PAGAIE DE DANSE RAPA
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PAGAIE DE DANSE RAPA

ÎLE DE PÂQUES

Details
PAGAIE DE DANSE RAPA
ÎLE DE PÂQUES
Haut. 76 cm (30 in.)
Provenance
John Giltsoff (1947-2014), Londres
Alain de Monbrison, Paris
Collection Michel Périnet (1930-2020), Paris, acquis en 1989
Further details
RAPA DANCE PADDLE, EASTER ISLAND

Brought to you by

Alexis Maggiar
Alexis Maggiar International Head, Arts of Africa, Oceania & the Americas

Lot Essay

QUINTESSENCE TOURBILLONANTE DE LA FIGURE MASCULINE
par Michel Orliac

[…] Ce n’est qu’en 1774, au cours de visites menées à terre les 14 et 15 mars, que les savants et les officiers de James Cook négocièrent quelques « petites figures humaines de bois […] d’un travail beaucoup plus net et beaucoup plus propre que celui des statues [de pierre]. Les unes représentaient des hommes, et les autres des femmes […] on y devinait […] une certaine adresse ».

[…] L’un des objets les plus rares acquis alors fut un instrument à double pales : long de 435 mm, c’est le plus petit de tous ceux connus ; il faisait autrefois partie de la collection du capitaine James King, second du capitaine Cook lors de son troisième voyage (musée de Glasgow, inv. n° E 348)1.

Si les statuettes avaient la préférence des étrangers, au moins trois de ces double pales énigmatiques ont toutefois séduit des visiteurs entre le passage du capitaine Cook (1774) et celui de la frégate Topaze (1868).

[…] John Linton Palmer, le chirurgien du bord, apprit leur nom : « rapa ». S’il n’obtint pas d’informations sur ces objets, Palmer comprit leur importance symbolique grâce aux représentations tatouées sur le corps des femmes et sculptées ou peintes sur les dalles des maisons d’Orongo, centre du culte de l’homme-oiseau.

En 1872, Pierre Loti aurait assisté à ce qu’il appelle une “danse des pagaies” - sans toutefois décrire ce spectacle très inhabituel. Lors de la mission de la Hyäne (1882), Wilhelm Geiseler ne signala pas de rapa. En 1886, Alexander Salmon organisa pour W.J. Thomson, trésorier sur le Mohican, une danse avec ces double pales dans sa ferme de Vaihu2 ; il apprit alors que ces « pagaies légères […] longues d’environ 610 mm, légèrement teintées de rouge, étaient des « fétiches de la patate douce » destinés à protéger ces tubercules de la sécheresse et des insectes ; ils étaient censés « éloigner les esprits maléfiques ». Deux des rapa acquis alors sont aujourd’hui au musée d’Histoire naturelle de Washington.

En 1935, il fut dit à l’ethnologue suisse Alfred Métraux que « les chefs militaires utilisaient des rapa lors de danses guerrières devant le roi : ils les faisaient tournoyer près de son visage dans le but de l’effrayer ». La petite dimension des rapa aurait également permis leur maniement lors de danses féminines assises. Par ailleurs, ces objets étaient associés par paires : selon W.J. Thomson, ils « sont d’habitude tenus dans chaque main »3 ; ainsi s’expliquerait l’identité de deux des rapa de la collection Oldman (inv. n° 360a et 360b) par ailleurs acquis ensemble.

[...] La hauteur des rapa s’étend de 435 mm à 970 mm ; la moitié d’entre eux mesure de 650 mm à 970 mm, série où se situe le rapa Périnet (753 mm).

Les rapa sont formés de deux pales plates reliées par une hampe ou poignée en forme d’étroit cylindre légèrement renflé dans sa partie moyenne ; l’aspect le plus surprenant de l’objet, lié à sa fonction, est sa minceur : vue de profil il disparaît presque, comme les moai papa (statuettes féminines plates). La pale inférieure est plus large que la pale supérieure4 ; cette légère dissymétrie confère un équilibre à la silhouette où, même sans autre information, l’on reconnaîtrait sans difficulté une tête (pale supérieure) et un corps (pale inférieure). Pour renforcer cette image, la pale inférieure se prolonge axialement par un appendice dont la morphologie phallique est manifeste : les rapa sont masculins. Leurs deux faces sont en tous points identiques, par leur topographie et par leur décor, comme des « Janus » collés dos à dos.

Le contour des pales, formé de courbes pures et harmonieuses est une sensuelle abstraction du corps humain. Les traits du visage, réduits à l’essentiel, se résument à d’étroites nervures en champlevé ; elles forment la courbe des sourcils qui rejoignent les boucles d’oreilles en bordant le visage5 ; au centre de ce dernier, elles se fondent en un nez simplifié qui descend souvent un peu plus bas que les boucles d’oreilles. A l’opposé de la plupart des bois sculptés pascuans, dotés d’une bouche, de narines, d’oreilles, les rapa sont muets : leur bouche n’est jamais représentée, mais ils sont coquets ; leurs boucles d’oreilles parfaitement hémisphériques, ne terminent pas des oreilles distendues, indice probable du statut ou de l’âge de l’entité représentée.

