Lot Essay
Référencée comme perdue dans la littérature mais connue par une gravure de Francesco Bartolozzi (fig.), cette très large feuille du maître baroque italien est une redécouverte à la provenance exceptionnelle. Ayant appartenu au célèbre peintre vénitien Giovanni Battista Tiepolo, cette Adoration des Mages, d'une riche composition, fera ensuite partie de la collection d’un des plus fascinants personnages de l’époque napoléonienne, le fameux collectionneur et directeur du Louvre, Dominique-Vivant Denon. Le dessin figurera à sa vente après décès en 1826 avant que sa trace n’en soit perdue pour réapparaître aujourd’hui sur le marché.
La gravure correspondante du Florentin Bartolozzi a été publié à Rome en 1764 par Piranèse dans la Raccolta di alcuni disegni del Barberi da Cento (voir E. Calabi, Francesco Bartolozzi. Catalogue des estampes et notice biographique d’après les manuscrits de A. de Vesme, entièrement réformés et complétés d’une étude critique, Milan, 1928, nos. 2121). Pour les besoins requis par la technique de la gravure, Bartolozzi fait quelques adaptations et s’émancipe légèrement du tracé initial du Guerchin pour modifier les lignes et les ombres et les lumières à l'arrière-plan de sa gravure.
Le thème de l’enfance du Christ est récurrent dans l’œuvre du Guerchin, et David Stone dès 1991 rapproche la gravure de Bartolozzi d’une Adoration des Mages de même technique mais à la composition inversée avec la Vierge et l’Enfant assis sur la gauche (New York, Metropolitan Museum of Art, inv. 08.227.30 ; op. cit., 1991, no. 22, ill.). Dans les deux feuilles, la présente étant de plus grandes dimensions, le détail anecdotique de l’enfant qui tente d’attraper le contenu de la coupe tendue par l’un des Mages est assez inhabituel et rend la scène beaucoup plus humaine. Stone date la présente feuille (encore connue uniquement par la gravure) et celle du Metropolitan Museum des années 1620, et les considère comme des projets non retenus pour l’une des fresques de la coupole du dôme de la cathédrale de Plaisance qui inclut une Adoration des Bergers. Dans les deux dessins, le lavis brun joue un rôle primordial dans le placement des volumes et des ombres et des lumières et dans le rendu des différentes textures. Nicholas Turner, en revanche, opte pour ces deux feuilles plutôt pour une datation dans les années 1630, avant le départ de l’artiste pour Bologne en 1642 et s’appuie sur une comparaison stylistique avec deux dessins qui reprennent ce lavis très présent qui structure la composition, caractéristique de cette période dans la carrière de l’artiste : Caton disant adieu à son fils conservé à Windsor Castle et daté 1637 (inv. RCIN 902566 ; voir D. Mahon et N. Turner, The Drawings of Guercino in the Collection of Her Majesty The Queen at Windsor Castle, Cambridge, 1989, no. 86, fig. 90), puis La Vierge au Rosaire de la Morgan Library and Museum de New York (inv. IV,167 ; voir J. Marciari, Guercino: Virtuoso Draftman, cat. exp., New York, Morgan Library and Museum, 2019-2020, no. 20, ill.).
Au décès du Guerchin en 1666, ses neveux Benedetto et Cesare Gennari ont hérité des biens de l’artiste et notamment d’une quantité de dessins très importante, qui passa ensuite entre les mains du Comte Antonio Maria Zanetti (1680-1767) à Venise. La présente feuille a également appartenu à Giovanni Battista Tiepolo probablement avant Zanetti, et peut-être directement acquise auprès des Gennari. Cette information nous parvient grâce à la gravure de Bartolozzi titrée : ‘Ex Collectione Joannis Batistae Tiepolo/ Celebris Pictoris Veneti’ (de la collection de Jean-Baptiste Tiepolo, célèbre peintre vénitien). Puis, comme de nombreuses feuilles du Guerchin en collections vénitiennes, le présent dessin a appartenu à Vivant Denon, qui acquiert une partie de la collection Zanetti en 1791 (pour d’autres Guerchin en provenance de la collection Denon, voir Dominique-Vivant Denon. L’œil de Napoléon, cat. exp., Paris, musée du Louvre, 1999-2000, nos. 568-571, ill.). La vente après décès de Denon ne comptait pas moins d’une cinquantaine de dessins du Guerchin, six seulement qualifiés de ‘capital’ ou ‘très capital’ selon le catalogue de la vente, le présent étant décrit comme ‘dessin très capital en plein d’effet’. Par erreur, quelques-unes de ces feuilles, dont la présente, furent listées dans le catalogue, sous le nom de Gennari, erreur corrigée sur la feuille de vacation. Également graveur, Denon appréciait beaucoup le maître bolonais qu’il grava lui-même une vingtaine de fois. L’Adoration des Mages fut aussi lithographiée par Henry Dagneau pour illustrer le grand ouvrage d’Amaury Duval, les Monuments des arts du dessin recueillis par le Baron Vivant Denon, qui parut après la mort du collectionneur en 1829. Denon possédait également quatre tableaux du Guerchin (cat. exp., Paris, 1999-2000, op. cit., 1999-2000, p. 461, sous le no. 568).
