Lot Essay
Aucune autre période sinon le XVIIIe siècle ne s’est autant intéressé à l’âge de l’Enfance. Cessant d’être un laborieux passage entre la naissance et l’âge adulte, l’enfant, au XVIIIe siècle, regroupe toutes les théories et les espérances d’une époque. L’enfance décrite par Rousseau (1712-1778) dans l’Émile ou La Nouvelle Héloïse est un âge d’éveil à la sensibilité, à l’esthétique avant que l’adolescence ne le soit à l’amour, à la sensualité, comme chez Bernardin de Saint-Pierre (1737-1814).
S’articulent alors différents moments des jeunes années, auparavant opaques, avec de nouveaux codes de représentations. Les genres se précisent en cette période, les garçons et les filles renferment des ambitions différentes.
Sage et concentrée, notre jeune enfant répond aux exigences qui reposent alors sur les petites filles. Elle est appliquée à sa tâche et imperturbable, elle semble en oublier le peintre. L’enfance devient également pour les artistes l’excuse à la représentation de l’intime, de plus en plus dévoilé en cette période de changements des mœurs. Elle est un mystérieux moment pendant lequel des adultes en devenir possèdent déjà des attraits des grandes personnes : une robe à carreaux dont le tablier évoque un corsage, un de ces collier ras du cou de velours ou taffetas noir en vogue autour des années 1750, tout en conservant une merveilleuse part d’innocence. Sa coiffure également évoque l'enfance du siècle et rappelle la Fillette aux nattes, sculpture de l'artiste Jacques François Joseph Saly (1717-1776) ayant lancé une véritable vogue dans les chevelures de petites filles des années 1750.
Les portraits d’enfants apparaissent également en cette moitié du XVIIIe siècle comme des vanités incarnées d’une époque passée. Les enfants chez Chardin (1699-1779) contemplent bien attentivement les toupies qu’ils devront bientôt quitter, déjà revêtus d’habits à veste de soie, catogan tirés et poudrés, et notre jeune modèle dessine à la sanguine un casque de dragons à cimier évoquant de loin la violence du monde des adultes. Comme la fille d’Élisabeth Louise Vigée Le Brun (1755-1842), Julie (1780-1819), tendant son reflet naïf au miroir qui lui renverra bientôt une image de femme, la nièce présumée du peintre profite encore un peu de ce temps précieux.
L’émulation artistique entre les deux amis, Chardin et Aved (1702-1766), est extrêmement perceptible dans cette peinture. Aved possédait des Chardin dans sa collection, La nature morte au canard et à l’orange bigarade en forme un exemple (Paris, musée de la chasse et la nature) et Chardin aurait commencé à peindre des scènes de genre avec sa composition représentant une femme tirant de l’eau à une fontaine en cuivre (La Fontaine, Stockholm, Nationalmuseum) suite à une réflexion d’Aved taquinant sa préférence pour les natures mortes, plus faciles selon ce dernier à réaliser que des portraits. Et pourtant le talent d’Aved comme portraitiste sera par la suite éclipsé par l’art de son ami puisque de superbes peintures de sa main passaient jusque tard dans le XIXe siècle pour des Chardin. L’exemple le plus célèbre étant le Portrait de Madame Crozat (Montpellier, musée Fabre) par Aved, considéré comme un Chardin jusqu’en 1896 ! Les artistes s’apportaient tant l’un et l’autre que les frères Goncourt avaient émis l’hypothèse qu’Aved exécutait les portraits des scènes de genre de Chardin. L’hypothèse absolument fantasque aujourd’hui témoigne pourtant de l’influence mutuelle de ces deux peintres. Tandis qu’Aved piochait chez Chardin son ineffable recueillement calme et élégant, Chardin s’inspirait de la précision des expressions de ses figures.
S’articulent alors différents moments des jeunes années, auparavant opaques, avec de nouveaux codes de représentations. Les genres se précisent en cette période, les garçons et les filles renferment des ambitions différentes.
Sage et concentrée, notre jeune enfant répond aux exigences qui reposent alors sur les petites filles. Elle est appliquée à sa tâche et imperturbable, elle semble en oublier le peintre. L’enfance devient également pour les artistes l’excuse à la représentation de l’intime, de plus en plus dévoilé en cette période de changements des mœurs. Elle est un mystérieux moment pendant lequel des adultes en devenir possèdent déjà des attraits des grandes personnes : une robe à carreaux dont le tablier évoque un corsage, un de ces collier ras du cou de velours ou taffetas noir en vogue autour des années 1750, tout en conservant une merveilleuse part d’innocence. Sa coiffure également évoque l'enfance du siècle et rappelle la Fillette aux nattes, sculpture de l'artiste Jacques François Joseph Saly (1717-1776) ayant lancé une véritable vogue dans les chevelures de petites filles des années 1750.
Les portraits d’enfants apparaissent également en cette moitié du XVIIIe siècle comme des vanités incarnées d’une époque passée. Les enfants chez Chardin (1699-1779) contemplent bien attentivement les toupies qu’ils devront bientôt quitter, déjà revêtus d’habits à veste de soie, catogan tirés et poudrés, et notre jeune modèle dessine à la sanguine un casque de dragons à cimier évoquant de loin la violence du monde des adultes. Comme la fille d’Élisabeth Louise Vigée Le Brun (1755-1842), Julie (1780-1819), tendant son reflet naïf au miroir qui lui renverra bientôt une image de femme, la nièce présumée du peintre profite encore un peu de ce temps précieux.
L’émulation artistique entre les deux amis, Chardin et Aved (1702-1766), est extrêmement perceptible dans cette peinture. Aved possédait des Chardin dans sa collection, La nature morte au canard et à l’orange bigarade en forme un exemple (Paris, musée de la chasse et la nature) et Chardin aurait commencé à peindre des scènes de genre avec sa composition représentant une femme tirant de l’eau à une fontaine en cuivre (La Fontaine, Stockholm, Nationalmuseum) suite à une réflexion d’Aved taquinant sa préférence pour les natures mortes, plus faciles selon ce dernier à réaliser que des portraits. Et pourtant le talent d’Aved comme portraitiste sera par la suite éclipsé par l’art de son ami puisque de superbes peintures de sa main passaient jusque tard dans le XIXe siècle pour des Chardin. L’exemple le plus célèbre étant le Portrait de Madame Crozat (Montpellier, musée Fabre) par Aved, considéré comme un Chardin jusqu’en 1896 ! Les artistes s’apportaient tant l’un et l’autre que les frères Goncourt avaient émis l’hypothèse qu’Aved exécutait les portraits des scènes de genre de Chardin. L’hypothèse absolument fantasque aujourd’hui témoigne pourtant de l’influence mutuelle de ces deux peintres. Tandis qu’Aved piochait chez Chardin son ineffable recueillement calme et élégant, Chardin s’inspirait de la précision des expressions de ses figures.