Lot Essay
La peinture fit partie des œuvres particulièrement appréciées que conserva Lionel Fournier devers lui au moment de sa donation au musée Guimet (Béguin, 1990, p. 180-181, n° I).
Mahākāla, forme farouche du dieu hindou Śiva caractérisée entre autres par une complexion sombre, sera inclus par le bouddhisme ésotérique indo-tibétain dans le groupe de huit « gardiens de la religion » (dharmapāla). Ses formes nombreuses, plus de 74, témoignent de l’importance de son culte. Il figure ici pourvu de quatre bras et quatre têtes. G. Tucci publie une peinture d’une forme identique de Mahakala qu’il identifie comme Nag-po chen-po (Tucci, 1949, p. 589-590, n° 169, vol. III, pl. CCI). Le dieu possède quatre têtes et quatre bras. Il tient le couperet et la coupe crânienne et brandit, dans sa deuxième paire de mains, le glaive et le trident. Cette iconographie le rapproche d’une autre forme de Māhākala à quatre têtes et quatre bras identifiée par R. de Nebesky-Wojkowitz comme dPal-mgon zhal-bzhi-pa bsnyen-dus dang’-brel-ba (Nebesky-Wojkowitz, 1956, p. 60-61). La main supérieure gauche tient alors le rosaire et non, comme ici, le trident. Cette analogie explique peut-être pourquoi sur le thang-ka ici reproduit le dieu soit entouré par les quatre déesses qui accompagnent habituellement dPal-mgon zhal-bzhi-pa. Ces déesses sont nues et dansent, brandissant le couperet et la coupe crânienne. Ces quatre messagères ont pour nom générique Pho-nya-mo’i cha-lugs-can. Il est difficile d’identifier le cavalier, dans l’angle inférieur gauche, peut-être une forme de la déesse dPal-ldan lha-mo, la compagne de Mahākāla. Près du dieu, figurent deux représentations de Mahākāla-ascète (Śrī-Mahākāla) reconnaissable à sa flûte taillée dans un fémur humain, et caractérisé ici par un épiderme vert.
Les autres éléments participent des peintures d’offrandes (« multitudes d’ornements », rgyan-tshogs). On remarque ainsi un autel dressé sous une tente dans l’angle supérieur droit, abritant les principaux attributs du dieu. Des animaux noirs, rassemblés dans deux registres latéraux et dans la partie inférieure, viennent participer à un banquet macabre (Martin du Gard, 1985, p. 68-82). En bas de la composition, on reconnait les sept trésors du souverain universel (saptaratna), les huit signes auspicieux (aṣṭamangala) et plusieurs dispositifs rituels.
Selon une longue inscription au dos, étudiée en son temps par le Prof. Rolf Stein (1911-1999), la peinture proviendrait du monastère de Sa-skya au Tibet méridional et daterait du troisième tiers du XVIIe siècle. Le texte fait allusion au religieux Kun-dga’ bkra-shis qui devint abbé de Sa-skya en 1668.
L’œuvre peut être rapprochée d’une autre peinture de Nag-po chen-po, léguée par Jean Mansion au musée national des Arts asiatiques Guimet (inv. M A 6009. Béguin, 1994, cat. 18, pl VII), moins complexe iconographiquement et moins expressive mais d’une facture plus soignée.
Bibliographie :
Béguin, Gilles, Dieux et démons de l'Himâlaya, Réunion des musées nationaux, Paris, 1977, p. 174, 180, n° 195.
Béguin, Gilles, Art ésotérique de Himâlaya. Paris : Réunion des musées nationaux, 1990, Annexe : Loaned objects, p. 180, n° I.
Béguin, Gilles, Le Tibet de Jean Mansion. Paris : Edition Findakly, 1994, cat. 18, pl. VII.
Lauf, Detlef Ingo, Das Bilt als Symbol im Trantismus, Moos Verlag, Munchen, 1973, p. 61, ill. 64.
Martin du Gard, Irène, « Une peinture d’offrande à dPal-ldan dmag-zor rgual-ma », Arts Asiatiques, t. XI, 1985, p. 68-82.
Nebesky-Wojkowitz, René de, Oracles and Demons of Tibet. The Cult and Iconography of the Tibetan Protective Deities, Londres : Geoffrey Cumberlege – Oxford University Press- s’Gravenhage : Mouton and C°, 1956, pp. 60-61.
Pal, Pratapaditya, Tibetan Paintings, Ravi Kumar Basilius Presse, Basel, Sotheby's Publications, London, 1984, pl. LXXIX.
