Lot Essay
Livrée pour l’appartement du château de Fontainebleau de la jeune Madame Royale, fillée aînée de Louis XVI et de Marie-Antoinette, la présente commode est un superbe modèle d’équilibre et de sobriété, d’élégance et de savoir-faire comme chacun des meubles de Jean-Henri Riesener.
Le château de Fontainebleau
La marque au pochoir ‘’F N°214’’ correspond à un inventaire du château de Fontainebleau en 1787.
Dans l’inventaire précédent (O1 3397) qui aurait permis de confirmer l’emplacement du meuble en novembre 1786, la section correspondant à l’appartement de Madame Royale est manquante –du folio 98 au folio 123.
La commode meublait alors l’appartement de Madame Royale, fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette et était placée dans le cabinet de la princesse :
‘’214. Une commode de marqueterie panneaux de bois rose filets et champs de bois violette 2 grands tiroirs et 3 petits dans la frise, chutes en trophées de musique, sabots à feuilles d’ornement et entrées de bronze doré dessus de marbre blanc veiné de 4 pieds de large’’ (Archives nationales, Paris, O1 3398, fol.125).
Elle était en paire avec une commode identique qui fut inventoriée, sous le n°210, dans la chambre de la princesse (dont la description reprend mot pour mot celle du n°214). Lors de la révolution, les marbres de mêmes dimensions furent intervertis ce qui explique la présence du n°210 tracé à l’encre sous le marbre de ce meuble.
En plus du numéro d’inventaire relevé plus haut, on lit sur le marbre une seconde marque tracée à l’encre : ‘’du n° 3521 / 2. ‘’, qui correspond au numéro du journal du garde meuble royal pour l’année 1783, alors que Madame Royale était âgée de cinq ans. Le Journal du garde meuble a enregistré, en date du 26 juillet 1783, la livraison par Riesener d’une série de six commodes en marqueterie de bois de rose et amarante et de quatre autres en acajou, destinées à meubler les appartements du château de Fontainebleau, parmi lesquelles, la nôtre :
‘’Du 26 juillet 1783. Livré par le sr Riézener pour le service du roi à Fontainebleau :
‘’3251. Deux commodes de marqueterie à placages de bois de rose et frise d’amarante formant plusieurs compartiments avec dessus de marbre blanc veiné à 5 tiroirs fermant à clef ornées d’entrées de serrure, consoles, chutes, rinceaux, moulures et anneaux de bronze doré d’or moulu, ayant 4 pieds de large [1m30]’’ (O1 3320. Journal du garde meuble de la couronne).
En dépit de son très jeune âge, Madame Royale disposait à Fontainebleau d’un vaste appartement avec salle de gardes, deux antichambres tendues d’étoffes vertes à tabourets de la Savonnerie et un cabinet des nobles où les 18 pliants étaient recouverts de dama cramoisi assorti au taffetas cramoisi des rideaux. La chambre qui venait ensuite comportait un tapis de moquette et des rideaux de taffetas vert. En plus de la commode en marqueterie, Riesener avait livré pour la pièce une table en acajou portant le N°211 (vente Christie’s, New York le 7 juin 2013, lot 357). La dernière pièce était le cabinet où se trouvait notre commode, meublé d’un canapé, deux fauteuils et deux chaises aux bois légèrement sculptés et rechampis blanc, recouverts de gros de Tours broché fond blanc assorti au taffetas blanc des rideaux. Une petite table à écrire en vernis vert ‘’en camaïeux’’, munie d’un écran complétait cet ensemble luxueux.
Madame Royale
Marie-Thérèse Charlotte de France (1778-1851) est l’ainée des enfants du couple royal et la seule survivante de la Révolution française.
Répondant au doux surnom maternel de Mousseline la Sérieuse, l’enfant est l’objet de nombreuses attentions. Peu importe en effet qu’il ne s’agisse pas d’un garçon, le mariage de Louis XVI et de Marie-Antoinette est fertile. L’histoire rapporte même que le roi est «émerveillé d’avoir une fille ». Des Te Deum seront chantés à l’occasion dans toutes les églises du royaume. L’enfant tant désiré est choyé par ses parents. Néanmoins, la reine aura recours à des méthodes d’éducation dites modernes pour lutter contre un certain orgueil qui est reproché à la jeune enfant.
Son destin est bouleversé par la Révolution française. Alors âgée de 11 ans en 1789, les six années suivantes seront terribles. Ce n’est qu’en 1795 que l’orpheline du Temple opère un retour à la vie à la cour de Vienne.
