Lot Essay
Cette œuvre sera intégrée au catalogue raisonné des peintures de Bram van Velde en préparation par Rainer Michael Mason.
C’est à tout juste vingt-cinq ans que Pierre Alechinsky rencontre pour la première fois celui qui est déjà son aîné de plus de trente ans et qui peint depuis presque aussi longtemps, Bram van Velde. L’artisan de cette rencontre s’appelle Jacques Putman, ami et soutien indéfectible de l’artiste à la trajectoire maudite. Nous sommes en 1952, Van Velde connaît une carrière en dents de scie faite de reconnaissances critiques et d’échecs commerciaux cinglants qui l’ont plongé dans des périodes de grande nécessité. Sa peinture pourtant touche la jeune génération qui éclot au lendemain de la guerre. Alechinsky voit une forme de figure tutélaire et solitaire en Bram van Velde, lui qui explore sans cesse les méandres de sa propre peinture, éternel insatisfait animé d’un doute permanent.
C’est ainsi à ses côtés que van Velde fera son premier séjour à New York, en 1962. Séjournant dans l’atelier de Walasse Ting, il est présenté à plusieurs artistes incontournables de l’époque et tout particulièrement un certain Willem de Kooning, rencontre dont Alechinsky est alors le témoin: « Avec des civilités dans sa langue d’adoption, Willem de Kooning accueille Bram van Velde en visite à Long Island. Il ne comprend pas un mot d’anglais, cet invité, et ne peut utiliser le français tout aussi incompréhensible à l’hôte. Alors les deux se rabattent sur le néerlandais, leur langue maternelle».
Sans titre, réalisé en 1967, est le symbole de ce respect mutuel qui animait les deux artistes. Bram van Velde produisait peu - parfois seulement deux toiles par an - et la présence de cette œuvre aux côtés d’Alechinsky souligne l’importance de leur relation. En 1966, au cours de l’été, van Velde fait un séjour chez Alechinsky, qui, dans un souci d’échange, l’initie aux nouvelles techniques que sont l’acrylique et l’encre. Cependant, fidèle à lui-même, van Velde ne tarde pas à revenir à son premier amour la gouache avec laquelle il réalise quelques mois plus tard Sans titre. Françoise Porte, la compagne de Jacques Putman, se souvient d’ailleurs de la façon dont Bram van Velde aimait travailler: « Jamais il ne reprenait une huile ou une gouache. Il se servait de pinceaux japonais qu’il lavait méticuleusement et qu’il essuyait sur des chiffons impeccables; lui-même étant très soigné et d’une propreté intense. Jamais je n’ai vu une tache de peinture sur ses mains ou sur ses vêtements. Des assiettes blanches lui servaient à mélanger ses couleurs. Il tendait un papier blanc fixé à l’aide de punaises sur un panneau de bois, placé sur un mur. Il ne peignait jamais sur le même format de support. » (Françoise Porte, entretien avec Claire Stoullig, Paris, octobre 1988).
A travers cette composition, Bram van Velde révèle toutes les tensions qui l’anime, ses recherches entre l’espace et la couleur pour donner vie à une peinture reconnaissable entre toutes et qui ne possède aucun équivalent. C’est sans doute les mots d’un autre ami d’Alechinsky qui trouvent ici la plus grande résonnance, ceux de Christian Dotremont quand il écrivait: « La peinture de Bram van Velde, c’est le besoin d’espace à peine transformé en espace, gardant les enfermements, les structures mêmes des enfermements, mais agité d’une vibration de liberté, encore que cette vibration soit rigoureusement immobile».
It was exactly twenty-five years since Pierre Alechinsky first met his elder by over thirty years and who had been painting for almost as long, Bram van Velde. The architect of this meeting was Jacques Putman, a friend and unfailing supporter of the artist with the cursed career. This was in 1952, Van Velde was experiencing a career full of ups and downs, alternating critical recognition and serious commercial failures, which plunged him into periods of dire poverty. Yet his painting reached out to the young generation born after the war. In Bram van Velde Alechinsky saw a kind of protective and solitary figure, a man who incessantly explored the meanderings of his own painting, someone never satisfied, an eternal malcontent driven by constant doubt.
