Lot Essay
L'authenticité de cette oeuvre a été confirmée par la Fondation Zao Wou-Ki.
Pour cette toile réalisée en juin 2005, Zao Wou-Ki s’est emparé d’une palette de couleurs qui sont celles des prémices de l’été. On y voit des nuées roses et bleu tendre, desquelles se détachent des zébrures aux tonalités plus mordantes – bleu céruléen ou turquin. Dans l’air virevoltent ce qui ressemble à des des pistils rouge sang, emportés dans un tourbillon. La lumière est pure, vive et claire. Il souffle ici un vent léger que souligne l’amplitude du geste, le trait délié, la douceur des inclinaisons, les vapeurs de l’arrière-plan.
Sur la toile, l’artiste ouvre un espace qui n’est pas tout à fait celui d’une abstraction, sans pour autant offrir au regard la moindre prise dans un réel identifiable. C’est une brèche, une lisière. Un entre-deux qui est le cœur-même de l’œuvre de Zao Wou-Ki ; une frontière qui porte en elle le souffle du monde, ses déchirements, ses vibrations et ses lumières. Cette frontière, Henri Michaux en fut l’un des premiers arpenteurs : « Zao Wou-Ki, lui aussi, a quitté le concret. Mais ses tableaux ont avec la nature gardé un air de famille. Elle est là. Elle n’est pas là. Ce ne peut être elle, ce qu’on voit. Ce doit être elle pourtant. Toute différente (…). Vide d’arbres, de rivière, sans forêts, ni collines, mais pleines de trombes, de jaillissements, d’élans, de coulées, de vaporeux magmas colorés qui se dilatent, s’élèvent, fusent » (H. Michaux, « Trajet Zao Wou-Ki », préface à C. Roy, Zao Wou-Ki, Paris, 1970, p. 5).
Claude Monet – auquel Zao Wou-Ki vouait une grande admiration, au point de lui dédier un grand triptyque en 1991 – avait lui aussi, à Giverny, en quelque sorte « quitté le concret ». Comme lui, dans les dernières années de sa longue trajectoire, Zao Wou-Ki réalise des toiles où jaillit la primauté du plaisir, la jubilation des couleurs, du pinceau qui glisse et scande la surface, la joie de celui qui s’amuse des lumières et des jeux de transparence. Comme si, au fond, il ne s’agissait pas tant de parler de paysage, de motif ou de sujet, que de peinture. Ce que Juin 2005 donne à voir, c’est avant tout, et pour reprendre le titre de l’exposition consacrée à l’artiste au Musée des Beaux-Arts de Rouen en 2012-2013, un Zao Wou-Ki « dans l’ultime bonheur de peindre ».
For this work created in June 2005, Zao Wou-Ki used a palette of the colours that presage summer. Pink and soft blue clouds streaked with stronger tones – cerulean or turchino blue. What looks like blood red pistils dart around the air, flying in the wind. The light is pure, sharp and clear. There is a light wind blowing here, underlined by the ample gesture, the fine stroke, the soft inclinations, the background vapours.
On the canvas, the artist opens a space, which is not quite that of abstraction, without giving the eye any identifiable reality to hang on to. It’s a breach, a border. An in-between, which is at the very heart of Zao Wou-Ki’s work; a frontier which carries the breath of the world, its divisions, its vibrations and its lights. The poet Henri Michaux was one of the first to tread this frontier: “Zao Wou-Ki too has left concrete representation. But his pictures keep a family resemblance with nature. It is there. It is not there. What we see is maybe nature. It must indeed be nature. Entirely different (…). Empty of trees, of rivers, with no forests, no hills, full of cloudbursts, spurts, rushes, flows, of coloured misty magmas that dilate, rise, fuse.” (H. Michaux, ‘Trajet Zao Wou-Ki’, preface to Zao Wou-Ki, C. Roy, Paris, 1970, p. 5)
Claude Monet, whom Zao Wou-Ki greatly admired, to the point of dedicating him a large triptych in 1991, had also to a certain extent “left concrete representation”. Like Monet, in the last years of his long career, Zao Wou-Ki’s painted pictures bursting with elemental pleasure, with the sheer exultation of colour, of the brush stroking and marking canvas, the joy of playing with light and transparencies. As if, at heart, it was not about landscape, motif or subject but about painting. What June 2005 gives us to see, above all, is Zao Wou-Ki and the “ultimate joy of painting”, as in the title of the exhibition of the artist at the Rouen Musée des Beaux-Arts in 2012-2013.
