvent citée dans les provenances d'un objet. Ce qui distingua "Utotombo" de la plupart des expositions d'art africain qui l'ont suivie c'est qu'elle ne tira ses objets que de sources privées. Certes, cela impose quelques restrictions, mais ce fut aussi un hommage à la prospection incessante de l'inconnu et du sous-évalué par les collectionneurs belges dans l'art d'Afrique noire. Basé sur une fusion de connaissance, d'intuition et d'esprit ouvert ils recherchèrent continuellement de nouvelles formes, de nouveaux genres et de nouvelles traditions artistique dans l'art africain. Les six objets, faisant partie de "Utotombo" et qui font maintenant partie de cette vente, illustrent l'ambition du collectionneur belge de cette époque pour la formation d'un ensemble de premier ordre. Quatre sculptures viennent de la République Démocratique du Congo. Parmi celles-ci on trouve une superbe statuette recouverte de clous en provenance du Bas-Congo, une autre et rare figure nkissi des Yombé dressée sur une base en forme de tortue et qui possède encore ses charges magiques, une figure de femme Yombé finement sculptée et décorée de clous européens de tapissier et un grand masque giwoyo des Pendé. Les deux autres objets proviennent des Yorouba, la plus grande culture du Nigeria. Le premier est un bâton de cérémonie avec deux figures. Le second est une statuette importante de femme. Elle servit probablement de figure d'autel et représente un disciple de Shango. Ces six oeuvres d'art mises en vente témoignent du très haut niveau que certaines collections belges avaient atteint avant "Utotombo". C'était l'enthousiasme des collectionneurs qui nous donna l'impulsion de faire de "Utotombo" un des évènements majeurs de l'histoire des expositions d'art africain. *Une étude plus complète sur l'histoire et le contexte de l'exposition Utotombo sera inclus dans l'essai à paraître de Frank Herreman: "The Delenne Collection and the Exhibition "Utotombo" (Brussels, 1988): Some Recollections,". In Fragments of the Invisible: The Ren and Odette Delenne Collection of Congo Sculpture, ed. Constantine Petridis, Cleveland: The Cleveland Museum of Art, 2013. L'auteur de ce texte souhaite remercier Constantine Petridis pour ses conseils. Références bibliographiques Antwerp 1975 Sculptures africaines nouveau regard sur un héritage, exh. cat. Brussels: Philippe Guimiot, 1975. Bastin 1998 Bastin, Marie-Louise, et al. Utotombo. L'Art d'Afrique noire dans les collections privées belges, exh. cat. Brussels: Société des Expositions du Palais des Beaux-Arts, 1988. Bruxelles 1958 Kunst in Kongo, exh. cat. Bruxelles: Algemene Wereldtentoonstelling, Sectie van Belgisch-Kongo en Ruanda-Urundi, 1958. Bruxelles 1977 Arts premiers d'Afrique noire, exh. cat. Brussels: Crédit Communal de Belgique, Centre Culturel, 1977. Herreman 1988 Herreman, Frank. Afrikaanse kunst; enkele belangrijke functies toegelicht. Supplément au catalogue d'exposition Utotombo: Kunst uit Zwaty-Afrika in Belgisch privé-bezit. Brussels: Vereniging voor Tentoonstellingen van het Paleis voor Schone Kunsten, 1988.
STATUETTE YOROUBA YORUBA FIGURE

NIGERIA

Details
STATUETTE YOROUBA
YORUBA FIGURE
Nigeria
Hauteur: 45 cm. (17¾ in.)
Provenance
Importante collection privée européenne
Literature
Debbaut, J., Utotombo, L'art d'Afrique noire dans les collections privées belges, Société des Expositions du Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, 1988, p.83
Further details
Utotombo
Context and short History of an African Art Exhibition in Brussels by
Frank Herreman*

