Lot Essay
Les tabatières à oiseau chanteur apparaissent vers 1784-85 probablement crées par Pierre Jacquet-Droz. Ces merveilles techniques et esthétiques vont faire la réputation de cette firme et l’admiration de toute la clientèle européenne et étrangère qui se délectent de ces petits « jouets ».
Cette tabatière est ainsi l’œuvre de deux des plus grands ateliers suisses, Jacquet-Droz et Leschot pour le mouvement et Jean-George Rémond pour le travail de l’or et de l’émail, dont la collaboration va produire parmi les objets de luxe les plus convoités à l’époque.
L’INVENTEUR DE L’OISEAU CHANTEUR
L’entreprise Jacquet-Droz et Leschot,qui signe le mouvement de cette boîte est fondée par l’horloger genevois Pierre Jaquet Droz (1721-1790), rejoint par son fils, Henri-Louis Droz (1752-1791) et son fils adoptif Jean-Frédéric Leschot (1746-1824 (?)). La maison est renommée pour ses horloges à complications d’un nouveau type, unissant « une horloge ou une montre à la musique, au décor et à l'art » (voir Frédéric-Alexandre-Marie Jeanneret, Biographie Neuchâteloise, 1862). Leurs automates réalistes (« l’Ecrivain », « le Musicien » et « Le Dessinateur ») constituent un succès public et commercial indéniable qui autorise Pierre Jacquet-Droz à se consacrer à des montres et des horloges de haute technicité incorporant des oiseaux chanteurs, de la musique et des automates.
Bien que notre tabatière soit gravée « London », elle n’y a sans doute peut-être été que commercialisée. En effet, en 1775 Jacquet-Droz a ouvert une succursale à Londres, capitale commerciale et haut lieu de fabrication et consommation de biens de luxe mais aussi centre névralgique du commerce maritime mondial entre l’Europe, les Amériques, l’Inde et la Chine. Son association avec le célèbre horloger anglais James Cox, lui permet ainsi de devenir la première entreprise horlogère genevoise à commercer avec la Chine, rapidement imitée par ses concurrents. Suite au décès de Pierre et d'Henri-Louis, respectivement en 1790 et 1791, l'entreprise se poursuit sous la direction de Jean-Frédéric Leschot et le nom de l'entreprise est changé en Jaquet-Droz Leschot.
Chez Jaquet-Droz et Leschot, les complications mécaniques et la décoration priment sur la fonction première de la boîte, objet de prestige destiné au marché international. La miniaturisation croissante des mécanismes permet de concevoir un accompagnement musical pour des objets de taille de plus en plus réduite : les oiseaux chanteurs, déjà présents dans les horloges en forme de cage, gagnent ainsi les montres et les tabatières. Dans une lettre aux frères Jordan le 31 octobre 1794 Leschot illustre la grande diversité des objets qu’il est en mesure de produire dans son atelier de Genève :
« Je me suis chargé de tous les objets qui formaient le fond de notre attelier, qui à présent est le mien & où il se fait des ouvrages à mécaniques en tout genres dont la description serait trop longue ; je me borne au suivantes savoir.
1. Des pendules a boetes en Colomne de marbre Blanc ou Jaspès en couleur, ornement de Bronze dorés or moulu, en forme de Temple à cascade ou jet d’Eau artificielle, avec oiseau sifflant a la revolution d’heure
2. des montres de poche & des pendules a carillon
3. des Cages de Grandeur ordinaire avec oiseau sifflant comme dessus
4. des Cartels d’or à montre à horloge & oiseau sifflant à la révolution des heures
5. des pendules a commandeur & Jeu de flute
6. des pendules astronomiques
7. des flacons d’or a horloge, & oiseau
8. des Tabatières d’or de forme ronde, ovales, quarré long emoucé avec oiseau sifflant, ordinairement emaillés a medaillon peint avec petit & grand cache du bord a perles, quelques-unes avec le petit cadre du medaillon a Brillant
9. des montres en Bague figarò à horloge, garnies en Diamant ou en perles. Le Balancier – à coté du Cadran – garni de petites Rozes fait une vibration charmante. » (cité par Sandrine Girardier, L’entreprise Jaquet-Droz, Entre merveilles de spectacle, mécaniques luxueuses et machines utiles 1758-1811, 2020).
LE PLUS GRAND FABRICANT DE TABATIERES SUISSES
La boîte en or a quant à elle été exécutée par Jean-George Rémond (1752-1830) bijoutier et orfèvre, fondateur de la firme « Jean-Georges Rémond & Companie ». Jean-George est le fils d’un orfèvre protestant de Hanau, centre important de production de bijoux, d'horloges et de tabatières peintes en émail et terre d’accueil de nombre de familles françaises huguenotes de bijoutiers et d'horlogers. Comme nombre de ses compatriotes, le compagnon orfèvre Rémond se perfectionne dans les grandes villes européennes, entre Paris, Berlin et Londres et se retrouve rapidement associé aux meilleurs orfèvres et fabricants d’automates européens pour la fabrication de bijoux, horloges et automates musicaux.