Pour cette toile réalisée en juin 2005, Zao Wou-Ki s’est emparé d’une palette de couleurs qui sont celles des prémices de l’été. On y voit des nuées roses et bleu tendre, desquelles se détachent des zébrures aux tonalités plus mordantes – bleu céruléen ou turquin. Dans l’air virevoltent ce qui ressemble à des des pistils rouge sang, emportés dans un tourbillon. La lumière est pure, vive et claire. Il souffle ici un vent léger que souligne l’amplitude du geste, le trait délié, la douceur des inclinaisons, les vapeurs de l’arrière-plan.
Sur la toile, l’artiste ouvre un espace qui n’est pas tout à fait celui d’une abstraction, sans pour autant offrir au regard la moindre prise dans un réel identifiable. C’est une brèche, une lisière. Un entre-deux qui est le cœur-même de l’œuvre de Zao Wou-Ki ; une frontière qui porte en elle le souffle du monde, ses déchirements, ses vibrations et ses lumières. Cette frontière, Henri Michaux en fut l’un des premiers arpenteurs : « Zao Wou-Ki, lui aussi, a quitté le concret. Mais ses tableaux ont avec la nature gardé un air de famille. Elle est là. Elle n’est pas là. Ce ne peut être elle, ce qu’on voit. Ce doit être elle pourtant. Toute différente (…). Vide d’arbres, de rivière, sans forêts, ni collines, mais pleines de trombes, de jaillissements, d’élans, de coulées, de vaporeux magmas colorés qui se dilatent, s’élèvent, fusent » (H. Michaux, « Trajet Zao Wou-Ki », préface à C. Roy, Zao Wou-Ki, Paris, 1970, p. 5).
Claude Monet – auquel Zao Wou-Ki vouait une grande admiration, au point de lui dédier un grand triptyque en 1991 – avait lui aussi, à Giverny, en quelque sorte « quitté le concret ». Comme lui, dans les dernières années de sa longue trajectoire, Zao Wou-Ki réalise des toiles où jaillit la primauté du plaisir, la jubilation des couleurs, du pinceau qui glisse et scande la surface, la joie de celui qui s’amuse des lumières et des jeux de transparence. Comme si, au fond, il ne s’agissait pas tant de parler de paysage, de motif ou de sujet, que de peinture. Ce que Juin 2005 donne à voir, c’est avant tout, et pour reprendre le titre de l’exposition consacrée à l’artiste au Musée des Beaux-Arts de Rouen en 2012-2013, un Zao Wou-Ki « dans l’ultime bonheur de peindre ».
For this work created in June 2005, Zao Wou-Ki used a palette of the colours that presage summer. Pink and soft blue clouds streaked with stronger tones – cerulean or turchino blue. What looks like blood red pistils dart around the air, flying in the wind. The light is pure, sharp and clear. There is a light wind blowing here, underlined by the ample gesture, the fine stroke, the soft inclinations, the background vapours.
On the canvas, the artist opens a space, which is not quite that of abstraction, without giving the eye any identifiable reality to hang on to. It’s a breach, a border. An in-between, which is at the very heart of Zao Wou-Ki’s work; a frontier which carries the breath of the world, its divisions, its vibrations and its lights. The poet Henri Michaux was one of the first to tread this frontier: “Zao Wou-Ki too has left concrete representation. But his pictures keep a family resemblance with nature. It is there. It is not there. What we see is maybe nature. It must indeed be nature. Entirely different (…). Empty of trees, of rivers, with no forests, no hills, full of cloudbursts, spurts, rushes, flows, of coloured misty magmas that dilate, rise, fuse.” (H. Michaux, ‘Trajet Zao Wou-Ki’, preface to Zao Wou-Ki, C. Roy, Paris, 1970, p. 5)
Claude Monet, whom Zao Wou-Ki greatly admired, to the point of dedicating him a large triptych in 1991, had also to a certain extent “left concrete representation”. Like Monet, in the last years of his long career, Zao Wou-Ki’s painted pictures bursting with elemental pleasure, with the sheer exultation of colour, of the brush stroking and marking canvas, the joy of playing with light and transparencies. As if, at heart, it was not about landscape, motif or subject but about painting. What June 2005 gives us to see, above all, is Zao Wou-Ki and the “ultimate joy of painting”, as in the title of the exhibition of the artist at the Rouen Musée des Beaux-Arts in 2012-2013.