STATUE BAULÉ
STATUE BAULÉ
STATUE BAULÉ
2 More
STATUE BAULÉ

CÔTE D'IVOIRE

Details
STATUE BAULÉ
CÔTE D'IVOIRE
Haut. 44 cm (17 ¼ in.)
Provenance
Collection Rene Rasmussen (1912-1979), Paris
Libert-Castor-Loudmer-Poulain, Paris, Succession René Rasmussen, 14 decembre 1979, lot 29
Collection Mina et Samir Borro, Bruxelles
Collection Michel Périnet (1930-2020), Paris, acquis en 1988
Literature
Lehuard, R., Arts d'Afrique Noire, n° 32, Arnouville, hiver 1979, p. 25
Boyer, A.-M., « Miroirs de l'invisible : la statuaire baoulé » in Arts d'Afrique Noire, n° 44, Arnouville, hiver 1982, p. 31, n° 1
Kerchache, J., Paudrat, J.-L. et Stephan, L., L'art africain, Paris, 1988, p. 127, n° 61
Kerchache, J., Paudrat, J.-L. et Stephan, L., Art of Africa, New York, 1993, p. 127, n° 61
Further details
BAULE FIGURE, IVORY COAST

Brought to you by

Alexis Maggiar
Alexis Maggiar International Head, Arts of Africa, Oceania & the Americas

Lot Essay

UN JOYAU DE L’ART BAOULÉ
par Bertrand Goy

Durant la dernière semaine de 1979, peu après que la collection du galeriste parisien René Rasmussen fut dispersée à Drouot‑Rive Gauche, le catalogue de la vente circulait à Treichville, quartier d’Abidjan, et défrayait la petite chronique du Syndicat National des Antiquaires, Sculpteurs et commerçants d’Objet d’art de Côte d’Ivoire. Si les lots provenant de leur pays suscitèrent les commentaires dithyrambiques et unanimes de ces connaisseurs, la statue féminine présentée ici eut leur préférence, d’autant plus qu’à leur grande fierté, Samir Borro, un enfant du pays, l’emporta contre le reste du monde. Les plus anciens d’entre les marchands convoquèrent leurs souvenirs d’une époque lointaine et révolue où Roger Bédiat1, le planteur d’Anyama, acquit deux « diamants »2 d’une importance égale, ce qui déclencha une avalanche de surenchères quant à l’âge supposé canonique de la « Baoulé Rasmussen ».

Ce jugement intuitif s’avérait particulièrement fondé puisque il faut replonger aux sources de l’histoire des arts africains pour ressentir la même impression de puissance contenue devant deux statues très proches de la nôtre : l’une fut exposée en 1930 à la Valentine Gallery de New York par Paul Guillaume, l’autre figura dans le Negerplastik3 de Carl Einstein paru en 1915.

Qu’elle fut asie uzu, incarnation sublimée d’un esprit des forêts ou blolo bla, compagne de l’au-delà, la statue de Michel Périnet ne garde pas trace des onctions dont elle fit l’objet ; le temps passé dans sa seconde vie, profane celle-là, se chargea de lisser sa patine désormais délicatement satinée.
Le bas du corps, très caractéristique de la morphologie baoulé, repose sur des jambes courtes, robustes, légèrement arquées et marquées au niveau des genoux d’une sorte d’anneau constituant une ligne de partage entre cuisses et mollets. Les pieds, tournés vers l’intérieur comme chez les nourrissons tentant leur premier pas, accentue paradoxalement l’impression de stabilité, de présence immuable et rassurante de la Femme enracinée dans sa terre. Le corps, dans son intégralité, offre cette image contrastée de force, de détermination et de féminité. Les deux mains fermement posées sur l’abdomen proéminent désignent explicitement l’emplacement où se transmet la vie, les seins gonflés et généreux complètent l’hommage rendu à la maternité.

Le visage de masque obéit aux canons du centre de styles, des lèvres closes à la coiffure soigneusement tressée. Des scarifications et autres chéloïdes soulignent sobrement les commissures des lèvres, les tempes et les arcades sourcilières, en revanche, leur réseau intriqué s’étendant du tronc aux membres supérieurs et inférieurs est d’une richesse peu fréquente parmi l’abondant corpus de la statuaire baoulé. Une statue masculine vendue le 7 septembre 1912 par Joseph Brummer4 au mécène allemand Karl Osthaus, tout en puissance également, offre une semblable abondance d’ornements corporels. Une autre, féminine celle-là, acquise par Henri Labouret en 1911, la « plus soignée » de sa collection selon lui5, a le torse couvert d’un quadrillage de chéloïdes. Ces exemples et quelques autres témoignent que l’archaïsme dans la grande statuaire baoulé ne se manifeste pas, malgré ce qu’on a pu en dire, par la simplicité des formes, mais au contraire par une sorte d’exubérance, le soin pris à ciseler chaque détail, la profusion des ornements.

Une riche broderie de chéloïdes aux motifs de chevrons et d’arabesques habille le dos, du cou aux flancs, sans éclipser la puissance des épaules musculeuses et la fermeté de la chute des reins. La coiffure, impeccable et raffinée se termine élégamment par une sorte de « coleta » de torero.
La beauté et la prestance de cette éminente ambassadrice de l’art baoulé incitent à penser que son auteur et son commanditaire souhaitaient honorer un génie particulièrement craint ou une personnalité hautement respectée.

