Lot Essay
Rare par sa forme, la pyxide de la collection Marquet de Vasselot est un important témoin de l’art limousin du XIIIe siècle et fit partie de trois des plus intéressantes collections d’arts du Moyen Âge et de la Renaissance des XIXe et XXe siècles.
Un chef-d’œuvre limousin
La pyxide, également appelée custode, est un objet liturgique servant à contenir l’Eucharistie c’est-à-dire l’hostie consacrée, notamment pour la transporter auprès des malades. On parle également de répositoire eucharistique (M.-M. Gauthier, 1993, loc. cit., p. 98). Sa forme est habituellement simple, de plan carré, rectangulaire ou circulaire, avec un couvercle à pans ou tronconique surmonté parfois d’une croix ou d’une colombe. Limoges, qui développa dès le XIIe siècle une production de ces objets souvent émaillés, produisit surtout plus intensément aux XIIIe et XIVe siècles de nombreuses pyxides de qualités variées. Notre exemplaire se détache de ce corpus existant par son caractère sculptural. L’objet n’est plus seulement une pyxide, il est avant tout une statuette figurant la Vierge à l’Enfant, et cette Vierge assise retient sur ses genoux la précieuse boîte et plus précisément contient véritablement en Elle la cavité qui reçoit le corps de son Fils. Le culte de la Vierge connut un regain d’intérêt à partir de la fin du XIIe siècle à Limoges et ne varia presque pas durant le siècle qui suivit. Elle est traditionnellement représentée en Majesté, assise, son Fils sur son genou gauche ou assis de face et est alors appelée Trône de Sagesse (Sedes Sapientiae). Mais la position statique des premières années du XIIIe siècle va progressivement légèrement évoluer.
La technique de création est complexe puisque la Vierge est réalisée à l’aide de deux principales feuilles de cuivre martelées, travaillées au repoussé, gravées, assemblées puis dorées. L’Enfant est exécuté à part et fixé grâce à un rivet visible dans le bas de son ventre, tout comme les couronnes, le couvercle de la pyxide et la colombe également réalisés séparément puis fixés au groupe central. Le décor émaillé est simple et très localisé puisque seuls les yeux et les cabochons des couronnes sont en perles ou demi-perles d’émail bleu turquoise, bleu foncé et noir. La partie centrale du pied à partir du nœud méplat jusqu’à la base circulaire est probablement postérieure et peut-être issue d’un calice (E. Rupin, 1890, loc. cit., p. 217-219). L’évasement sur quelques centimètres entre la terrasse où repose la Vierge et avant le nœud du pied semble être né avec le groupe supérieur, indiquant qu’il devait peut-être initialement reposer sur un pied central proche de la composition actuelle.
Cette technique de construction en repoussé est visible sur des objets antérieurs mais à une échelle souvent moins importante (Vierge à l’Enfant d’applique, second tiers du XIIIe siècle, musée de Cluny, Paris, inv. CL940, M.-M. Gauthier, 1950, loc. cit, pp. 147-148, pl. 47). Mérovingiens, Byzantins, Carolingiens, Ottoniens et orfèvres mosans usèrent des mêmes techniques. Limoges s’inscrit dans cette tradition et certaines figures d’applique, parfois émaillées et souvent dorées, pouvaient atteindre de grandes dimensions. Les objets d’art en véritable ronde bosse comme notre pyxide sont particulièrement rares. Nous pouvons cependant citer la Vierge à l’Enfant de Limoges, vers 1200, provenant des anciennes collections du marquis de Castrillo puis de J. Pierpont Morgan aujourd’hui au Metropolitan Museum of Art de New York (inv. 17.190.125, voir É. Taburet-Delahaye, loc. cit., pp. 190-192). Cette dernière permet de rendre compte de l’évolution des formes tout au long du XIIIe siècle et introduit parfaitement notre pyxide, même s’il s’agit d’une Vierge-tabernacle. Autre groupe permettant d’annoncer la pyxide Marquet de Vasselot, la suite d’apôtres de Grandmont réalisée vers 1231 et dispersée dans plusieurs musées (dont le Louvre et le Petit Palais à Paris, le Metropolitan Museum à New York, l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, ou encore le Bargello à Florence) illustre parfaitement cette même technique et comporte de grandes similitudes avec la pyxide.