So it was with him that van Velde made his first visit to New York, in 1962. Staying in the studio of Walasse Ting, he was introduced to several major artists of the day and particularly to a certain Willem de Kooning, a meeting witnessed by Alechinsky: “With the civilities in his adopted language, Willem de Kooning welcomed Bram van Velde on a visit to Long Island. This guest did not understand a word of English, and could not use French - equally incomprehensible to his host. So the two of them resorted to Dutch, their mother tongue.”.
Sans titre [Untitled], made in 1967, is a symbol of the mutual respect that spurred on both artists. Bram van Velde produced little – sometimes only two canvases a year – and the presence of this work alongside Alechinsky underlines the importance of their relationship. In the summer of 1966 van Velde went to stay with Alechinsky, who, in a spirit of sharing, introduced him to the new techniques of acrylic and ink. However, true to himself, van Velde soon returned to his first love, gouache, with which he made Sans titre a few months later. Françoise Porte, Jacques Putman’s partner, also remembers the way that Bram van Velde liked to work: “He never went back to an oil or a gouache. He used Japanese brushes that he cleaned meticulously and dried on immaculate cloths; he himself was very well-groomed and immaculately clean. I never saw a spot of paint on his hands or his clothes. He mixed his colours on white plates. He used to place a sheet of white paper fixed to a wooden board with drawing pins against a wall. He never painted on the same size support.” (Françoise Porte, conversation with Claire Stoullig, Paris, October 1988).
In this composition, Bram van Velde reveals all the tensjons that motivated him, his researches into the relationship between space and colour, giving life to an instantly recognisable painting that has no equivalent. It is undoubtedly the words of another of Alechinsky’s friends that have most resonance here, those of Christian Dotremont when he wrote: “Bram van Velde’s painting is the need for space barely transformed into space, retaining the enclosures, the very structures of the enclosures, but vibrating with liberty, even though it is completely immobile.”.
C’est à tout juste vingt-cinq ans que Pierre Alechinsky rencontre pour la première fois celui qui est déjà son aîné de plus de trente ans et qui peint depuis presque aussi longtemps, Bram van Velde. L’artisan de cette rencontre s’appelle Jacques Putman, ami et soutien indéfectible de l’artiste à la trajectoire maudite. Nous sommes en 1952, Van Velde connaît une carrière en dents de scie faite de reconnaissances critiques et d’échecs commerciaux cinglants qui l’ont plongé dans des périodes de grande nécessité. Sa peinture pourtant touche la jeune génération qui éclot au lendemain de la guerre. Alechinsky voit une forme de figure tutélaire et solitaire en Bram van Velde, lui qui explore sans cesse les méandres de sa propre peinture, éternel insatisfait animé d’un doute permanent.
C’est ainsi à ses côtés que van Velde fera son premier séjour à New York, en 1962. Séjournant dans l’atelier de Walasse Ting, il est présenté à plusieurs artistes incontournables de l’époque et tout particulièrement un certain Willem de Kooning, rencontre dont Alechinsky est alors le témoin: « Avec des civilités dans sa langue d’adoption, Willem de Kooning accueille Bram van Velde en visite à Long Island. Il ne comprend pas un mot d’anglais, cet invité, et ne peut utiliser le français tout aussi incompréhensible à l’hôte. Alors les deux se rabattent sur le néerlandais, leur langue maternelle».