In September 1987, Elze Bruyninx, who at that time held a research position at the University of Ghent, Marie Louise Bastin, then a lecturer at the Université Libre de Bruxelles, Anne Leurquin, one of Bastin's former students, and myself, Frank Herreman, then a staff member at the Ethnographic Museum in Antwerp, were requested to form the selection committee for an exhibition of African art in Belgian private collections at the Centre for Fine Arts (today known as Bozar) in Brussels, and then under the leadership of Jan Debbaut.
The exhibition, named "Utotombo", had to be conceived and produced in a very short time-span, between October 1987 and its opening on March 25, 1988. The title of the show was chosen upon the suggestion of Marie-Louise Bastin. She informed us that among the Chokwe peoples of Angola the word utotombo signifies a well-made and efficient object that was created with great craftsmanship and affection. Between early October and mid-December we visited about sixty private collectors and photographed a total of about 1,500 artworks from the much larger number of objects we encountered. What we discovered surpassed our wildest expectations in terms of both quality and diversity. Though we did include all the collectors who had contributed to two earlier African art exhibitions in Belgium - one held in Brussels "African Sculpture: New Perspectives on a Patrimony," in 1977, the other in Antwerp "Arts premiers d'Afrique noire" in 1975 - we added about six times more names to the list. The dominant role which Brussels and to a lesser extent Antwerp continue to play in the trade and collecting of African art in general-and of Congolese art in particular-goes back to Belgium's colonial history. Early on, colonial officials were commissioned to acquire objects to contribute to the budding collection of the newly founded Museum of the Congo in 1898, it is today known as the Royal Museum for Central Africa and is located in Tervuren. Missionaries and some colonials developed a personal interest in the "native arts" Missionaries used their collections for propaganda exhibitions to
support their work in Congo. Objects deriving from both missionary and private colonial sources also ended in the commercial circuit. The African art trade in Belgium was mainly to be found in Brussels. During the 1950s most of the Brussels dealers traded works of African art next to the European antiquities. The 1960s saw the emergence of dealers who started to concentrate mostly on African objects but also on works of art from Oceania, and American Indian cultures. The independence of the Belgian colony in 1960 and the return of colonial servants to their homeland brought a new load of Congolese art onto the Belgian art market. 1960 was also the time when other European countries witnessed their colonies access independence. This new situation brought a new generation of dealers that traveled directly to Africa in search of merchandise.
At first, very few exhibitions of African art were organized in Belgium after World War II. The Brussels Universal Exposition of 1958 did host an exhibition art from the Congo and Ruanda and Burundi. In 1963 the Tervuren Museum organized "Art d'Afrique dans les collections belges", comprising a selection of more than 600 sculptures from other African countries than the former Belgian Congo. Then, in 1975, Philippe Guimiot organized in Antwerp the noteworthy exhibition "African Sculpture: New Perspectives on a Patrimony". It included works from the Antwerp Ethnographic Museum and from a few Belgian private lenders. In 1977, Guimiot collaborated with Lucien Van de Velde in Brussels on the exhibition "Arts premiers d'Afrique noire" (First Arts from Black
Africa). All the selected works of art for this show came from private collections. Both exhibitions served as direct inspirations for "Utotombo" ten years later.
As soon as our team started with the selection process, we realized that "Utotombo" could offer a much wider range of objects than the two exhibitions held previously. It was agreed that, as a result of the large quantity of high-quality objects, and the expanded range of types and genres we encountered - including also jewelry, decorative arts, and furniture, aside from masks and figures - we would raise the initial limit of 150 loans to a final selection of 336 objects. The catalog would include images of all the objects as well as entries explaining the function and meaning of every object, and a number of essays by several then leading scholars in the field of African art studies. In both the catalogue and the exhibition, the selected works were organized following their geographic distribution from western to southern Africa. One room in the exhibition was used to illuminate the use and function of African. I was given the task to extract some works, and to write an essay focusing on the relationships between art religion, society and economy. It was published as a supplement to the actual catalogue. The "Utotombo" catalogue was already sold out two weeks before the exhibition's closing. Today, the publication is highly desirable among book African art aficionados, and often referred to as part of an object's pedigree. What distinguished "Utotombo" from most of succeeding African art exhibitions was the fact that it drew exclusively from private collections. While this imposed some restrictions, it also celebrated the continuous search for the unknown and the underrated by the Belgian collectors. Based on a combination of knowledge, intuition, and an open mind, they continuously were looking for new forms, genres, and artistic traditions in African art. The six objects that are part of this auction and that were included in "Utotombo" clearly demonstrate the ambition of a Belgian collector of hat period to put together a first rate collection. Four sculptures are from the Democratic Republic of Congo. They include a superb power figure covered with nails and pins from the Lower Congo region; another and rare nkissi figure from the Yombe peoples that is still loaded with power substances and is standing on a base in the shape of a tortoise; a finely carved female Yombe figure decorated with upholstery tags, and a large giwoyo mask from the Pende peoples. The two other artworks come from the Yoruba peoples of Nigeria. One is a ritual staff, eshu, with two figures. The other is a major carved female figure, except the face. It probably served as an altar figure representing a follower of Shango. These six works of art that are put at auction are a testimony of the high level that some Belgian collectors had reached in the years preceding "Utotombo". It was the enthusiasm of these collectors that gave us the impetus to make "Utotombo" become a major event in the history of African art exhibitions.
*A more extensive essay about the history and context of the Utotombo exhibition will be included in the forthcoming essay by Frank Herrreman: "The Delenne Collection and the Exhibition "Utotombo" (Brussels, 1988): Some Recollections." In Fragments of the Invisible: The Ren and Odette Delenne Collection of Congo Sculpture, ed. Constantine Petridis, Cleveland: The Cleveland Museum of Art, 2013. I wish to thank Constantine Petridis for his advice.