La Vierge attire le regard avec son drapé aux plis tirés, encore très marqués par les années 1200 et le début du siècle. On retrouve ce rendu tout au long du XIIIe siècle mais les drapés sont ici à profonds sillons accentués par des incisions verticales (voir Le Miracle de l’enfant d’Ambazac, vers 1250-1270, abbaye royale de Chaalis, inv. 1020, É. Taburet-Delahaye, op. cit., pp. 228-229). Son visage ovale est doux, elle revêt le maphorion et un manteau doublé de vair que l’on aperçoit sur les plis en retour. Le Christ bénit de la main droite et maintient le Livre contre sa poitrine. Couronné comme la Vierge, sa coiffure est caractéristique de la seconde moitié du XIIIe siècle, autour du règne de Saint Louis.
Les pyxides en ronde bosse avec figure de la Vierge sont donc extrêmement rares et seule celle de l’ancienne collection Durand (E. Rupin, op. cit., p. 219), cependant fragmentaire, s’ajoute à notre exemplaire avec celle annoncée par M.-M. Gauthier conservée au musée du Bargello (M.-M. Gauthier, 1968, loc. cit., p. 71, note 1).
Spitzer, Martin Le Roy et Marquet de Vasselot, trois collections insignes
La pyxide est annoncée dans la vente Spitzer “265 – La Vierge et l’Enfant Jésus. – Groupe de cuivre fondu, ciselé et doré. Travail français. Limoges. 13e siècle”. Sa fonction n’est pas définie mais une photo permet de l’identifier (La collection Spitzer (…), loc. cit., pl. XII). Cette collection majeure avait été constituée par Frédéric Spitzer (1815-1890). Érudit, marchand et collectionneur, il est un des premiers à remettre au goût du jour le Moyen Âge et à en faire le commerce. Installé 33 rue de Villejust à Paris, il y recevait qui le souhaitait pour visiter son hôtel. Suite à la guerre de 1870, il envoie une partie de sa collection à Londres et à Vienne où certains objets sont achetés par Richard Wallace ou encore le baron A. von Rothschild. Les chefs-d’œuvre qu’il a réunis sont dispersés lors d’une fabuleuse vente, en 1893, organisée sur plusieurs jours.
À cette occasion, Victor Martin Le Roy (1842-1918) achète la pyxide. Magistrat, il était très investi dans différentes sociétés parisiennes dont le Conseil de l’Union centrale des Arts décoratifs ou encore la Société des Amis du Louvre dans laquelle il occupait la fonction de vice-président. Sa collection débuta avec la peinture romantique mais il l’enrichit d’objets du Moyen Âge et de la Renaissance en achetant notamment lors de grandes ventes dont celle précitée de Spitzer ou encore de celles de Michel Boy ou d’Eugène Piot. Il publia en 1906, sous la direction de son gendre Jean-Joseph Marquet de Vasselot, le catalogue de sa collection où la pyxide figure (J.-J. Marquet de Vasselot, loc. cit., n°36) et fit preuve toute sa vie de générosité, prêtant de nombreux objets lors d’expositions. La plus importante fut l’Exposition universelle de 1900 à Paris où une section d’arts anciens retraçait l’histoire de l’art. Martin Le Roy y présenta la pyxide, l’un de ses chefs-d’œuvre. Il donna également en 1913 nombre d’objets au musée du Louvre ; ils y entrèrent suite à son décès en 1918.
En 1906, Jean-Joseph Marquet de Vasselot (1871-1946) épousa Jeanne (1883-1956), la fille de V. Martin Le Roy. Fils d’un industriel en produits chimiques, J.-J. Marquet de Vasselot fut historien de l’art, conservateur au musée du Louvre puis directeur du musée de Cluny et consacra sa vie aux musées nationaux et permit en tant que collectionneur et conseiller d’enrichir les collections des deux musées pour lesquels il travailla. La pyxide est restée depuis dans sa descendance et est présentée aux enchères pour la première fois depuis son achat en 1893.
Rare in its form, the pyxis from the Marquet de Vasselot collection is both an important witness to 13th-century Limoges art and part of three of the most interesting collections of medieval and Renaissance art of the 19th and 20th centuries.
