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FLORENCE PERKINS, L’AMIE AMÉRICAINE DE MAETERLINCK
Maurice MAETERLINCK (1862-1949).140 lettres autographes signées (« Maeterlinck »), datées pour la plupart, adressées à Florence PERKINS. Entre 1922 (une seule lettre antérieure, 30 novembre 1915) et le 15 octobre 1940. Encre bleue sur papier à lettres souvent bleu, avec les adresses des différentes résidences de Maeterlinck (Les Abeilles, Nice ; Château de Médan; Orlamonde à partir de 1932 ; et différents hôtels de cure ou de villégiature). Avec 80 enveloppes, suscription « Mlle Florence Perkins (« Miss Florence Perkins » pour les lettres de la fin), et diverses adresses à New York (The Biltmore, The Drake, Ausonia dans les années 1930, hôtel Esplanade de 1938 à 1940) ou en France (divers hôtels à Paris, Crillon, Régina, Claridge, à Royat ou Vichy). 2 télégrammes ; 14 cartes postales ; autant de documents divers (coupures de presse). Brefs résumés en anglais sur des papillons de papier blanc pour un quart des lettres environ. Une lettre d’Algernon Blackwood à Florence Perkins, datée du 3 décembre 1919.
Details
Maurice MAETERLINCK (1862-1949).140 lettres autographes signées (« Maeterlinck »), datées pour la plupart, adressées à Florence PERKINS. Entre 1922 (une seule lettre antérieure, 30 novembre 1915) et le 15 octobre 1940. Encre bleue sur papier à lettres souvent bleu, avec les adresses des différentes résidences de Maeterlinck (Les Abeilles, Nice ; Château de Médan; Orlamonde à partir de 1932 ; et différents hôtels de cure ou de villégiature). Avec 80 enveloppes, suscription « Mlle Florence Perkins (« Miss Florence Perkins » pour les lettres de la fin), et diverses adresses à New York (The Biltmore, The Drake, Ausonia dans les années 1930, hôtel Esplanade de 1938 à 1940) ou en France (divers hôtels à Paris, Crillon, Régina, Claridge, à Royat ou Vichy). 2 télégrammes ; 14 cartes postales ; autant de documents divers (coupures de presse). Brefs résumés en anglais sur des papillons de papier blanc pour un quart des lettres environ. Une lettre d’Algernon Blackwood à Florence Perkins, datée du 3 décembre 1919.
Provenance : Florence Perkins (?-27 mars 1952) -- SMAF (acquisition à Londres, Sotheby’s, 23 mars 1981).
ABONDANTE ET TRÈS INTÉRESSANTE CORRESPONDANCE INÉDITE, couvrant une longue période et fourmillant d’informations sur le travail et les projets de l’écrivain, ses résidences et les nombreux travaux qu’il y mène, sa vie privée et celle de son épouse Renée Dahon. Elle témoigne également du grand intérêt de Maeterlinck pour les États-Unis.
Florence Julia Perkins, qui semble absente des études consacrées à Maeterlinck, était la fille d’un importateur de textiles anglais, Richard Charles Perkins (1840 - 27 février 1907), installé aux Etats Unis en 1865, qui devint citoyen américain en 1897. Il laissa à sa mort sa fortune à son épouse Mary Louise (morte à 87 ans le 7 octobre 1941) et à sa fille Florence, que cette longue correspondance montre accompagnant sa mère en Europe pour des mondanités mais aussi des cures et rendez-vous médicaux. Florence Perkins resta célibataire et n’eut pas d’enfants. Ses premiers contacts avec l’écrivain eurent probablement un caractère professionnel, puisque la première lettre (30 novembre 1915) a trait au droit d’exploiter le film « Blue Bird » et à divers règlements financiers. Ils font connaissance lors du premier voyage de l’écrivain à New York (fin 1919-1920) : en avril 1922, Maeterlinck évoque les « quelques heures passées dans l’atmosphère si affectueuse et si pénétrante de votre belle et chère demeure de New York », l’interroge au sujet de Blackwood et la remercie pour des envois de livres américains. Il lui parle des répétitions de l’Oiseau bleu.
Le cérémonieux Mademoiselle fait place dès 1923 au « Ma chère Florence » qui restera en vigueur jusqu’à la fin de cette longue liaison épistolaire. Fréquemment invitée à Médan, Florence Perkins soutient financièrement la « Grande féérie » organisée par les beaux-parents de l’écrivain en leur château du Coudray-Montpensier (Touraine).
