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Suite à sa relation amoureuse passionnelle et suffocante avec Auguste Rodin qu’elle avait rencontré en 1883 lorsqu’il remplaça son professeur à l’atelier, Alfred Boucher (1850-1934), Claudel – et son œuvre – souffraient de se retrouver toujours dans l'ombre de son maître. Ainsi, elle s'attèle dès la fin des années 1880 à l'élaboration d'un style nouveau et personnel mais pour mieux se libérer de la coupe de Rodin et enfin connaître le succès par, et pour elle-même, elle quitte leur atelier commun en 1892. Au même moment, elle travaille aux deux œuvres qui attireront enfin sur elle l'attention des critiques dès 1893 : La Valse et Clotho. La Valse, entamée dès 1889 alors que l'histoire d'amour qu'elle vit avec Rodin est encore heureuse, est présentée au public au moment même où leur rupture se produit. Si le couple enlacé semble vouloir restituer la passion de la jeune fille et l'amour fou et enivrant par lequel les deux amants étaient transportés au moment où l'artiste commence son travail sur la composition, l'évolution du traitement des volumes et des lignes témoigne des distances esthétiques qu'elle prend vis-à-vis de Rodin au cours d'un processus de création qui traversa leur relation, jusqu'à leur séparation.
Si elle n'oublie jamais les préceptes inculqués par Rodin, Claudel s'amuse à partir de cette époque à défier les limites entre sculpture et objet d'art, dans un style qui emprunte parfois à l'Art nouveau alors en développement. Par cet emploi d'une ligne sinueuse et complexe et l'enchevêtrement des corps, Claudel emprunte une voix qui l'écarte peu à peu du chemin tracé par Rodin, la menant vers un style propre et unique. Au tourbillon du drapé répond le mouvement tournant des corps, insufflé par un flux continu de courbes qui vise à guider la lumière, glissant sur le couple en un seul élan enveloppant. Les deux personnages semblent suspendus, en apesanteur, alors qu'ils se tiennent chacun dangereusement penchés et sur un seul pied. Quel que soit le point de vue, le couple est toujours dans l'œil du spectateur légèrement décalé de l'axe central, ce qui l'amène à projeter mentalement l'ensemble de la sculpture et du mouvement amorcé, précisément invisible dans sa totalité. Comme le souligne Octave Mirbeau à propos de La Valse : "Mademoiselle Camille Claudel s'est hardiment attaquée à ce qui est, peut-être, le plus difficile à rendre par la statuaire: un mouvement de danse. Pour que cela ne devienne pas grossier, pour que cela ne reste pas figé dans la pierre, il faut un art infini. Mademoiselle Claudel a possédé cet art" (cité in Camille Claudel, cat. exp., Paris, 2008, p. 85).
Following her passionate yet suffocating relationship with Auguste Rodin whom she had met in 1883 when he replaced her teacher, Alfred Boucher (1850-1934), Claudel – and her work- suffered from always being in Rodin’s shadow. It was only in 1892 that Claudel freed herself from Rodin’s shackles, when she left the studio they shared. At the time, she was working on two works, which finally drew critics' attention to her: La Valse and Clotho. La Valse, dating from 1889 while her love story with Rodin was still ongoing, was presented to the public as they were in the process of separating. The embracing couple seems to translate the young girl's passion and the lovers’ mutual inebriating love that was very much present at the time Claudel conceived the sculpture’s composition. However, the evolution in the treatment of volume and lines shows the artistic distance she was establishing between Rodin and herself, in the course of a creative process which ran through their relationship until their separation.
Claudel never forgot the principles learnt from Rodin, but from this period on, she enjoyed challenging the limits between sculpture and decorative arts, in a style sometimes borrowed from the contemporary Art nouveau movement. With the use of a sinuous and complex line and the enlacing of these bodies, Claudel took a road which little by little led her away from the path forged by Rodin, to her own unique style. The swirling of the drapes responds to the circling movement of the bodies, brought to life by a continuous flow of curves which guides the light over the couple in one single enveloping movement. Both characters seem suspended, weightless, although they are both lean dangerously and are standing on only one foot. From whatever perspective it is viewed, the intertwined couple is always slightly shifted from the central axis, which leads the viewer to create a mental representation its movement. As Octave Mirbeau underlined with regards to La Valse: "Miss Camille Claudel has boldly undertaken what is maybe the most difficult to represent in statuary, a dance movement. If it is not to become crude, if it is not to stay frozen in stone, infinite art is required. Miss Claudel possesses this art" (quoted in Camille Claudel, exh. cat., Paris, 2008, p. 85).