Pour éviter toute monotonie des surfaces planes, le sculpteur les a animées par une discrète arête axiale qui prolonge le nez sur la poignée et se poursuit jusqu’à la base de la pale inférieure. Même en ignorant que les rapa étaient utilisés lors des danses, les traces intenses de manipulation de la poignée sont visibles.

1Kaeppler, A., “Artificial curiosities”: An Exposition of Native Manufactures Collected on the Three Pacific Voyages of Captain James Cook, Honolulu, 1978
2Thomson, W.J., Te Pito Te Henua, Or Easter Island, Washington, 1891, pp. 469 et 536
3« Wands are usually held in each hand, but occasionally one and sometimes both are discarded »
4Cette proportion s’inverse sur les rapa tardifs, tels ceux acquis par Thomson (1886)
5Les yeux sont indiqués par des cupules à peine visibles sur de très rares rapa tardifs

A MALE FIGURE IN QUINTESSENTIAL SWIRL
by Michel Orliac

[…] It was only in 1774, during expeditions on March 14th and 15th, that the scholars and officers of James Cook would negotiate to acquire a few “small wooden human figures […] with a clearer, cleaner craftsmanship than that of the [stone] statues. Some represented men, other women […] and one could guess at […] a certain skill.”

[…] One of the rarest objects purchased was a two-paddled instrument. With a length of 435 mm, it is the smallest of all those known. It was once part of Captain James King’s collection. King was lieutenant to Cook on his third voyage (Hunterian Museum of Glasgow, inv. no. E 348)1.

While the statuettes were preferred by foreigners, at least three of these enigmatic double-paddled instruments also won over visitors between the voyage of Captain Cook (1774) and that of the Topaze frigate (1868).

[…] John Linton Palmer, the naval surgeon, learned their name: “rapa”. While he obtained no information about these objects, Palmer understood their symbolic importance because of the images tattooed on the bodies of women and sculpted or painted on the slabs of houses in Orongo, the centre of the bird-man cult.

In 1872, Pierre Loti apparently attended what he called a “paddle dance”, but did not actually describe this very inhabitual performance. During the Hyäne expedition (1882), Wilhelm Geiseler did not report seeing any rapa. In 1886, Alexander Salmon organised a dance for W.J. Thomson, treasurer on the Mohican. The dance, which was held at his Vaihu farm2, made use of these double paddles. He thus learned that these “light paddles […] approximately 610 mm long, slightly tinted red, were ‘sweet potato fetishes’ intended to protect the tuberous roots from drought and insects: they were meant to ‘repel evil spirits’.” Two of the purchased rapa are today held at the National Museum of Natural History in Washington, D.C.

In 1935, the Swiss ethnologist Alfred Métraux was told that “military chiefs used rapa when performing war dances for the king: they spun them hear his face in order to frighten him.” The small size of the rapa also made it possible for them to be handled during seated female dances. Moreover, the objects were grouped into pairs. According to W.J. Thomson, they “were habitually held in either hand”3. This explains the identities of two of the rapa from the Oldman collection (inv. no. 360a et 360b), which were furthermore purchased together.

[...] The height of rapa ranges from 435 mm to 970 mm; half of them range from 650 mm to 970 mm, and it is this series that includes the Périnet rapa (753 mm).

Rapa are composed of two flat paddles linked together with a shaft or handle in a narrow cylindrical shape that bulges slightly in the middle. The most surprising aspect of the object, which relates to its function, is its slimness. Seen from the side, it almost disappears, similarly to moai papa (flat female statuettes). The lower paddle is larger than the upper paddle4; this slight asymmetry provides the shape with perfect balance, and even without it being suggested, it is easy to recognise the upper paddle as a head and the bottom paddle as a body. To reinforce this image, the lower paddle is axially extended by an appendage with a clearly phallic morphology: rapa are male figures. Their two sides are perfectly identical, in both their relief and their décor, like a back-to-back “Janus”.

The outline of the paddles, shaped with pure, harmonious curves, is a sensuous abstraction of the human body. The facial features are pared down to the essential, reduced to narrow raised veins; they form the curve of the eyebrows, which connect with the earrings at the edge of the face5. At the centre of the face, they blend into a simplified nose that often extends lower than the earrings. Contrarily to most wooden sculptures from Easter Island which feature a mouth, rapa do not. Despite the lack of a mouth, they are well-adorned. Their earrings are perfectly hemispheric, and do not hang on distended lobes, which is probably an indication of the status or age of the represented entity. To avoid any monotony of the flat surfaces, the sculptor added a discreet axial bridge that draws the nose down along the handle and continues to the base of the lower paddle. Even if it was not known that rapa were used in dances, traces of intense handling are still very visible along the handle.

1Kaeppler, A., “Artificial curiosities”: An Exposition of Native Manufactures Collected on the Three Pacific Voyages of Captain James Cook, Honolulu, 1978
2Thomson, W.J., Te Pito Te Henua, Or Easter Island, Washington, 1891, pp. 469 and 536
3“Wands are usually held in each hand, but occasionally one and sometimes both are discarded”
4The proportion is inverted in late rapa such as the ones purchased by Thomson (1886)
5The eyes are represented by small, barely visible cups on very rare, late rapa

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