De nombreuses lettres évoquent le travail de l’écrivain : « Je travaille beaucoup à mon nouveau livre…La Vie des fourmis est presque terminé. Je livrerai le manuscrit à Fasquelle vers la fin du mois et le volume paraîtra fin mai. Je compte que vous serez là pour recevoir le plus bel exemplaire. En attendant j’achève mon nouveau volume qui sera intitulé L’ombre des ailes ». Il lui réserve des exemplaires sur grand papier (« Je n'ai pas ici les exemplaires sur hollande de la Princesse Isabelle, de La Grande loi et d'Avant le Grand silence. Ils sont restés à Médan. ...En attendant je vous envoie un exemplaire sur grand papier du Sablier qui vient de paraître chez Fasquelle ».
Il invite Florence aux répétitions de ses pièces de théâtre, L’Oiseau bleu et Monna Vanna. Florence le fournit en livres scientifiques américains dont il a besoin : « J'ai bien recu les deux beaux volumes Demon of the Dark et Flight from Chaos (de l'astrophysicien Harlow Shapley) ainsi que les très intéressantes coupures de journaux sur Einstein que vous avez eu la gentillesse de m’envoyer. Je vous en remercie de tout cœur ». Puis dans un autre registre, « Je viens de constater que moi aussi je perds déjà 175 000 francs sur mes obligations américaines ».
En 1931, il se plaint amèrement de la publication des mémoires de Georgette Leblanc, qui fut sa maîtresse pendant près de 20 ans : « Georgette vient de publier, sous le titre de Souvenirs un volume sur les années de notre vie commune. C’est probablement à peu près la même chose que ce qu’elle a publié en Amérique. La presse d’ici a été très dure pour elle. On a trouvé que ces confidences étaient de mauvais goût, indélicates et un véritable abus de confiance, et que sa prétention d’avoir collaboré à mon œuvre était tout à fait ridicule ».
Maeterlinck exprime ses vues de plus en plus pessimistes sur la situation internationale à la fin des années trente. Il déclare avec insistance son admiration pour Salazar. Il fait part à sa correspondante de sa peur pour la France et la Belgique, menacées par le traité Germano-soviétique (août 1939) et envisage sa fuite dans le cas d’une invasion des nazis : « Nous vivons ici dans l'angoisse et dans l'incertitude. Il est possible que le Portugal lui-même soit, malgré lui, entraîné dans la guerre. Dans ce cas, comme je me trouverai sur la première liste des fusillés allemands, je n'aurai d'autre ressource que de tâcher de gagner l'Amérique par le clipper... J'ai une soeur à Bruxelles et ne sais ce qu'elle est devenue... car tous les moyens de communiquer avec la Belgique sont coupés et l'argent que j'y avais dans une banque est probablement confisqué par les boches et perdu. Heureusement qu'il me reste quelque chose en Amérique où nous pourrons vivre sans être à la charge de personne. De tout coeur merci chère grande amie que j'embrasse tendrement » (23 mai 1940).
Maeterlinck part pour New York en juillet 1940, sa femme et lui y retrouvent Florence, et la correspondance se clôt sur trois derniers courts billets d’août à octobre 1940.
Manuscrits du Moyen âge et manuscrits littéraires modernes : la collection de la Société des manuscrits des assureurs français, Paris, 2001 (exposition, Bibliothèque nationale de France), p. 250-251; Informations biographiques sur Florence Perkins tirées du jugement de la Cour d’Appel de New York en date du 3 juillet 1957 (règlement de la succession de son père).
Provenance : Florence Perkins (?-27 mars 1952) -- SMAF (acquisition à Londres, Sotheby’s, 23 mars 1981).
ABONDANTE ET TRÈS INTÉRESSANTE CORRESPONDANCE INÉDITE, couvrant une longue période et fourmillant d’informations sur le travail et les projets de l’écrivain, ses résidences et les nombreux travaux qu’il y mène, sa vie privée et celle de son épouse Renée Dahon. Elle témoigne également du grand intérêt de Maeterlinck pour les États-Unis.
