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Details
DEBORD (G.). La Société du spectacle. Paris, Buchet – Chastel, 1967, in-8°, broché, couverture imprimée d’éditeur.
ÉDITION ORIGINALE et PREMIER TIRAGE.
La Société du spectacle, essai majeur de la deuxième moitié du XXe siècle
Ancien lettriste, cofondateur de l’Internationale situationniste, écrivain, « réalisateur de quelques films hors-circuit », Guy Debord est une figure phare de la critique sociale et l’auteur de La Société du spectacle. Dans cet ouvrage fondamental paru en novembre 1967 sous la sobre couverture blanche des éditions Buchet-Chastel, il dénonce avec virulence les dérives de notre société marchande. Violent pamphlet anticapitaliste nourri de Marx et de Hegel, l’essai se double d’une incitation à la révolte, à l’insurrection. On mesure mieux, dès lors, l’influence de ce texte aux accents prophétiques sur Mai 68 et le rôle qu’il joua dans l’embrasement du mouvement étudiant : nombre de manifestants brandirent en effet La Société du spectacle tel un bréviaire révolutionnaire et reprirent, sous forme de slogans, certains aphorismes contenus dans l’essai…
« Le livre en lui-même est bâti sur le mythe platonicien de la caverne : Debord utilise les termes simulacre, faux semblant, falsification, illusion… Il a une démarche qui consiste à éclairer le monde consumériste dans lequel on vit. C’est ce qui fait son statut à part dans l’histoire de la pensée », explique l’historienne Anna Trespeuch-Berthelot. « L’aspect sans doute le plus inquiétant des livres de Debord tient à l’acharnement avec lequel l’histoire semble s’être appliquée à confirmer ses analyses », ajoute le philosophe italien Giorgio Agamben.
La Société du spectacle est un texte essentiel, comme en témoignent les multiples rééditions dont elle fit l’objet : chez Champ libre (1971) puis chez Gallimard, dans la « collection blanche » (1992), enfin en Folio (1996). Les Œuvres de Guy Debord sont réunies, toujours chez Gallimard, dans un épais volume de la collection « Quarto » (2006). À l’occasion des nombreuses traductions de La Société du spectacle, Debord rédigea des préfaces où il précise sa pensée ; il publia même en 1988, des Commentaires sur la société du spectacle.
En 2009, afin d’éviter qu’elles ne soient acquises par la prestigieuse université de Yale, aux États-Unis, les archives de Guy Debord ont été classées « trésor national » – paradoxe posthume pour un penseur radical qui fuyait farouchement les médias, cultivait le secret et n’eut de cesse, toute sa vie durant, de combattre l’ordre établi.
Un UNICUM.
Exemplaire sur lequel Guy Debord (1931-1994) a indiqué et identifié au stylo bille noir, de sa main, d’une écriture ronde et lisible, les auteurs qu'il a cités ou détournés. Certaines de ces notes donnent également le titre de l'œuvre dont est extraite la citation : Le Capital de Marx ou Préface à la phénoménologie de l’esprit de Hegel, par exemple ; ou encore, dans un autre registre, Moby Dick de Melville.
Soixante-dix paragraphes sont ainsi annotés. La plupart des citations et des détournements proviennent des œuvres de Marx et Hegel. On y retrouve également les noms d'Édouard Bernstein, Freud, Machiavel, Blaise Pascal, Virgile, Héraclite, Swift, Bakounine, Lénine, Engels, Lukacs, Karl Korsch, Johan Huizinga, Lautréamont, Herman Melville, Musil et Max Stirner. De nombreuses phrases ont été soulignées ou entourées par Debord qui corrige parfois, au passage, une coquille, ou ajoute une virgule. On comprend, en feuilletant cet exemplaire abondamment annoté, avec indication précieuse des sources et des emprunts, l’importance du « détournement » chez Debord : il n’est « ni une citation (…) ni un ornement stylistique. C’est une réécriture, qui dégage un nouveau sens par rapport à l’original, un sens qui peut être plus profond ou qui peut même être arraché à l’original contre son gré ».
Ainsi lit-on dans notre exemplaire, en marge de la thèse 207 imprimée (« Les idées s’améliorent. Le sens des mots y participe. Le plagiat est nécessaire. Le progrès l’implique. Il serre de près la phrase d’un auteur, se sert de ses expressions, efface une idée fausse, la remplace par l’idée juste »), l’inscription manuscrite suivante : « Détourné en bloc de Lautréamont (Poésies) ». Autre exemple, pour la thèse 208 (« Le détournement n’a fondé sa cause sur rien… ») où il ajoute à la main : « J’ai fondé ma cause sur rien », aphorisme découlant de Stirner, en écho au « docteur en rien », titre revendiqué par Debord. De même, la thèse 140 (« Le monde a changé de base ») s’enrichit d’un extrait de L’Internationale, « Nous ne sommes rien, soyons tout ! », sorte de slogan situationniste.