A la fin de sa vie en 1851, Madame Royale aura « connu trois règnes, deux républiques et deux empires ». Et comme le souligne le biographe André Castelot, « elle est à la fois le trait d’union entre la France [d’]Ancien Régime et la démocratie qui s’esquisse ».
Jean-Henri Riesener
Ebéniste incontournable sous Louis XVI, Jean-Henri Riesener (1734-1806, reçu maître en 1768) devient fournisseur du Garde-Meuble royal l’année de l’accession au trône de Louis XVI et Marie-Antoinette. Riesener propose des meubles d’un très grand luxe, au dessin abouti évoluant du style Transition au style Louis XVI et exécutés dans des matériaux précieux que sont les bois exotiques, le bronze doré, le laque ou encore la nacre. Le bureau à cylindre du roi Louis XV commencé par Oeben et achevé par lui s’inscrit parmi ses œuvres remarquables.
En 1786, l’excessivité de ses prix est mise en avant par le nouveau directeur du Garde-Meuble Royal, Thierry de Ville-d’Avray, qui lui préfère alors Guillaume Benneman (1750-1811, reçu maître en 1785), aussi soucieux de la qualité des placages et des bronzes employés sur ses meubles que son prédécesseur. Benneman s’emploiera à livrer des meubles en harmonie avec le style créé par Riesener.
Parallèlement, la reine Marie-Antoinette s’affranchit de cette mesure officielle écartant son ébéniste favori et lui commande plusieurs meubles jusqu’à la Révolution pour son Garde-Meuble privé dirigé par Bonnefoy du Plan. Parmi les meubles somptueux qu’il livre à la Reine, citons le ravissant mobilier en nacre en 1786 – composé d’un bureau à cylindre et d’une table à ouvrage - pour son fabuleux boudoir à Fontainebleau décoré sous la direction de l’architecte Pierre Rousseau.
La division tripartite de la façade avec ressaut central est adoptée par les ébénistes autour des années 1760 et caractérise les commodes de la fin du règne de Louis XV jusqu’à la Révolution.
Meilleur représentant du néoclassicisme, Riesener marque le cœur de métier en sachant parfaitement faire évoluer son style entre la fin du règne de Louis XV et la fin du règne de Louis XVI.
Nous remercions Monsieur Alexandre Pradère pour son aide à la rédaction de la notice.
Le château de Fontainebleau
La marque au pochoir ‘’F N°214’’ correspond à un inventaire du château de Fontainebleau en 1787.
Dans l’inventaire précédent (O1 3397) qui aurait permis de confirmer l’emplacement du meuble en novembre 1786, la section correspondant à l’appartement de Madame Royale est manquante –du folio 98 au folio 123.
La commode meublait alors l’appartement de Madame Royale, fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette et était placée dans le cabinet de la princesse :
‘’214. Une commode de marqueterie panneaux de bois rose filets et champs de bois violette 2 grands tiroirs et 3 petits dans la frise, chutes en trophées de musique, sabots à feuilles d’ornement et entrées de bronze doré dessus de marbre blanc veiné de 4 pieds de large’’ (Archives nationales, Paris, O1 3398, fol.125).
Elle était en paire avec une commode identique qui fut inventoriée, sous le n°210, dans la chambre de la princesse (dont la description reprend mot pour mot celle du n°214). Lors de la révolution, les marbres de mêmes dimensions furent intervertis ce qui explique la présence du n°210 tracé à l’encre sous le marbre de ce meuble.
En plus du numéro d’inventaire relevé plus haut, on lit sur le marbre une seconde marque tracée à l’encre : ‘’du n° 3521 / 2. ‘’, qui correspond au numéro du journal du garde meuble royal pour l’année 1783, alors que Madame Royale était âgée de cinq ans. Le Journal du garde meuble a enregistré, en date du 26 juillet 1783, la livraison par Riesener d’une série de six commodes en marqueterie de bois de rose et amarante et de quatre autres en acajou, destinées à meubler les appartements du château de Fontainebleau, parmi lesquelles, la nôtre :
‘’Du 26 juillet 1783. Livré par le sr Riézener pour le service du roi à Fontainebleau :
‘’3251. Deux commodes de marqueterie à placages de bois de rose et frise d’amarante formant plusieurs compartiments avec dessus de marbre blanc veiné à 5 tiroirs fermant à clef ornées d’entrées de serrure, consoles, chutes, rinceaux, moulures et anneaux de bronze doré d’or moulu, ayant 4 pieds de large [1m30]’’ (O1 3320. Journal du garde meuble de la couronne).