A masterpiece from Limoges
The pyxis is a liturgical object used to contain the Eucharist, that is, the consecrated host, in particular to transport it to the sick. We also speak of a Eucharistic repository (M.-M. Gauthier, 1993, loc. cit., p. 98). Its shape is usually simple, normally square, rectangular or cylindrical, with a lid that is either flat or tapered, sometimes topped by a cross or a dove. Limoges developed in the 12th century a production of these objects, which were often enameled; this production, of varying quality, was greatly intensified in the 13th and 14th centuries. Our example stands out from this existing corpus through its pronounced three-dimensional quality. The object is no longer just a pyxis, it is primarily a statuette of the Virgin and Child; this seated Virgin is holding the precious box on her knees - and more precisely actually contains in her body the cavity that houses the body of Christ. The cult of the Virgin experienced a revival from the end of the 12th century in Limoges and remained almost unchanged during the following century. She is traditionally represented in Majesty, seated, with her Son on her left knee or seated frontally and is then called the Throne of Wisdom (Sedes Sapientiae). However, the Virgin’s static position, which characterizes the first years of the 13th century, will gradually change.
The production of our object is deceptively complex; the Virgin is made up of two hammered sheets of copper, which are worked in repoussé, engraved, assembled and gilded. The Child is made separately and attached by a visible rivet in the lower part of his belly. The crowns, pyxis lid and dove are also fabricated independently and then attached to the Virgin. The enameled decoration is simple and very localised as only the eyes and the cabochons of the crowns are in pearls or half-pearls of turquoise blue, dark blue and black enamel. The flared foot with a flattened knop in its centre is probably later and may come from a chalice (E. Rupin, 1890, loc. cit., pp. 217-219), but the flare of a few centimeters between the terrace and the feet of the Virgin and the central knop of the foot seem to be contemporary with the upper group, indicating that our pyxis may have originally rested on a central foot similar to the arrangement seen today.
This technique of repoussé construction can be seen on earlier objects, but often on a smaller scale (Virgin and Child, second third of the 13th century, Musée de Cluny, Paris, inv. CL940, M.-M. Gauthier, 1950, loc. cit., pp. 147-148, pl. 47), as it can be seen used by Merovingians, Byzantines, Carolingians, Ottonians and Mosan goldsmiths. Limoges follows in this tradition and certain applique figures, sometimes enameled and often gilded, could reach large dimensions. There are few works of art in the round like our pyxis. However, we can mention the Virgin and Child, Limoges, circa 1200, from the former collections of the Marquess de Castrillo and later of J. Pierpont Morgan, now in the Metropolitan Museum of Art in New York (inv. 17.190.125, see É. Taburet-Delahaye, loc. cit., pp. 190-192). The latter reflects the evolution of forms during the course of the century and perfectly introduces our pyxis, even if it is a Virgin-tabernacle. Another group that can be used to announce the Marquet de Vasselot pyxis, is the set of Grandmont apostles, which were produced around 1231 and are now dispersed across several museums (including the Louvre and the Petit Palais in Paris, the Metropolitan, the Hermitage and the Bargello); they illustrate the same technique perfectly and have strong similarities with our pyxis.
The Virgin’s drapery with its drawn folds is particularly arresting; it is still very marked by the 1200s and the beginning of the century, but here has deep furrows accentuated by vertical incisions (see Le Miracle de l'enfant d'Ambazac, c. 1250-1270, Musée Jacquemart-André, Chaalis, inv. 1020, É. Taburet-Delahaye, op. cit., pp. 228-229). Her oval face is soft, she is wearing a veil and a cloak lined with vair, which can be seen on its edges. Christ blesses with his right hand and holds the Book against his chest. Crowned like the Virgin, his hairstyle is typical of the second half of the 13th century, around the reign of Saint Louis.
Pyxes with a figure of the Virgin are therefore extremely rare and only one fragmentary example from the former Durand Collection (E. Rupin, op. cit., p. 219), can be linked to ours, as well as the one noted by M.-M. Gauthier in the Bargello Museum (M.-M. Gauthier, 1968, loc. cit., p. 71, note 1).
