Lot Essay
Seules quelques très rares statues Jukun allient les traits humains (le corps) à ceux des bovidés (le visage et les oreilles figurant des cornes de buffle). Selon C. Berns, le corps de cet exemple est analogue à la statuaire Jukun documentée au Wurbon Dauda (ainsi qu'au Gwana et à Pindinga, au nord de la rivière Bénoué). La figure est taillée dans le bois de manière à ce que ses bras et son torse forment des « poignées » afin de pouvoir être transportée. Une photographie prise à Gwana vers 1926 par O.H. Best (publiée dans Berns, C., Central Nigeria Unmasked: Arts of the Benue River Valley, 2011, p. 452, fig. 14.27) montre une performance rituelle où un participant tient les bras d’une sculpture représentant Adang, un ancêtre royal, « revenant vers son peuple ». La tradition de la moyenne Bénoué consiste à rapporter ces figures, utilisées lors de funérailles, dans les rituels ; une photographie de 1957, prise dans le village de Goemai, montre deux hommes tenant les bras d’une sculpture à la tête masquée (op. cit., 2011, p. 280, fig. 8.60). Outre ces performances rituelles, ces statues étaient également conservées et recevaient des offrandes afin de protéger la communauté mais également afin de l’assister et de lui accorder son aide. La forme rectangulaire du visage et la courbure des cornes rappellent les masques anthropo-zoomorphes des Jukun Aku-Ma. Il est possible que ces figures hybrides aient été conçues comme des êtres humains portant des masques d'animaux. En effet, cette statue exceptionnelle rappelle également les interprétations classiques du mythe du minotaure – mi-homme et mi-taureau - et le place ainsi parmi cette longue tradition iconographique universelle.