Sans titre, réalisé en 1967, est le symbole de ce respect mutuel qui animait les deux artistes. Bram van Velde produisait peu - parfois seulement deux toiles par an - et la présence de cette œuvre aux côtés d’Alechinsky souligne l’importance de leur relation. En 1966, au cours de l’été, van Velde fait un séjour chez Alechinsky, qui, dans un souci d’échange, l’initie aux nouvelles techniques que sont l’acrylique et l’encre. Cependant, fidèle à lui-même, van Velde ne tarde pas à revenir à son premier amour la gouache avec laquelle il réalise quelques mois plus tard Sans titre. Françoise Porte, la compagne de Jacques Putman, se souvient d’ailleurs de la façon dont Bram van Velde aimait travailler: « Jamais il ne reprenait une huile ou une gouache. Il se servait de pinceaux japonais qu’il lavait méticuleusement et qu’il essuyait sur des chiffons impeccables; lui-même étant très soigné et d’une propreté intense. Jamais je n’ai vu une tache de peinture sur ses mains ou sur ses vêtements. Des assiettes blanches lui servaient à mélanger ses couleurs. Il tendait un papier blanc fixé à l’aide de punaises sur un panneau de bois, placé sur un mur. Il ne peignait jamais sur le même format de support. » (Françoise Porte, entretien avec Claire Stoullig, Paris, octobre 1988).
A travers cette composition, Bram van Velde révèle toutes les tensions qui l’anime, ses recherches entre l’espace et la couleur pour donner vie à une peinture reconnaissable entre toutes et qui ne possède aucun équivalent. C’est sans doute les mots d’un autre ami d’Alechinsky qui trouvent ici la plus grande résonnance, ceux de Christian Dotremont quand il écrivait: « La peinture de Bram van Velde, c’est le besoin d’espace à peine transformé en espace, gardant les enfermements, les structures mêmes des enfermements, mais agité d’une vibration de liberté, encore que cette vibration soit rigoureusement immobile».
It was exactly twenty-five years since Pierre Alechinsky first met his elder by over thirty years and who had been painting for almost as long, Bram van Velde. The architect of this meeting was Jacques Putman, a friend and unfailing supporter of the artist with the cursed career. This was in 1952, Van Velde was experiencing a career full of ups and downs, alternating critical recognition and serious commercial failures, which plunged him into periods of dire poverty. Yet his painting reached out to the young generation born after the war. In Bram van Velde Alechinsky saw a kind of protective and solitary figure, a man who incessantly explored the meanderings of his own painting, someone never satisfied, an eternal malcontent driven by constant doubt.
So it was with him that van Velde made his first visit to New York, in 1962. Staying in the studio of Walasse Ting, he was introduced to several major artists of the day and particularly to a certain Willem de Kooning, a meeting witnessed by Alechinsky: “With the civilities in his adopted language, Willem de Kooning welcomed Bram van Velde on a visit to Long Island. This guest did not understand a word of English, and could not use French - equally incomprehensible to his host. So the two of them resorted to Dutch, their mother tongue.”.
Sans titre [Untitled], made in 1967, is a symbol of the mutual respect that spurred on both artists. Bram van Velde produced little – sometimes only two canvases a year – and the presence of this work alongside Alechinsky underlines the importance of their relationship. In the summer of 1966 van Velde went to stay with Alechinsky, who, in a spirit of sharing, introduced him to the new techniques of acrylic and ink. However, true to himself, van Velde soon returned to his first love, gouache, with which he made Sans titre a few months later. Françoise Porte, Jacques Putman’s partner, also remembers the way that Bram van Velde liked to work: “He never went back to an oil or a gouache. He used Japanese brushes that he cleaned meticulously and dried on immaculate cloths; he himself was very well-groomed and immaculately clean. I never saw a spot of paint on his hands or his clothes. He mixed his colours on white plates. He used to place a sheet of white paper fixed to a wooden board with drawing pins against a wall. He never painted on the same size support.” (Françoise Porte, conversation with Claire Stoullig, Paris, October 1988).
In this composition, Bram van Velde reveals all the tensjons that motivated him, his researches into the relationship between space and colour, giving life to an instantly recognisable painting that has no equivalent. It is undoubtedly the words of another of Alechinsky’s friends that have most resonance here, those of Christian Dotremont when he wrote: “Bram van Velde’s painting is the need for space barely transformed into space, retaining the enclosures, the very structures of the enclosures, but vibrating with liberty, even though it is completely immobile.”.