Spitzer, Martin Le Roy and Marquet de Vasselot, three outstanding collections
The pyxis is listed in the Spitzer sale as ‘265 – Virgin and Child. - Cast copper group, chased and gilded. French work. Limoges. 13th century’. Its function is not defined, but a picture allows us to identify it (La collection Spitzer (...), loc. cit., pl. XII). This important collection was assembled by Frederic Spitzer (1815-1890). A scholar, dealer and collector, he was one of the first to bring the Middle Ages back into fashion and to trade in medieval objects. Based at 33 rue de Villejust in Paris, he welcomed anyone who wished to visit his hôtel. Following the war of 1870, he sent his collection to London and to Vienna where certain items were bought by Richard Wallace and by Baron A. Von Rothschild. Following his death, his masterpieces were sold in a celebrated sale over several days in 1893.
It was during that sale that Victor Martin Le Roy (1842-1918) bought the pyxis. A magistrate, he was very involved in various Parisian societies, including the Conseil de l'Union centrale des Arts décoratifs and the Société des Amis du Louvre, for which he served as vice-president. His collection began with Romantic paintings, but he enriched it with objects from the Middle Ages and the Renaissance by buying at major sales such as the aforementioned Spitzer, Michel Boy and Eugène Piot sales. In 1906, under the direction of his son-in-law Jean-Joseph Marquet de Vasselot, he published a catalogue of his collection in which the pyxis appears (J.-J. Marquet de Vasselot, loc. cit., no. 36) and was generous throughout his life, lending numerous objects to exhibitions. The most important of these was the Universal Exhibition of 1900 in Paris, where a section of ancient art retraced the history of art. There, Martin Le Roy exhibited the pyxis, one of his masterpieces. In 1913, he also donated a number of objects to the Louvre Museum, which were added to the collection following his death in 1918.
In 1906, Jean-Joseph Marquet de Vasselot (1871-1946), married Jeanne (1883-1956), the daughter of V. Martin Le Roy. The son of a chemical industrialist, Marquet de Vasselot was an art historian, curator at the Louvre Museum and then director of the Cluny Museum. He devoted his life to these national museums and, as a collector and advisor, helped to enrich their collections. The pyxis has remained in his family since then and is being brought to auction for the first time since its purchase in 1893.
Un chef-d’œuvre limousin
La pyxide, également appelée custode, est un objet liturgique servant à contenir l’Eucharistie c’est-à-dire l’hostie consacrée, notamment pour la transporter auprès des malades. On parle également de répositoire eucharistique (M.-M. Gauthier, 1993, loc. cit., p. 98). Sa forme est habituellement simple, de plan carré, rectangulaire ou circulaire, avec un couvercle à pans ou tronconique surmonté parfois d’une croix ou d’une colombe. Limoges, qui développa dès le XIIe siècle une production de ces objets souvent émaillés, produisit surtout plus intensément aux XIIIe et XIVe siècles de nombreuses pyxides de qualités variées. Notre exemplaire se détache de ce corpus existant par son caractère sculptural. L’objet n’est plus seulement une pyxide, il est avant tout une statuette figurant la Vierge à l’Enfant, et cette Vierge assise retient sur ses genoux la précieuse boîte et plus précisément contient véritablement en Elle la cavité qui reçoit le corps de son Fils. Le culte de la Vierge connut un regain d’intérêt à partir de la fin du XIIe siècle à Limoges et ne varia presque pas durant le siècle qui suivit. Elle est traditionnellement représentée en Majesté, assise, son Fils sur son genou gauche ou assis de face et est alors appelée Trône de Sagesse (Sedes Sapientiae). Mais la position statique des premières années du XIIIe siècle va progressivement légèrement évoluer.
La technique de création est complexe puisque la Vierge est réalisée à l’aide de deux principales feuilles de cuivre martelées, travaillées au repoussé, gravées, assemblées puis dorées. L’Enfant est exécuté à part et fixé grâce à un rivet visible dans le bas de son ventre, tout comme les couronnes, le couvercle de la pyxide et la colombe également réalisés séparément puis fixés au groupe central. Le décor émaillé est simple et très localisé puisque seuls les yeux et les cabochons des couronnes sont en perles ou demi-perles d’émail bleu turquoise, bleu foncé et noir. La partie centrale du pied à partir du nœud méplat jusqu’à la base circulaire est probablement postérieure et peut-être issue d’un calice (E. Rupin, 1890, loc. cit., p. 217-219). L’évasement sur quelques centimètres entre la terrasse où repose la Vierge et avant le nœud du pied semble être né avec le groupe supérieur, indiquant qu’il devait peut-être initialement reposer sur un pied central proche de la composition actuelle.
