MIROIR EN FILIGRANE D'ARGENT
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MIROIR EN FILIGRANE D'ARGENT

ATTRIBUE A JOHANN JACOB ADAM, DEUXIEME QUART DU XVIIIEME SIECLE, PROBABLEMENT SUD DE L'ALLEMAGNE

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MIROIR EN FILIGRANE D'ARGENT
ATTRIBUE A JOHANN JACOB ADAM, DEUXIEME QUART DU XVIIIEME SIECLE, PROBABLEMENT SUD DE L'ALLEMAGNE
En marqueterie Boulle d'écaille de tortue Caouanne, étain, ornementation d'argent et d'argent doré, la façade en forme de cartouche sommée d'une acanthe stylisée, le contour semé d'une frise de soufflets et de fleurs, le dos centré d'un violoniste dans un théâtre richement décoré de rinceaux, dans un encadrement présentant une scène de vendange, Pan dansant avec une nymphe et des écureuils portés par des chiens, sur un support articulé de forme mouvementée
64,5 x 52 cm. (25½ x 20½ in.)
Special notice
Prospective purchasers are advised that several countries prohibit the importation of property containing materials from endangered species, including but not limited to coral, ivory and tortoiseshell. Accordingly, prospective purchasers should familiarize themselves with relevant customs regulations prior to bidding if they intend to import this lot into another country.
Further details
A FILIGREE, SILVER AND SILVER-GILT-MOUNTED PEWTER INLAID TORTOISESHELL BOULLE MARQUETRY DRESSING TABLE MIRROR, SECOND QUARTER 18TH CENTURY, PROBABLY SOUTH GERMAN

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Margaux Zoi
Margaux Zoi

Lot Essay

Ce fabuleux miroir présente la spécificité d'être à la fois un trésor d'orfèvrerie et un chef d'oeuvre de marqueterie. Bien que son origine (auteurs, commanditaire, etc) reste encore énigmatique, il nous permet de nous plonger dans différents centres de création artistique et d'expression du génie de la main de l'homme au milieu du XVIIIe siècle.

La technique du filigrane qui consiste à étirer et entrelacer des fils d'argent et à les assembler sur une même pièce de métal trouve son origine durant l'Antiquité. Elle aurait été inventée par des orfèvres Phéniciens. Utilisée dans les arts précieux médéivaux, elle prend un nouvel essor au XVIIIème siècle aussi bien en France que de l'autre côté du Rhin.

Ainsi Louis XIV ouvre-t-il son Cabinet des Filigranes à Versailles en 1655. L'inventaire rédigé à la mort d'Anne d'Autriche en 1666 donne de nombreuses précisions sur la grande quantité d'objets décoratifs exécutés selon ce précieux procédé. Le document fait également mention d'un orfèvre et filigraneur, Jean Lemire, qui travaille pour la cour. La paire de chandeliers en filigrane d'argent à sept bobèches conservée dans les collections carmélitaines est à rapprocher du décor du présent miroir (Michèle Bimbenet-Privat, Les Orfèvres et l'orfèvrerie de Paris au XVIIème siècle, Edition des Musées de la Ville de Paris, 2002, pp. 17-18). Dentelles, volutes et contre-volutes animent la surface, s'entrecroisent et se superposent d'une manière qui n'est pas sans rappeler les sinueux rameaux et la douceur des pétales des fleurs naturalistes qui parsèment le cadre de ce miroir.

Les collections de nécessaires de toilette et de divers objets en filigrane des cours princières comme celles de Louis XIV, de Fréderic-Guillaume de Brandebourg, de la princesse Amalia de Solms ou encore de Charlotte de Mecklembourg, épouse du roi d'Angleterre George III ont presque toutes été perdues ou refondues. Seule celle des tsars a été conservée et permet d'imaginer le raffinement des intérieurs habités par de tels objets. Les nécessaires de toilettes, parmi lesquels les miroirs occupent la place centrale étaient souvent des cadeaux de noces et des objets d'une somptuosité inégalée. En témoigne le remarquable miroir au cadre filigrané d'argent de la collection de Catherine II de Russie conservé à l'Ermitage à Saint-Pétersbourg. A la fois intimes et ostentatoires, ils permettaient d'attester de la richesse et du statut de leurs propriétaires. Ainsi du Portrait du Marquis de Marigny et de sa femme peint par Louis-Michel Van Loo et conservé au Musée du Louvre (illustré dans Cat. expo., Marigny. Ministre des Arts au château de Menars, Silvana Editoriale, Milan, 2012, p. 76) qui présente le couple auprès d'une table sur laquelle est posé un élégant miroir de toilette en argent.