Nous remercions Nicholas Turner d'avoir confirmé l'attribution après examen photographique de l'œuvre, ainsi que pour son aide précieuse apportée à la rédaction de cette notice.
Fig. 1. Francesco Bartolozzi, d'après le Guerchin, Adoration des Mages, British Museum, Londres
La gravure correspondante du Florentin Bartolozzi a été publié à Rome en 1764 par Piranèse dans la Raccolta di alcuni disegni del Barberi da Cento (voir E. Calabi, Francesco Bartolozzi. Catalogue des estampes et notice biographique d’après les manuscrits de A. de Vesme, entièrement réformés et complétés d’une étude critique, Milan, 1928, nos. 2121). Pour les besoins requis par la technique de la gravure, Bartolozzi fait quelques adaptations et s’émancipe légèrement du tracé initial du Guerchin pour modifier les lignes et les ombres et les lumières à l'arrière-plan de sa gravure.
Le thème de l’enfance du Christ est récurrent dans l’œuvre du Guerchin, et David Stone dès 1991 rapproche la gravure de Bartolozzi d’une Adoration des Mages de même technique mais à la composition inversée avec la Vierge et l’Enfant assis sur la gauche (New York, Metropolitan Museum of Art, inv. 08.227.30 ; op. cit., 1991, no. 22, ill.). Dans les deux feuilles, la présente étant de plus grandes dimensions, le détail anecdotique de l’enfant qui tente d’attraper le contenu de la coupe tendue par l’un des Mages est assez inhabituel et rend la scène beaucoup plus humaine. Stone date la présente feuille (encore connue uniquement par la gravure) et celle du Metropolitan Museum des années 1620, et les considère comme des projets non retenus pour l’une des fresques de la coupole du dôme de la cathédrale de Plaisance qui inclut une Adoration des Bergers. Dans les deux dessins, le lavis brun joue un rôle primordial dans le placement des volumes et des ombres et des lumières et dans le rendu des différentes textures. Nicholas Turner, en revanche, opte pour ces deux feuilles plutôt pour une datation dans les années 1630, avant le départ de l’artiste pour Bologne en 1642 et s’appuie sur une comparaison stylistique avec deux dessins qui reprennent ce lavis très présent qui structure la composition, caractéristique de cette période dans la carrière de l’artiste : Caton disant adieu à son fils conservé à Windsor Castle et daté 1637 (inv. RCIN 902566 ; voir D. Mahon et N. Turner, The Drawings of Guercino in the Collection of Her Majesty The Queen at Windsor Castle, Cambridge, 1989, no. 86, fig. 90), puis La Vierge au Rosaire de la Morgan Library and Museum de New York (inv. IV,167 ; voir J. Marciari, Guercino: Virtuoso Draftman, cat. exp., New York, Morgan Library and Museum, 2019-2020, no. 20, ill.).
Au décès du Guerchin en 1666, ses neveux Benedetto et Cesare Gennari ont hérité des biens de l’artiste et notamment d’une quantité de dessins très importante, qui passa ensuite entre les mains du Comte Antonio Maria Zanetti (1680-1767) à Venise. La présente feuille a également appartenu à Giovanni Battista Tiepolo probablement avant Zanetti, et peut-être directement acquise auprès des Gennari. Cette information nous parvient grâce à la gravure de Bartolozzi titrée : ‘Ex Collectione Joannis Batistae Tiepolo/ Celebris Pictoris Veneti’ (de la collection de Jean-Baptiste Tiepolo, célèbre peintre vénitien). Puis, comme de nombreuses feuilles du Guerchin en collections vénitiennes, le présent dessin a appartenu à Vivant Denon, qui acquiert une partie de la collection Zanetti en 1791 (pour d’autres Guerchin en provenance de la collection Denon, voir Dominique-Vivant Denon. L’œil de Napoléon, cat. exp., Paris, musée du Louvre, 1999-2000, nos. 568-571, ill.). La vente après décès de Denon ne comptait pas moins d’une cinquantaine de dessins du Guerchin, six seulement qualifiés de ‘capital’ ou ‘très capital’ selon le catalogue de la vente, le présent étant décrit comme ‘dessin très capital en plein d’effet’. Par erreur, quelques-unes de ces feuilles, dont la présente, furent listées dans le catalogue, sous le nom de Gennari, erreur corrigée sur la feuille de vacation. Également graveur, Denon appréciait beaucoup le maître bolonais qu’il grava lui-même une vingtaine de fois. L’Adoration des Mages fut aussi lithographiée par Henry Dagneau pour illustrer le grand ouvrage d’Amaury Duval, les Monuments des arts du dessin recueillis par le Baron Vivant Denon, qui parut après la mort du collectionneur en 1829. Denon possédait également quatre tableaux du Guerchin (cat. exp., Paris, 1999-2000, op. cit., 1999-2000, p. 461, sous le no. 568).
Nous remercions Nicholas Turner d'avoir confirmé l'attribution après examen photographique de l'œuvre, ainsi que pour son aide précieuse apportée à la rédaction de cette notice.
Fig. 1. Francesco Bartolozzi, d'après le Guerchin, Adoration des Mages, British Museum, Londres