Cet exemplaire, dont Boris Donné signale l'existence dans son livre Pour mémoires. Un essai d'élucidation des mémoires de Guy Debord, provient de François de Beaulieu (né en 1947), membre de l'Internationale situationniste de 1968 à 1970.
François de Beaulieu rencontra Debord en 1967. Il fut membre du CMDO, Comité pour le maintien des occupations, en mai 1968, puis de l'IS dont il démissionna en 1970. « Homme de confiance » de Debord, il fut chargé du projet d'une édition espagnole de La Société du spectacle. L'épouse de Beaulieu était espagnole, membre d'un groupe anarchiste radical. Cet exemplaire annoté devait servir à ladite traduction.
Couverture un peu usagée avec une auréole en bas à droite sur la première de couverture. Une tache de vin rouge peut-être, sur un exemplaire au dos ridé dont nous avons la faiblesse de penser qu’il a dû traîner sur une table de bistrot lors d’une de ces dérives si chères aux « situs ». Grand buveur, Debord a consacré de magnifiques pages à l’ivresse, dans Panégyrique : « Entre la rue du Four et la rue de Buci, où notre jeunesse s’est si complètement évanouie, en buvant quelques verres, on pouvait sentir avec certitude que nous ne ferions jamais rien de mieux. »
Exemplaire bien complet de sa bande, légèrement fanée.
Est jointe : une LAS de Michèle Bernstein, première épouse de l'auteur, attestant l'authenticité des notes portées par Guy Debord sur l'exemplaire.
Dimensions : 140 x 205 mm.
Provenance : François de Beaulieu.
Donné, Pour mémoires. Un essai d'élucidation des mémoires de Guy Debord, Paris Allia, 2004, p. 31 (l'ouvrage donne de nombreuses informations sur l'usage des détournements dans l'œuvre de Debord et évoque les annotations qu'il laissa sur certains de ses livres à l'intention de ses amis, correspondants ou traducteurs) ; […], François de Beaulieu, l'homme de confiance, texte et entretien de Christophe Bourseiller avec François de Beaulieu, Archives et documents situationnistes n° 3, Paris, Denoël, 2003 ; Raspaud – Voyer, L'Internationale situationniste. Protagonistes – chronologie – bibliographie, Champ libre, 1972.
ÉDITION ORIGINALE et PREMIER TIRAGE.
La Société du spectacle, essai majeur de la deuxième moitié du XXe siècle
Ancien lettriste, cofondateur de l’Internationale situationniste, écrivain, « réalisateur de quelques films hors-circuit », Guy Debord est une figure phare de la critique sociale et l’auteur de La Société du spectacle. Dans cet ouvrage fondamental paru en novembre 1967 sous la sobre couverture blanche des éditions Buchet-Chastel, il dénonce avec virulence les dérives de notre société marchande. Violent pamphlet anticapitaliste nourri de Marx et de Hegel, l’essai se double d’une incitation à la révolte, à l’insurrection. On mesure mieux, dès lors, l’influence de ce texte aux accents prophétiques sur Mai 68 et le rôle qu’il joua dans l’embrasement du mouvement étudiant : nombre de manifestants brandirent en effet La Société du spectacle tel un bréviaire révolutionnaire et reprirent, sous forme de slogans, certains aphorismes contenus dans l’essai…
« Le livre en lui-même est bâti sur le mythe platonicien de la caverne : Debord utilise les termes simulacre, faux semblant, falsification, illusion… Il a une démarche qui consiste à éclairer le monde consumériste dans lequel on vit. C’est ce qui fait son statut à part dans l’histoire de la pensée », explique l’historienne Anna Trespeuch-Berthelot. « L’aspect sans doute le plus inquiétant des livres de Debord tient à l’acharnement avec lequel l’histoire semble s’être appliquée à confirmer ses analyses », ajoute le philosophe italien Giorgio Agamben.
La Société du spectacle est un texte essentiel, comme en témoignent les multiples rééditions dont elle fit l’objet : chez Champ libre (1971) puis chez Gallimard, dans la « collection blanche » (1992), enfin en Folio (1996). Les Œuvres de Guy Debord sont réunies, toujours chez Gallimard, dans un épais volume de la collection « Quarto » (2006). À l’occasion des nombreuses traductions de La Société du spectacle, Debord rédigea des préfaces où il précise sa pensée ; il publia même en 1988, des Commentaires sur la société du spectacle.
