Lot Essay
Impressionnante par sa taille imposante et la représentation ambitieuse de deux figures nues et musclées dans des poses complexes, cette feuille est la seule œuvre connue de Jacques Quesnel qui l’a fièrement signée sur la lame de la faux du Temps. C’est également le plus ancien témoignage de la vie de l’artiste, dont seuls les contours peuvent être tracés : son mariage a eu lieu en 1593 ou 1594, il est mentionné en 1617 et 1619 comme membre de la guilde parisienne de Saint Luc, et enterré en 1629 (1). Fils de Pierre Quesnel, peintre à Édimbourg du roi Jacques V d’Écosse, Jacques avait un frère, François, qui, bien qu’étant également peintre d’histoire, a réalisé des portraits dans la tradition des Clouets et des Dumonstiers, auxquels le nom de famille est aujourd’hui le plus souvent associé (voir le lot précédent).
Le dessin de Jacques présenté ici est très éloigné de cette tradition et le place au rang des membres les plus novateurs et les plus accomplis de la « Deuxième école de Fontainebleau », notamment Ambroise Dubois (1542 ou 1543-1614 ou 1615), Toussaint Dubreuil (1558 ou 1561-1602) et Martin Fréminet (1567-1619). Tous trois ont réalisé des peintures et des dessins avec des figures monumentales comme on peut le voir dans la présente feuille. On peut citer une étude de Fréminet à New York concernant une fresque pour le château de Fontainebleau (2) mais les comparaisons les plus proches peuvent être effectuées avec des œuvres de Dubreuil. Deux grands dessins du Louvre, dont l’un est également daté de 1588 (fig. 1) (3), sont particulièrement similaires car ils mettent l’accent sur la représentation d’un ou de plusieurs corps masculins musclés et contorsionnés, avec un minimum d’éléments de décor. L’étude d’un homme barbu par Dubreuil est également proche de la tête du Temps dans l’œuvre de Quesnel (4).
Comme l’a noté Dominique Cordellier, les modèles dont Quesnel et Dubreuil semblent s’être inspirés sont multiples (5). Il convient néanmoins de mentionner tout particulièrement les estampes d’Hendrick Goltzius connues dans toute l’Europe, une gravure également datée de 1588 représentant Apollon, fortement modelé par les lignes de burin et des hachures, éléments que Quesnel et Dubreuil semblent avoir suivi dans leur travail à la plume (fig. 2) ; et la gravure sur bois en clair-obscur Hercule tuant Cacus (6). Le célèbre Grand Hercule de Goltzius est peut-être encore plus proche, mais il a été réalisé un an après le dessin de Quesnel, attestant de l’indépendance artistique de ce dernier (7). Malgré le caractère destructeur du Temps, sa seule œuvre d’attribution certaine permet d’établir Jacques Quesnel comme l’un des artistes français les plus audacieux et les plus accomplis de sa génération.
Fig. 1. Toussaint Dubreuil, Le Martyre de Saint Christophe. Musée du Louvre, Paris, inv. 26272.
Fig. 2. Hendrick Goltzius, Apollon. Gravure au burin. Rijksmuseum, Amsterdam, inv. RP-P-1943-378.
(1) U. Thieme, F. Becker et H. Volmer, éds., Allgemeines Lexikon der bildenden Künstler von der Antike bis zur Gegenwart, XXVII, Leipzig, 1933, p. 519.
(2) The Metropolitan Museum of Art, inv. 2011.319.
(3) Musée du Louvre, inv. 26272, 26273 (Cordellier, op. cit., nos 13, 14, ill.).
(4) Auparavant dans la collection Desmarais (S. Béguin, ‘Two Unpublished Drawings by Toussaint Dubreuil’, The Burlington Magazine, CXVII, no 992, novembre 1985, p. 761, fig. 22).
(5) Cordellier, op. cit., p. 62, sous le no 13.
(6) N.M. Orenstein in Hendrick Goltzius (1558-1617). Drawings, Prints and Paintings, cat. exp., Amsterdam, Rijksmuseum, New York, The Metropolitan Museum of Art, et Toledo, Ohio, The Toledo Museum of Art, 2003-2004, nos 31, 34, ill.
(7) Ibid., no 36, ill.
Le dessin de Jacques présenté ici est très éloigné de cette tradition et le place au rang des membres les plus novateurs et les plus accomplis de la « Deuxième école de Fontainebleau », notamment Ambroise Dubois (1542 ou 1543-1614 ou 1615), Toussaint Dubreuil (1558 ou 1561-1602) et Martin Fréminet (1567-1619). Tous trois ont réalisé des peintures et des dessins avec des figures monumentales comme on peut le voir dans la présente feuille. On peut citer une étude de Fréminet à New York concernant une fresque pour le château de Fontainebleau (2) mais les comparaisons les plus proches peuvent être effectuées avec des œuvres de Dubreuil. Deux grands dessins du Louvre, dont l’un est également daté de 1588 (fig. 1) (3), sont particulièrement similaires car ils mettent l’accent sur la représentation d’un ou de plusieurs corps masculins musclés et contorsionnés, avec un minimum d’éléments de décor. L’étude d’un homme barbu par Dubreuil est également proche de la tête du Temps dans l’œuvre de Quesnel (4).
Comme l’a noté Dominique Cordellier, les modèles dont Quesnel et Dubreuil semblent s’être inspirés sont multiples (5). Il convient néanmoins de mentionner tout particulièrement les estampes d’Hendrick Goltzius connues dans toute l’Europe, une gravure également datée de 1588 représentant Apollon, fortement modelé par les lignes de burin et des hachures, éléments que Quesnel et Dubreuil semblent avoir suivi dans leur travail à la plume (fig. 2) ; et la gravure sur bois en clair-obscur Hercule tuant Cacus (6). Le célèbre Grand Hercule de Goltzius est peut-être encore plus proche, mais il a été réalisé un an après le dessin de Quesnel, attestant de l’indépendance artistique de ce dernier (7). Malgré le caractère destructeur du Temps, sa seule œuvre d’attribution certaine permet d’établir Jacques Quesnel comme l’un des artistes français les plus audacieux et les plus accomplis de sa génération.
Fig. 1. Toussaint Dubreuil, Le Martyre de Saint Christophe. Musée du Louvre, Paris, inv. 26272.
Fig. 2. Hendrick Goltzius, Apollon. Gravure au burin. Rijksmuseum, Amsterdam, inv. RP-P-1943-378.
(1) U. Thieme, F. Becker et H. Volmer, éds., Allgemeines Lexikon der bildenden Künstler von der Antike bis zur Gegenwart, XXVII, Leipzig, 1933, p. 519.
(2) The Metropolitan Museum of Art, inv. 2011.319.
(3) Musée du Louvre, inv. 26272, 26273 (Cordellier, op. cit., nos 13, 14, ill.).
(4) Auparavant dans la collection Desmarais (S. Béguin, ‘Two Unpublished Drawings by Toussaint Dubreuil’, The Burlington Magazine, CXVII, no 992, novembre 1985, p. 761, fig. 22).
(5) Cordellier, op. cit., p. 62, sous le no 13.
(6) N.M. Orenstein in Hendrick Goltzius (1558-1617). Drawings, Prints and Paintings, cat. exp., Amsterdam, Rijksmuseum, New York, The Metropolitan Museum of Art, et Toledo, Ohio, The Toledo Museum of Art, 2003-2004, nos 31, 34, ill.
(7) Ibid., no 36, ill.