En dépit de son très jeune âge, Madame Royale disposait à Fontainebleau d’un vaste appartement avec salle de gardes, deux antichambres tendues d’étoffes vertes à tabourets de la Savonnerie et un cabinet des nobles où les 18 pliants étaient recouverts de dama cramoisi assorti au taffetas cramoisi des rideaux. La chambre qui venait ensuite comportait un tapis de moquette et des rideaux de taffetas vert. En plus de la commode en marqueterie, Riesener avait livré pour la pièce une table en acajou portant le N°211 (vente Christie’s, New York le 7 juin 2013, lot 357). La dernière pièce était le cabinet où se trouvait notre commode, meublé d’un canapé, deux fauteuils et deux chaises aux bois légèrement sculptés et rechampis blanc, recouverts de gros de Tours broché fond blanc assorti au taffetas blanc des rideaux. Une petite table à écrire en vernis vert ‘’en camaïeux’’, munie d’un écran complétait cet ensemble luxueux.
Madame Royale
Marie-Thérèse Charlotte de France (1778-1851) est l’ainée des enfants du couple royal et la seule survivante de la Révolution française.
Répondant au doux surnom maternel de Mousseline la Sérieuse, l’enfant est l’objet de nombreuses attentions. Peu importe en effet qu’il ne s’agisse pas d’un garçon, le mariage de Louis XVI et de Marie-Antoinette est fertile. L’histoire rapporte même que le roi est «émerveillé d’avoir une fille ». Des Te Deum seront chantés à l’occasion dans toutes les églises du royaume. L’enfant tant désiré est choyé par ses parents. Néanmoins, la reine aura recours à des méthodes d’éducation dites modernes pour lutter contre un certain orgueil qui est reproché à la jeune enfant.
Son destin est bouleversé par la Révolution française. Alors âgée de 11 ans en 1789, les six années suivantes seront terribles. Ce n’est qu’en 1795 que l’orpheline du Temple opère un retour à la vie à la cour de Vienne.
A la fin de sa vie en 1851, Madame Royale aura « connu trois règnes, deux républiques et deux empires ». Et comme le souligne le biographe André Castelot, « elle est à la fois le trait d’union entre la France [d’]Ancien Régime et la démocratie qui s’esquisse ».
Jean-Henri Riesener
Ebéniste incontournable sous Louis XVI, Jean-Henri Riesener (1734-1806, reçu maître en 1768) devient fournisseur du Garde-Meuble royal l’année de l’accession au trône de Louis XVI et Marie-Antoinette. Riesener propose des meubles d’un très grand luxe, au dessin abouti évoluant du style Transition au style Louis XVI et exécutés dans des matériaux précieux que sont les bois exotiques, le bronze doré, le laque ou encore la nacre. Le bureau à cylindre du roi Louis XV commencé par Oeben et achevé par lui s’inscrit parmi ses œuvres remarquables.
En 1786, l’excessivité de ses prix est mise en avant par le nouveau directeur du Garde-Meuble Royal, Thierry de Ville-d’Avray, qui lui préfère alors Guillaume Benneman (1750-1811, reçu maître en 1785), aussi soucieux de la qualité des placages et des bronzes employés sur ses meubles que son prédécesseur. Benneman s’emploiera à livrer des meubles en harmonie avec le style créé par Riesener.
Parallèlement, la reine Marie-Antoinette s’affranchit de cette mesure officielle écartant son ébéniste favori et lui commande plusieurs meubles jusqu’à la Révolution pour son Garde-Meuble privé dirigé par Bonnefoy du Plan. Parmi les meubles somptueux qu’il livre à la Reine, citons le ravissant mobilier en nacre en 1786 – composé d’un bureau à cylindre et d’une table à ouvrage - pour son fabuleux boudoir à Fontainebleau décoré sous la direction de l’architecte Pierre Rousseau.
La division tripartite de la façade avec ressaut central est adoptée par les ébénistes autour des années 1760 et caractérise les commodes de la fin du règne de Louis XV jusqu’à la Révolution.
Meilleur représentant du néoclassicisme, Riesener marque le cœur de métier en sachant parfaitement faire évoluer son style entre la fin du règne de Louis XV et la fin du règne de Louis XVI.
Nous remercions Monsieur Alexandre Pradère pour son aide à la rédaction de la notice.