En 2009, afin d’éviter qu’elles ne soient acquises par la prestigieuse université de Yale, aux États-Unis, les archives de Guy Debord ont été classées « trésor national » – paradoxe posthume pour un penseur radical qui fuyait farouchement les médias, cultivait le secret et n’eut de cesse, toute sa vie durant, de combattre l’ordre établi.
Un UNICUM.
Exemplaire sur lequel Guy Debord (1931-1994) a indiqué et identifié au stylo bille noir, de sa main, d’une écriture ronde et lisible, les auteurs qu'il a cités ou détournés. Certaines de ces notes donnent également le titre de l'œuvre dont est extraite la citation : Le Capital de Marx ou Préface à la phénoménologie de l’esprit de Hegel, par exemple ; ou encore, dans un autre registre, Moby Dick de Melville.
Soixante-dix paragraphes sont ainsi annotés. La plupart des citations et des détournements proviennent des œuvres de Marx et Hegel. On y retrouve également les noms d'Édouard Bernstein, Freud, Machiavel, Blaise Pascal, Virgile, Héraclite, Swift, Bakounine, Lénine, Engels, Lukacs, Karl Korsch, Johan Huizinga, Lautréamont, Herman Melville, Musil et Max Stirner. De nombreuses phrases ont été soulignées ou entourées par Debord qui corrige parfois, au passage, une coquille, ou ajoute une virgule. On comprend, en feuilletant cet exemplaire abondamment annoté, avec indication précieuse des sources et des emprunts, l’importance du « détournement » chez Debord : il n’est « ni une citation (…) ni un ornement stylistique. C’est une réécriture, qui dégage un nouveau sens par rapport à l’original, un sens qui peut être plus profond ou qui peut même être arraché à l’original contre son gré ».
Ainsi lit-on dans notre exemplaire, en marge de la thèse 207 imprimée (« Les idées s’améliorent. Le sens des mots y participe. Le plagiat est nécessaire. Le progrès l’implique. Il serre de près la phrase d’un auteur, se sert de ses expressions, efface une idée fausse, la remplace par l’idée juste »), l’inscription manuscrite suivante : « Détourné en bloc de Lautréamont (Poésies) ». Autre exemple, pour la thèse 208 (« Le détournement n’a fondé sa cause sur rien… ») où il ajoute à la main : « J’ai fondé ma cause sur rien », aphorisme découlant de Stirner, en écho au « docteur en rien », titre revendiqué par Debord. De même, la thèse 140 (« Le monde a changé de base ») s’enrichit d’un extrait de L’Internationale, « Nous ne sommes rien, soyons tout ! », sorte de slogan situationniste.
Cet exemplaire, dont Boris Donné signale l'existence dans son livre Pour mémoires. Un essai d'élucidation des mémoires de Guy Debord, provient de François de Beaulieu (né en 1947), membre de l'Internationale situationniste de 1968 à 1970.
François de Beaulieu rencontra Debord en 1967. Il fut membre du CMDO, Comité pour le maintien des occupations, en mai 1968, puis de l'IS dont il démissionna en 1970. « Homme de confiance » de Debord, il fut chargé du projet d'une édition espagnole de La Société du spectacle. L'épouse de Beaulieu était espagnole, membre d'un groupe anarchiste radical. Cet exemplaire annoté devait servir à ladite traduction.
Couverture un peu usagée avec une auréole en bas à droite sur la première de couverture. Une tache de vin rouge peut-être, sur un exemplaire au dos ridé dont nous avons la faiblesse de penser qu’il a dû traîner sur une table de bistrot lors d’une de ces dérives si chères aux « situs ». Grand buveur, Debord a consacré de magnifiques pages à l’ivresse, dans Panégyrique : « Entre la rue du Four et la rue de Buci, où notre jeunesse s’est si complètement évanouie, en buvant quelques verres, on pouvait sentir avec certitude que nous ne ferions jamais rien de mieux. »
Exemplaire bien complet de sa bande, légèrement fanée.
Est jointe : une LAS de Michèle Bernstein, première épouse de l'auteur, attestant l'authenticité des notes portées par Guy Debord sur l'exemplaire.
Dimensions : 140 x 205 mm.
Provenance : François de Beaulieu.
Donné, Pour mémoires. Un essai d'élucidation des mémoires de Guy Debord, Paris Allia, 2004, p. 31 (l'ouvrage donne de nombreuses informations sur l'usage des détournements dans l'œuvre de Debord et évoque les annotations qu'il laissa sur certains de ses livres à l'intention de ses amis, correspondants ou traducteurs) ; […], François de Beaulieu, l'homme de confiance, texte et entretien de Christophe Bourseiller avec François de Beaulieu, Archives et documents situationnistes n° 3, Paris, Denoël, 2003 ; Raspaud – Voyer, L'Internationale situationniste. Protagonistes – chronologie – bibliographie, Champ libre, 1972.