Cette technique de construction en repoussé est visible sur des objets antérieurs mais à une échelle souvent moins importante (Vierge à l’Enfant d’applique, second tiers du XIIIe siècle, musée de Cluny, Paris, inv. CL940, M.-M. Gauthier, 1950, loc. cit, pp. 147-148, pl. 47). Mérovingiens, Byzantins, Carolingiens, Ottoniens et orfèvres mosans usèrent des mêmes techniques. Limoges s’inscrit dans cette tradition et certaines figures d’applique, parfois émaillées et souvent dorées, pouvaient atteindre de grandes dimensions. Les objets d’art en véritable ronde bosse comme notre pyxide sont particulièrement rares. Nous pouvons cependant citer la Vierge à l’Enfant de Limoges, vers 1200, provenant des anciennes collections du marquis de Castrillo puis de J. Pierpont Morgan aujourd’hui au Metropolitan Museum of Art de New York (inv. 17.190.125, voir É. Taburet-Delahaye, loc. cit., pp. 190-192). Cette dernière permet de rendre compte de l’évolution des formes tout au long du XIIIe siècle et introduit parfaitement notre pyxide, même s’il s’agit d’une Vierge-tabernacle. Autre groupe permettant d’annoncer la pyxide Marquet de Vasselot, la suite d’apôtres de Grandmont réalisée vers 1231 et dispersée dans plusieurs musées (dont le Louvre et le Petit Palais à Paris, le Metropolitan Museum à New York, l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, ou encore le Bargello à Florence) illustre parfaitement cette même technique et comporte de grandes similitudes avec la pyxide.
La Vierge attire le regard avec son drapé aux plis tirés, encore très marqués par les années 1200 et le début du siècle. On retrouve ce rendu tout au long du XIIIe siècle mais les drapés sont ici à profonds sillons accentués par des incisions verticales (voir Le Miracle de l’enfant d’Ambazac, vers 1250-1270, abbaye royale de Chaalis, inv. 1020, É. Taburet-Delahaye, op. cit., pp. 228-229). Son visage ovale est doux, elle revêt le maphorion et un manteau doublé de vair que l’on aperçoit sur les plis en retour. Le Christ bénit de la main droite et maintient le Livre contre sa poitrine. Couronné comme la Vierge, sa coiffure est caractéristique de la seconde moitié du XIIIe siècle, autour du règne de Saint Louis.
Les pyxides en ronde bosse avec figure de la Vierge sont donc extrêmement rares et seule celle de l’ancienne collection Durand (E. Rupin, op. cit., p. 219), cependant fragmentaire, s’ajoute à notre exemplaire avec celle annoncée par M.-M. Gauthier conservée au musée du Bargello (M.-M. Gauthier, 1968, loc. cit., p. 71, note 1).
Spitzer, Martin Le Roy et Marquet de Vasselot, trois collections insignes
La pyxide est annoncée dans la vente Spitzer “265 – La Vierge et l’Enfant Jésus. – Groupe de cuivre fondu, ciselé et doré. Travail français. Limoges. 13e siècle”. Sa fonction n’est pas définie mais une photo permet de l’identifier (La collection Spitzer (…), loc. cit., pl. XII). Cette collection majeure avait été constituée par Frédéric Spitzer (1815-1890). Érudit, marchand et collectionneur, il est un des premiers à remettre au goût du jour le Moyen Âge et à en faire le commerce. Installé 33 rue de Villejust à Paris, il y recevait qui le souhaitait pour visiter son hôtel. Suite à la guerre de 1870, il envoie une partie de sa collection à Londres et à Vienne où certains objets sont achetés par Richard Wallace ou encore le baron A. von Rothschild. Les chefs-d’œuvre qu’il a réunis sont dispersés lors d’une fabuleuse vente, en 1893, organisée sur plusieurs jours.