REFERENCES CITED

Antwerp 1975RAfrikaanse beeldhouwkunst: Nieuw zicht op een erfgoed, exh. cat. Brussels: Philippe Guimiot, 1975.

Bastin 1988
Bastin, Marie-Louise, et al. Utotombo. L'Art d'Afrique noire dans les collections privées belges, exh. cat. Brussels: Société des Expositions du Palais des Beaux-Arts, 1988.

Brussels 1958
Kunst in Kongo, exh. cat. Brussels: Algemene Wereldtentoonstelling, Sectie van Belgisch-Kongo en Ruanda-Urundi, 1958.

Brussels 1977
Arts premiers d'Afrique noire, exh. cat. Brussels: Crédit Communal de Belgique, Centre Culturel, 1977.

Herreman 1988
Herreman, Frank. Afrikaanse kunst; enkele belangrijke functies toegelicht. Supplement to the exhibition catalogue Utotombo: Kunst uit Zwaty-Afrika in Belgisch privé-bezit. Brussels: Vereniging voor Tentoonstellingen van het Paleis voor Schone Kunsten, 1988.
Sale room notice
La provenance de ce lot est:
Kegel-Konietzko, Hambourg
Pierre Dartevelle, Bruxelles
Importante collection privée européenne


The provenance of this lot is:
Kegel-Konietzko, Hamburg
Pierre Dartevelle, Brussels
European important private collection

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Suzan Kloman
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Lot Essay

Superbe statuette yorouba représentant un personnage féminin debout en position statique. Notons la qualité exceptionnelle du modelé et les courbes sensuelles de son corps généreux. Le visage, ne permettant aujourd'hui que de distinguer légèrement ses traits, a très certainement fait l'objet de nombreuses manipulations rituelles ayant petit à petit effacé les arrêtes et sublimé la surface. La bicoloration de l'objet, résultant des brûlures en surface, ne fait que renforcer la force se dégageant de ce visage mystérieux.
La présence d'une amulette d'origine islamique suspendue en haut du dos de ce personnage féminin suggère que cette oeuvre aurait été sculptée par un artiste igbomina, sous-groupe des Yorouba. Ce détail se retrouve sur de nombreuses autres créations igbomina et sur certaines sculptures des Ekiti du sud (John Pemberton III, communication personnelle, 2012).

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