Le 22 décembre 1783, Jean-Georges Rémond est officiellement admis comme orfèvre-joaillier après la remise d’une tabatière ovale en or avec émail peint. Il fonde alors une société « Georges Rémond & Cie » et dépose son premier poinçon d’identification. Selon les années, il marque ses œuvres avec différents poinçons : "GRC" sous la couronne à branches, "GRC" sous la couronne, "IGR & C". En 1792, les associés de Jean-Georges Rémond – Joseph Guidon, David Gide, Laurent Guisseling et Jean-Noël Lamy – commencent à travailler officieusement sous le nom de « Guidon Rémond Gide & Co » et marquent leurs œuvres avec un poinçon "GRG". La société est officiellement enregistrée le 1er janvier 1796. Au cours des années 1800-1801, la société « Rémond Gide & Co » fabrique nombre de tabatières extrêmement luxueuses avec des oiseaux chanteurs et des décors perlés, des œuvres en partie destinées au marché chinois qui apprécie particulièrement ce type de mécaniques à la fois précises, luxueuses et très divertissantes. Denis Blondet rejoint Joseph Guidon et David Gide et une nouvelle société est créée en janvier 1801. Elle prend le nom de « Rémond Lamy & Co » et utilise le poinçon "RL&C" porté sur notre tabatière. Ce poinçon nous permet de circonscrire sa date de fabrication aux années 1801-1805, puisqu’en 1806, Jean-Georges Rémond, Jean-Noël Lamy, Laurent Gisseling, Pierre Mercier et Daniel Burton créent une autre société, connue sous le nom de « Remond Lamy Mercier & Co ». Le poinçon de la société « Rémond, Lamy & Mercier & Co » "IGRC" dans un losange horizontal est officiellement enregistré à Genève conformément à un décret de Napoléon de 1806, et a été utilisé jusqu'en 1811.
Jean-Georges Rémond, artiste et fin commerçant a ainsi travaillé avec les plus grand artisans de son époque et intégré à ses tabatières des mouvements de Jacquet-Droz et de Leschot, des horloges de Piguet et Meylan, des émaux de Jean-Louis Richter et de Jean-Abraham Lissignol. Les œuvres de son atelier ont toujours suscité l’intérêt par leurs qualités et leur raffinement. Ses productions étaient considérées comme des œuvres de haute joaillerie. Ils ornent à juste titre les collections publiques et privées les plus importantes.
Cette tabatière est ainsi l’œuvre de deux des plus grands ateliers suisses, Jacquet-Droz et Leschot pour le mouvement et Jean-George Rémond pour le travail de l’or et de l’émail, dont la collaboration va produire parmi les objets de luxe les plus convoités à l’époque.
L’INVENTEUR DE L’OISEAU CHANTEUR
L’entreprise Jacquet-Droz et Leschot,qui signe le mouvement de cette boîte est fondée par l’horloger genevois Pierre Jaquet Droz (1721-1790), rejoint par son fils, Henri-Louis Droz (1752-1791) et son fils adoptif Jean-Frédéric Leschot (1746-1824 (?)). La maison est renommée pour ses horloges à complications d’un nouveau type, unissant « une horloge ou une montre à la musique, au décor et à l'art » (voir Frédéric-Alexandre-Marie Jeanneret, Biographie Neuchâteloise, 1862). Leurs automates réalistes (« l’Ecrivain », « le Musicien » et « Le Dessinateur ») constituent un succès public et commercial indéniable qui autorise Pierre Jacquet-Droz à se consacrer à des montres et des horloges de haute technicité incorporant des oiseaux chanteurs, de la musique et des automates.
Bien que notre tabatière soit gravée « London », elle n’y a sans doute peut-être été que commercialisée. En effet, en 1775 Jacquet-Droz a ouvert une succursale à Londres, capitale commerciale et haut lieu de fabrication et consommation de biens de luxe mais aussi centre névralgique du commerce maritime mondial entre l’Europe, les Amériques, l’Inde et la Chine. Son association avec le célèbre horloger anglais James Cox, lui permet ainsi de devenir la première entreprise horlogère genevoise à commercer avec la Chine, rapidement imitée par ses concurrents. Suite au décès de Pierre et d'Henri-Louis, respectivement en 1790 et 1791, l'entreprise se poursuit sous la direction de Jean-Frédéric Leschot et le nom de l'entreprise est changé en Jaquet-Droz Leschot.