Florence Julia Perkins, qui semble absente des études consacrées à Maeterlinck, était la fille d’un importateur de textiles anglais, Richard Charles Perkins (1840 - 27 février 1907), installé aux Etats Unis en 1865, qui devint citoyen américain en 1897. Il laissa à sa mort sa fortune à son épouse Mary Louise (morte à 87 ans le 7 octobre 1941) et à sa fille Florence, que cette longue correspondance montre accompagnant sa mère en Europe pour des mondanités mais aussi des cures et rendez-vous médicaux. Florence Perkins resta célibataire et n’eut pas d’enfants. Ses premiers contacts avec l’écrivain eurent probablement un caractère professionnel, puisque la première lettre (30 novembre 1915) a trait au droit d’exploiter le film « Blue Bird » et à divers règlements financiers. Ils font connaissance lors du premier voyage de l’écrivain à New York (fin 1919-1920) : en avril 1922, Maeterlinck évoque les « quelques heures passées dans l’atmosphère si affectueuse et si pénétrante de votre belle et chère demeure de New York », l’interroge au sujet de Blackwood et la remercie pour des envois de livres américains. Il lui parle des répétitions de l’Oiseau bleu.
Le cérémonieux Mademoiselle fait place dès 1923 au « Ma chère Florence » qui restera en vigueur jusqu’à la fin de cette longue liaison épistolaire. Fréquemment invitée à Médan, Florence Perkins soutient financièrement la « Grande féérie » organisée par les beaux-parents de l’écrivain en leur château du Coudray-Montpensier (Touraine).
De nombreuses lettres évoquent le travail de l’écrivain : « Je travaille beaucoup à mon nouveau livre…La Vie des fourmis est presque terminé. Je livrerai le manuscrit à Fasquelle vers la fin du mois et le volume paraîtra fin mai. Je compte que vous serez là pour recevoir le plus bel exemplaire. En attendant j’achève mon nouveau volume qui sera intitulé L’ombre des ailes ». Il lui réserve des exemplaires sur grand papier (« Je n'ai pas ici les exemplaires sur hollande de la Princesse Isabelle, de La Grande loi et d'Avant le Grand silence. Ils sont restés à Médan. ...En attendant je vous envoie un exemplaire sur grand papier du Sablier qui vient de paraître chez Fasquelle ».
Il invite Florence aux répétitions de ses pièces de théâtre, L’Oiseau bleu et Monna Vanna. Florence le fournit en livres scientifiques américains dont il a besoin : « J'ai bien recu les deux beaux volumes Demon of the Dark et Flight from Chaos (de l'astrophysicien Harlow Shapley) ainsi que les très intéressantes coupures de journaux sur Einstein que vous avez eu la gentillesse de m’envoyer. Je vous en remercie de tout cœur ». Puis dans un autre registre, « Je viens de constater que moi aussi je perds déjà 175 000 francs sur mes obligations américaines ».
En 1931, il se plaint amèrement de la publication des mémoires de Georgette Leblanc, qui fut sa maîtresse pendant près de 20 ans : « Georgette vient de publier, sous le titre de Souvenirs un volume sur les années de notre vie commune. C’est probablement à peu près la même chose que ce qu’elle a publié en Amérique. La presse d’ici a été très dure pour elle. On a trouvé que ces confidences étaient de mauvais goût, indélicates et un véritable abus de confiance, et que sa prétention d’avoir collaboré à mon œuvre était tout à fait ridicule ».
Maeterlinck exprime ses vues de plus en plus pessimistes sur la situation internationale à la fin des années trente. Il déclare avec insistance son admiration pour Salazar. Il fait part à sa correspondante de sa peur pour la France et la Belgique, menacées par le traité Germano-soviétique (août 1939) et envisage sa fuite dans le cas d’une invasion des nazis : « Nous vivons ici dans l'angoisse et dans l'incertitude. Il est possible que le Portugal lui-même soit, malgré lui, entraîné dans la guerre. Dans ce cas, comme je me trouverai sur la première liste des fusillés allemands, je n'aurai d'autre ressource que de tâcher de gagner l'Amérique par le clipper... J'ai une soeur à Bruxelles et ne sais ce qu'elle est devenue... car tous les moyens de communiquer avec la Belgique sont coupés et l'argent que j'y avais dans une banque est probablement confisqué par les boches et perdu. Heureusement qu'il me reste quelque chose en Amérique où nous pourrons vivre sans être à la charge de personne. De tout coeur merci chère grande amie que j'embrasse tendrement » (23 mai 1940).
Maeterlinck part pour New York en juillet 1940, sa femme et lui y retrouvent Florence, et la correspondance se clôt sur trois derniers courts billets d’août à octobre 1940.
Manuscrits du Moyen âge et manuscrits littéraires modernes : la collection de la Société des manuscrits des assureurs français, Paris, 2001 (exposition, Bibliothèque nationale de France), p. 250-251; Informations biographiques sur Florence Perkins tirées du jugement de la Cour d’Appel de New York en date du 3 juillet 1957 (règlement de la succession de son père).
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Victorine d'Arcangues