À cette occasion, Victor Martin Le Roy (1842-1918) achète la pyxide. Magistrat, il était très investi dans différentes sociétés parisiennes dont le Conseil de l’Union centrale des Arts décoratifs ou encore la Société des Amis du Louvre dans laquelle il occupait la fonction de vice-président. Sa collection débuta avec la peinture romantique mais il l’enrichit d’objets du Moyen Âge et de la Renaissance en achetant notamment lors de grandes ventes dont celle précitée de Spitzer ou encore de celles de Michel Boy ou d’Eugène Piot. Il publia en 1906, sous la direction de son gendre Jean-Joseph Marquet de Vasselot, le catalogue de sa collection où la pyxide figure (J.-J. Marquet de Vasselot, loc. cit., n°36) et fit preuve toute sa vie de générosité, prêtant de nombreux objets lors d’expositions. La plus importante fut l’Exposition universelle de 1900 à Paris où une section d’arts anciens retraçait l’histoire de l’art. Martin Le Roy y présenta la pyxide, l’un de ses chefs-d’œuvre. Il donna également en 1913 nombre d’objets au musée du Louvre ; ils y entrèrent suite à son décès en 1918.
En 1906, Jean-Joseph Marquet de Vasselot (1871-1946) épousa Jeanne (1883-1956), la fille de V. Martin Le Roy. Fils d’un industriel en produits chimiques, J.-J. Marquet de Vasselot fut historien de l’art, conservateur au musée du Louvre puis directeur du musée de Cluny et consacra sa vie aux musées nationaux et permit en tant que collectionneur et conseiller d’enrichir les collections des deux musées pour lesquels il travailla. La pyxide est restée depuis dans sa descendance et est présentée aux enchères pour la première fois depuis son achat en 1893.
Rare in its form, the pyxis from the Marquet de Vasselot collection is both an important witness to 13th-century Limoges art and part of three of the most interesting collections of medieval and Renaissance art of the 19th and 20th centuries.
A masterpiece from Limoges
The pyxis is a liturgical object used to contain the Eucharist, that is, the consecrated host, in particular to transport it to the sick. We also speak of a Eucharistic repository (M.-M. Gauthier, 1993, loc. cit., p. 98). Its shape is usually simple, normally square, rectangular or cylindrical, with a lid that is either flat or tapered, sometimes topped by a cross or a dove. Limoges developed in the 12th century a production of these objects, which were often enameled; this production, of varying quality, was greatly intensified in the 13th and 14th centuries. Our example stands out from this existing corpus through its pronounced three-dimensional quality. The object is no longer just a pyxis, it is primarily a statuette of the Virgin and Child; this seated Virgin is holding the precious box on her knees - and more precisely actually contains in her body the cavity that houses the body of Christ. The cult of the Virgin experienced a revival from the end of the 12th century in Limoges and remained almost unchanged during the following century. She is traditionally represented in Majesty, seated, with her Son on her left knee or seated frontally and is then called the Throne of Wisdom (Sedes Sapientiae). However, the Virgin’s static position, which characterizes the first years of the 13th century, will gradually change.
The production of our object is deceptively complex; the Virgin is made up of two hammered sheets of copper, which are worked in repoussé, engraved, assembled and gilded. The Child is made separately and attached by a visible rivet in the lower part of his belly. The crowns, pyxis lid and dove are also fabricated independently and then attached to the Virgin. The enameled decoration is simple and very localised as only the eyes and the cabochons of the crowns are in pearls or half-pearls of turquoise blue, dark blue and black enamel. The flared foot with a flattened knop in its centre is probably later and may come from a chalice (E. Rupin, 1890, loc. cit., pp. 217-219), but the flare of a few centimeters between the terrace and the feet of the Virgin and the central knop of the foot seem to be contemporary with the upper group, indicating that our pyxis may have originally rested on a central foot similar to the arrangement seen today.