Chez Jaquet-Droz et Leschot, les complications mécaniques et la décoration priment sur la fonction première de la boîte, objet de prestige destiné au marché international. La miniaturisation croissante des mécanismes permet de concevoir un accompagnement musical pour des objets de taille de plus en plus réduite : les oiseaux chanteurs, déjà présents dans les horloges en forme de cage, gagnent ainsi les montres et les tabatières. Dans une lettre aux frères Jordan le 31 octobre 1794 Leschot illustre la grande diversité des objets qu’il est en mesure de produire dans son atelier de Genève :
« Je me suis chargé de tous les objets qui formaient le fond de notre attelier, qui à présent est le mien & où il se fait des ouvrages à mécaniques en tout genres dont la description serait trop longue ; je me borne au suivantes savoir.
1. Des pendules a boetes en Colomne de marbre Blanc ou Jaspès en couleur, ornement de Bronze dorés or moulu, en forme de Temple à cascade ou jet d’Eau artificielle, avec oiseau sifflant a la revolution d’heure
2. des montres de poche & des pendules a carillon
3. des Cages de Grandeur ordinaire avec oiseau sifflant comme dessus
4. des Cartels d’or à montre à horloge & oiseau sifflant à la révolution des heures
5. des pendules a commandeur & Jeu de flute
6. des pendules astronomiques
7. des flacons d’or a horloge, & oiseau
8. des Tabatières d’or de forme ronde, ovales, quarré long emoucé avec oiseau sifflant, ordinairement emaillés a medaillon peint avec petit & grand cache du bord a perles, quelques-unes avec le petit cadre du medaillon a Brillant
9. des montres en Bague figarò à horloge, garnies en Diamant ou en perles. Le Balancier – à coté du Cadran – garni de petites Rozes fait une vibration charmante. » (cité par Sandrine Girardier, L’entreprise Jaquet-Droz, Entre merveilles de spectacle, mécaniques luxueuses et machines utiles 1758-1811, 2020).
LE PLUS GRAND FABRICANT DE TABATIERES SUISSES
La boîte en or a quant à elle été exécutée par Jean-George Rémond (1752-1830) bijoutier et orfèvre, fondateur de la firme « Jean-Georges Rémond & Companie ». Jean-George est le fils d’un orfèvre protestant de Hanau, centre important de production de bijoux, d'horloges et de tabatières peintes en émail et terre d’accueil de nombre de familles françaises huguenotes de bijoutiers et d'horlogers. Comme nombre de ses compatriotes, le compagnon orfèvre Rémond se perfectionne dans les grandes villes européennes, entre Paris, Berlin et Londres et se retrouve rapidement associé aux meilleurs orfèvres et fabricants d’automates européens pour la fabrication de bijoux, horloges et automates musicaux.
Le 22 décembre 1783, Jean-Georges Rémond est officiellement admis comme orfèvre-joaillier après la remise d’une tabatière ovale en or avec émail peint. Il fonde alors une société « Georges Rémond & Cie » et dépose son premier poinçon d’identification. Selon les années, il marque ses œuvres avec différents poinçons : "GRC" sous la couronne à branches, "GRC" sous la couronne, "IGR & C". En 1792, les associés de Jean-Georges Rémond – Joseph Guidon, David Gide, Laurent Guisseling et Jean-Noël Lamy – commencent à travailler officieusement sous le nom de « Guidon Rémond Gide & Co » et marquent leurs œuvres avec un poinçon "GRG". La société est officiellement enregistrée le 1er janvier 1796. Au cours des années 1800-1801, la société « Rémond Gide & Co » fabrique nombre de tabatières extrêmement luxueuses avec des oiseaux chanteurs et des décors perlés, des œuvres en partie destinées au marché chinois qui apprécie particulièrement ce type de mécaniques à la fois précises, luxueuses et très divertissantes. Denis Blondet rejoint Joseph Guidon et David Gide et une nouvelle société est créée en janvier 1801. Elle prend le nom de « Rémond Lamy & Co » et utilise le poinçon "RL&C" porté sur notre tabatière. Ce poinçon nous permet de circonscrire sa date de fabrication aux années 1801-1805, puisqu’en 1806, Jean-Georges Rémond, Jean-Noël Lamy, Laurent Gisseling, Pierre Mercier et Daniel Burton créent une autre société, connue sous le nom de « Remond Lamy Mercier & Co ». Le poinçon de la société « Rémond, Lamy & Mercier & Co » "IGRC" dans un losange horizontal est officiellement enregistré à Genève conformément à un décret de Napoléon de 1806, et a été utilisé jusqu'en 1811.
Jean-Georges Rémond, artiste et fin commerçant a ainsi travaillé avec les plus grand artisans de son époque et intégré à ses tabatières des mouvements de Jacquet-Droz et de Leschot, des horloges de Piguet et Meylan, des émaux de Jean-Louis Richter et de Jean-Abraham Lissignol. Les œuvres de son atelier ont toujours suscité l’intérêt par leurs qualités et leur raffinement. Ses productions étaient considérées comme des œuvres de haute joaillerie. Ils ornent à juste titre les collections publiques et privées les plus importantes.