Tucci, Giuseppe, Tibetan Painted Scrolls, Rome : La Librera delle Stato, 1949 (3 vol.), Vol. 1, p. 589-590, vol. 3, pl. CCI.
Mahākāla, forme farouche du dieu hindou Śiva caractérisée entre autres par une complexion sombre, sera inclus par le bouddhisme ésotérique indo-tibétain dans le groupe de huit « gardiens de la religion » (dharmapāla). Ses formes nombreuses, plus de 74, témoignent de l’importance de son culte. Il figure ici pourvu de quatre bras et quatre têtes. G. Tucci publie une peinture d’une forme identique de Mahakala qu’il identifie comme Nag-po chen-po (Tucci, 1949, p. 589-590, n° 169, vol. III, pl. CCI). Le dieu possède quatre têtes et quatre bras. Il tient le couperet et la coupe crânienne et brandit, dans sa deuxième paire de mains, le glaive et le trident. Cette iconographie le rapproche d’une autre forme de Māhākala à quatre têtes et quatre bras identifiée par R. de Nebesky-Wojkowitz comme dPal-mgon zhal-bzhi-pa bsnyen-dus dang’-brel-ba (Nebesky-Wojkowitz, 1956, p. 60-61). La main supérieure gauche tient alors le rosaire et non, comme ici, le trident. Cette analogie explique peut-être pourquoi sur le thang-ka ici reproduit le dieu soit entouré par les quatre déesses qui accompagnent habituellement dPal-mgon zhal-bzhi-pa. Ces déesses sont nues et dansent, brandissant le couperet et la coupe crânienne. Ces quatre messagères ont pour nom générique Pho-nya-mo’i cha-lugs-can. Il est difficile d’identifier le cavalier, dans l’angle inférieur gauche, peut-être une forme de la déesse dPal-ldan lha-mo, la compagne de Mahākāla. Près du dieu, figurent deux représentations de Mahākāla-ascète (Śrī-Mahākāla) reconnaissable à sa flûte taillée dans un fémur humain, et caractérisé ici par un épiderme vert.
Les autres éléments participent des peintures d’offrandes (« multitudes d’ornements », rgyan-tshogs). On remarque ainsi un autel dressé sous une tente dans l’angle supérieur droit, abritant les principaux attributs du dieu. Des animaux noirs, rassemblés dans deux registres latéraux et dans la partie inférieure, viennent participer à un banquet macabre (Martin du Gard, 1985, p. 68-82). En bas de la composition, on reconnait les sept trésors du souverain universel (saptaratna), les huit signes auspicieux (aṣṭamangala) et plusieurs dispositifs rituels.
Selon une longue inscription au dos, étudiée en son temps par le Prof. Rolf Stein (1911-1999), la peinture proviendrait du monastère de Sa-skya au Tibet méridional et daterait du troisième tiers du XVIIe siècle. Le texte fait allusion au religieux Kun-dga’ bkra-shis qui devint abbé de Sa-skya en 1668.
L’œuvre peut être rapprochée d’une autre peinture de Nag-po chen-po, léguée par Jean Mansion au musée national des Arts asiatiques Guimet (inv. M A 6009. Béguin, 1994, cat. 18, pl VII), moins complexe iconographiquement et moins expressive mais d’une facture plus soignée.
Bibliographie :
Béguin, Gilles, Dieux et démons de l'Himâlaya, Réunion des musées nationaux, Paris, 1977, p. 174, 180, n° 195.
Béguin, Gilles, Art ésotérique de Himâlaya. Paris : Réunion des musées nationaux, 1990, Annexe : Loaned objects, p. 180, n° I.
Béguin, Gilles, Le Tibet de Jean Mansion. Paris : Edition Findakly, 1994, cat. 18, pl. VII.
Lauf, Detlef Ingo, Das Bilt als Symbol im Trantismus, Moos Verlag, Munchen, 1973, p. 61, ill. 64.
Martin du Gard, Irène, « Une peinture d’offrande à dPal-ldan dmag-zor rgual-ma », Arts Asiatiques, t. XI, 1985, p. 68-82.
Nebesky-Wojkowitz, René de, Oracles and Demons of Tibet. The Cult and Iconography of the Tibetan Protective Deities, Londres : Geoffrey Cumberlege – Oxford University Press- s’Gravenhage : Mouton and C°, 1956, pp. 60-61.
Pal, Pratapaditya, Tibetan Paintings, Ravi Kumar Basilius Presse, Basel, Sotheby's Publications, London, 1984, pl. LXXIX.
Tucci, Giuseppe, Tibetan Painted Scrolls, Rome : La Librera delle Stato, 1949 (3 vol.), Vol. 1, p. 589-590, vol. 3, pl. CCI.