Muhammad Ali, ‘Fist & Arm’, Chicago, 1977

« Après avoir visité une exposition de mes photographies à New York, deux agents de Mohamed Ali lui suggèrent de se faire tirer le portrait par mes soins. Je fus donc convoqué à Chicago pour rencontrer « The Greatest ». En 1977, par une belle journée de printemps, je sonne à la porte de la maison d’Ali, située à la lisière des quartiers noir et blanc. Un géant en turban jaune et djellaba blanche me fait entrer. Je passe devant une vingtaine d’hommes debout, assis par terre ou installés sur les escaliers, tous en attente d’une audience. On me fait entrer dans un grand salon tout en or et crème. Après une demi-heure, l’homme au turban me demande de le suivre au sous-sol. Je passe sous un grand portique chinois encadré d’un tigre debout sur ses pattes et d’un lion magnifique. Au-delà du portique, Ali est assis en costume de sport, courbé en deux. J’entends son grognement « C’est Ramadan, j’ai faim ». J’ouvre mon carton à dessins et je lui montre des portraits en noir et blanc. Ils ont été tirés par un procédé du XIXe siècle qui rappelle la technique du fusain. Ali se tourne vers moi et me dit « Voilà de beaux dessins ». Je me permets de lui expliquer que ce sont des photographies. Ali accepte de passer trois matinées consécutives avec moi pour être photographié. Deux semaines plus tard, je retourne à Chicago avec mes deux assistants. Ali arrive à l’heure et je lui explique comment les séances vont se passer. Alors qu’il existe des milliers de photos prises sur le ring, ce que je vais essayer d’évoquer c’est Ali dans son entité. Jamais il ne s’oppose à mes demandes. Il fallait être rapide, cependant, car sa capacité d’attention était très courte - en une minute il s’ennuyait et s’agitait. Le seul incident arrive lorsqu’il impose sa volonté à l’équipe qu’envoie la grande chaîne de télévision new-yorkaise NBC. Le producteur tente de gérer les choses à sa façon pour enregistrer la séance. Ali le prévient « Ici c’est le plateau de John, pas le vôtre, faites attention ou je vous mets tous à la porte ! ». Trois semaines plus tard je retourne à Chicago avec les tirages et il me dédicace la photographie que je préfère, celle de son avant-bras tendu avec son légendaire poing : To John Stewart, Muhammad Ali, May 13-77 Love Always. »


“Two franchisers of Muhammad Ali came to see me. They had seen a show of my work in New York and had suggested to Ali he should have me photograph him. I was summoned to Chicago to meet “The Greatest”. On a beautiful spring day in 1977, I ring the door at Ali’s mansion, situated at the edge of a mixed black and white neighborhood. A giant in white robe and yellow turban bids me to enter. I pass in front of a throng of men standing, sitting on the floor or on the stairway, waiting for an audience. After half an hour alone in a vast cream and gold room, lined with armchairs, I am shown the way downstairs. I pass through a tall Chinese portico flanked on one side by a stuffed lion and on the other by a tiger. In the exercise room beyond the portico, dressed in a blue sports outfit, Ali is sitting on a low stool, wiping his face with a towel. I didn’t have to introduce myself. Ali had been told. He didn’t even look up. I carried a large portfolio which I set down against a wall. “It’s Ramadan” Ali said, “I’m tired, and hungry”. I explained why I was there. “Show me”. I pulled out portraits, all of them in black and white, printed by means of a 19th century method where the photographs are often mistaken for charcoal drawings. “Those‘r great drawin’s”. I explained they were in fact photographs. We worked steadily for three days, mornings only in a film studio I had rented. Ali always arrived on time, accompanied by friends, handlers and helpers. He was a real trooper and lent himself to all the demands, tricks and manipulations that a photographer pulls out of his bag. You had to be fast, however, because his attention span was very short-a matter of a minute, after which he got bored and restless. The only instance Ali interfered was when the NBC Television crew from New York arrived to record the sitting, and the producer tried to impose her directives. Ali warned her “It’s John’s shoot, if you don’t behave yourself, you and your crew are out!” When a couple of weeks later I returned to Chicago with the prints, he inscribed the one I liked best, of his arm extended and his beautiful fist with its well-shaped nails: To John Stewart, Muhammad Ali, May 13-77 Love Always.”
John Stewart