Le miroir du château de Rosenborg ayant appartenu à la princesse Charlotte Amalie s'inscrit dans cette même mouvance. Les fleurs délicatement écloses qui rythment les côtés du cadre présentent une parenté indéniable avec celles qui parent le plat de reliure d'un livre d'Heures conservé au musée du Kremlin à Moscou, caractéristique du filigrane de Schwabisch Gmünd. L'intérieur des pétales est de manière analogue occupé par un dense réseau de fils torsadés et l'ensemble du décor semble se poser délicatement sur le fond d'argent doré créant ainsi un exquis contraste de couleurs. Ce rapprochement nous permet d'attribuer le présent miroir à un artiste de Schwabisch Gmünd comme Johann Jacob Adam. Une autre reliure de livre de prière conservée au Metropolitan Museum of art de New York (Inv. 13.41.22) reprend également le même type de motifs.

Le travail de contraste entre le fond d'argent doré et le filigrane d'argent évoque également une coupe attribuée à Johann Jacob Adam apparue récemment sur le marché (vente Sotheby's Paris, 18 avril 2012, lot 110). Si les orfèvres parisiens ou souabes ont excellé aux XVII et XVIIIème siècle dans la technique du filigrane, nombre d'objets étaient également importés d'Orient grâce à l'ouverture dès le XVIème siècle des grandes routes commerciales. L'exposition présentée au Musée de l'Ermitage d'Amsterdam en 2006, Le Miracle en argent de l'Est. Le Filigrane des Tsars a permis de mettre en lumière cet aspect de la production des filigranes à l'époque moderne.

Ce décor constitue un merveilleux témoignage de l'attention portée par les orfèvres aux jeux de lumière offerts par la glace et la toile de fils d'argents qui se détachent d'un fond doré. L'exquise vanité princière répond au raffinement de la technique comme la fragilité du pouvoir s'associe au caractère frêle et fugace de l'argent étiré à l'infini.

Le spectaculaire travail d'orfèvrerie animant la façade de ce miroir ne doit pas faire oublier la prodigieuse marqueterie Boulle qui en orne le revers. Elle se caractérise par la richesse et l'inventivité de ses motifs : on y retrouve des faunes dansant, des vignerons aux vendanges ou encore un allègre violoniste... Dans les encadrements, dispersés dans les volutes feuillagées batifolent libellules, écureuils et chiens... En termes de marqueterie, le rapprochement qui s'impose est naturellement celui du miroir de la collection Wallace, à Londres (Inv. F50). Il est notamment illustré dans Peter Hughes, The Wallace Collection. Catalogue of Furniture. II, The Wallace Collection, Londres, 1996, pp. 711-718.

Précisons également que la marqueterie présente un certain nombre de similitudes avec des oeuvres de l'ébéniste Nicolas Sageot. Mais contrairement à une idée trop répandue, la maîtrise de la marqueterie Boulle ne se limitait pas aux ateliers parisiens. La marqueterie du présent lot pourrait être l'oeuvre d'un atelier allemand (cf. en particulier Cat. expo., Prunkmöbel am Müchner Hof. Barocker Dekor unter der Lupe, Munich, 2011, pp. 68-69).

Enfin, un tel objet pose nécessairement la question du contexte de sa conception. Elle suppose en effet l'association d'un ornemaniste responsable du dessin, d'un orfèvre et d'un marqueteur. Tant la paternité de ce chef-d'oeuvre que le contexte de sa commande et de sa création restent encore à découvrir.

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