1Roger Bédiat, résident de Côte d’Ivoire depuis le début des années 1920, partagea sa vie entre le métier de planteur, de forestier et acquéreur d’objets d’art de la sous-région. Son discernement l’amena à devenir très tôt le fournisseur des grands marchands parisiens 2Il s’agit de deux statues, l’une féminine, l’autre masculine, acquises à la fin des années 1950 par les Kamer ; elles réalisèrent des prix records pour des oeuvres baoulé, l’une lors de la vente de la collection Robert Rubin, l’autre lors de la vente Myron Kunin. Outre la puissance de la sculpture, ces deux statues partagent avec celle de Michel Périnet la très rare particularité de porter des chéloïdes sur les bras
3Einstein, C., Negerplastik, Leipzig, 1915, pp. 54-55
4Cette statue est désormais au Museum Folkwang à Essen. La vente à Karl-Ernst Osthaus figure dans le livre de comptes de Joseph Brummer déposé aux Cloisters Library and Archives du Metropolitan Museum of art, New York
5Labouret, H., « Notes contributives à l’étude du peuple baoulé » in Revue d’Ethnographie et de Sociologie, vol. 5, Paris, 1914, n° 5 et 6, pp. 187-194

A JEWEL OF BAULE ART
by Bertrand Goy

In the last week of 1979, shortly after the collection of the Parisian gallery owner René Rasmussen was auctioned off at Drouot‑Rive Gauche, the sales catalogue was circulated in Treichville, a district of Abidjan. The Syndicat National des Antiquaires, Sculpteurs et commerçants d’Objet d’art de Côte d’Ivoire was buzzing about it. While the lots from their country were roundly and unanimously praised, the feminine statue presented here was their favourite, all the more because the apple of their eye and fellow countryman, Samir Borro, stood out among the others. The more established of the dealers recalled memories of a distant, bygone time when Roger Bédiat1, a planter from Anyama, purchased two “diamonds”2 of equal importance, triggering an avalanche of opinions about the supposed canonic age of the “Baule Rasmussen”.

This intuitive judgement proved particularly well-founded because it led to a re-examination of the sources of African art history, to feel the same impression of contained power which emanate from two statues very similar to this one. One was exhibited in 1930 at the Valentine Gallery of New York City by Paul Guillaume, and the other appeared in Carl Einstein’ Negerplastik3, published in 1915.

Whether the statue of Michel Périnet is an asie uzu - the glorified incarnation of a forest spirit - or a blolo bla - a companion in the afterlife -, it bears no trace of the anointments that it received. The time it has spent in its second, secular life has smoothed its patina to a delicate satin finish.
In keeping with characteristic Baule morphology, the bottom of the body rests on short, strong, slightly bowed legs marked at the knee with a sort of ring that separates the thighs from the calves. The feet, turned inwards like those of a baby taking its first steps, paradoxically accentuate the impression of stability: the reassuring, unchanging presence of Woman rooted to her land. The entire body asserts a contrasting image of strength, determination and femininity. The two hands, firmly placed on the prominent abdomen, explicitly designate the place where life is passed on, while full, swollen breasts complete the tribute to maternity.

The face reminds that of a mask and obeys the central models of style for the genre, from the closed lips to the carefully braided hairstyle. Scarifications and other keloids soberly enhance the corners of the lips, temples, and eyebrow arches. However, their intricate web extending from the torso to the upper and lower members is unusually rich compared to the rest of the extensive Baule statue corpus. A male statue sold by Joseph Brummer4 to Osthaus on 7 September 1912 in Hagen, Germany, also exudes great power and shows a similar abundance of body ornamentation. Another female statue purchased by Henri Labouret in 1911 - the “most carefully” executed of the collection according to him5, reveals a torso covered with criss-crossing keloids. These examples and a few others go to show that the archaism in the great Baule statue tradition is not manifested by the simplicity of shapes, whatever one might say; but rather, to the contrary, by a kind of exuberance: the care taken to chisel every detail, and a profusion of ornamentations.

A rich tapestry of scarifications in chevron and arabesque designs adorn the back from the neck to the sides, without detracting from the power of the muscular shoulders and the firmness of the small of the back. The impeccable, refined hair style ends elegantly in a kind of torero “coleta”.
The beauty and elegance of this eminent ambassador of Baule art leads us to believe that its creator and the person requesting its creation wished to honour a particularly fearsome spirit or a highly respected person.

1Roger Bédiat, who became a resident of Ivory Coast in the beginning of the 1920s, shared his time between his plantations, forestry, and purchasing art objects from the sub-region. His discerning eye quickly made him a supplier to the great Parisian dealers
2The story revolves around two statues - one female, one male - purchased by the Kamers in the late 1950s. The pieces reached record prices for Baule works: one at the Robert Rubin collection auction and the other at the Myron Kunin auction. Besides the power which emanated from the figures, both statues share a very specific trait with the one from the Michel Périnet collection: bearing keloid scars on the arms
3Einstein, C., Negerplastik, Leipzig, 1915, pp. 54-55
4That statue is now held at the Museum Folkwang in Essen. The sale to Karl-Ernst Osthaus is listed in the accounts book of Joseph Brummer, kept at Cloisters Library and Archives of the Metropolitan Museum of Art in New York City
5Labouret, H., “Notes contributives à l’étude du peuple baoulé” in Revue d’Ethnographie et de Sociologie, vol. 5, Paris, 1914, no. 5 and 6, pp. 187-194

More from Collection Michel Périnet

View All
View All