This technique of repoussé construction can be seen on earlier objects, but often on a smaller scale (Virgin and Child, second third of the 13th century, Musée de Cluny, Paris, inv. CL940, M.-M. Gauthier, 1950, loc. cit., pp. 147-148, pl. 47), as it can be seen used by Merovingians, Byzantines, Carolingians, Ottonians and Mosan goldsmiths. Limoges follows in this tradition and certain applique figures, sometimes enameled and often gilded, could reach large dimensions. There are few works of art in the round like our pyxis. However, we can mention the Virgin and Child, Limoges, circa 1200, from the former collections of the Marquess de Castrillo and later of J. Pierpont Morgan, now in the Metropolitan Museum of Art in New York (inv. 17.190.125, see É. Taburet-Delahaye, loc. cit., pp. 190-192). The latter reflects the evolution of forms during the course of the century and perfectly introduces our pyxis, even if it is a Virgin-tabernacle. Another group that can be used to announce the Marquet de Vasselot pyxis, is the set of Grandmont apostles, which were produced around 1231 and are now dispersed across several museums (including the Louvre and the Petit Palais in Paris, the Metropolitan, the Hermitage and the Bargello); they illustrate the same technique perfectly and have strong similarities with our pyxis.
The Virgin’s drapery with its drawn folds is particularly arresting; it is still very marked by the 1200s and the beginning of the century, but here has deep furrows accentuated by vertical incisions (see Le Miracle de l'enfant d'Ambazac, c. 1250-1270, Musée Jacquemart-André, Chaalis, inv. 1020, É. Taburet-Delahaye, op. cit., pp. 228-229). Her oval face is soft, she is wearing a veil and a cloak lined with vair, which can be seen on its edges. Christ blesses with his right hand and holds the Book against his chest. Crowned like the Virgin, his hairstyle is typical of the second half of the 13th century, around the reign of Saint Louis.
Pyxes with a figure of the Virgin are therefore extremely rare and only one fragmentary example from the former Durand Collection (E. Rupin, op. cit., p. 219), can be linked to ours, as well as the one noted by M.-M. Gauthier in the Bargello Museum (M.-M. Gauthier, 1968, loc. cit., p. 71, note 1).
Spitzer, Martin Le Roy and Marquet de Vasselot, three outstanding collections
The pyxis is listed in the Spitzer sale as ‘265 – Virgin and Child. - Cast copper group, chased and gilded. French work. Limoges. 13th century’. Its function is not defined, but a picture allows us to identify it (La collection Spitzer (...), loc. cit., pl. XII). This important collection was assembled by Frederic Spitzer (1815-1890). A scholar, dealer and collector, he was one of the first to bring the Middle Ages back into fashion and to trade in medieval objects. Based at 33 rue de Villejust in Paris, he welcomed anyone who wished to visit his hôtel. Following the war of 1870, he sent his collection to London and to Vienna where certain items were bought by Richard Wallace and by Baron A. Von Rothschild. Following his death, his masterpieces were sold in a celebrated sale over several days in 1893.
It was during that sale that Victor Martin Le Roy (1842-1918) bought the pyxis. A magistrate, he was very involved in various Parisian societies, including the Conseil de l'Union centrale des Arts décoratifs and the Société des Amis du Louvre, for which he served as vice-president. His collection began with Romantic paintings, but he enriched it with objects from the Middle Ages and the Renaissance by buying at major sales such as the aforementioned Spitzer, Michel Boy and Eugène Piot sales. In 1906, under the direction of his son-in-law Jean-Joseph Marquet de Vasselot, he published a catalogue of his collection in which the pyxis appears (J.-J. Marquet de Vasselot, loc. cit., no. 36) and was generous throughout his life, lending numerous objects to exhibitions. The most important of these was the Universal Exhibition of 1900 in Paris, where a section of ancient art retraced the history of art. There, Martin Le Roy exhibited the pyxis, one of his masterpieces. In 1913, he also donated a number of objects to the Louvre Museum, which were added to the collection following his death in 1918.
In 1906, Jean-Joseph Marquet de Vasselot (1871-1946), married Jeanne (1883-1956), the daughter of V. Martin Le Roy. The son of a chemical industrialist, Marquet de Vasselot was an art historian, curator at the Louvre Museum and then director of the Cluny Museum. He devoted his life to these national museums and, as a collector and advisor, helped to enrich their collections. The pyxis has remained in his family since then and is being brought to auction for the first time since its purchase in 1893.