Lot Essay
Chef-d’œuvre de l’art orientaliste, cette large aquarelle aux couleurs chatoyantes, représentant la Procession d’un mariage turc à Péra, quartier entourant l’ancienne ville côtière de Galata et faisant face à Constantinople, a été réalisée par l’artiste lorrain Antoine-Ignace Melling lors de son séjour en Orient.
Un artiste au service de l’Empire Ottoman
A Constantinople où il arrive dès 1784 pour y rester dix-huit ans, Melling fréquente les milieux artistiques, culturels et diplomatiques. Il y rencontre, semble-t-il, son compatriote, l’artiste Jean-Baptiste Hilair, l’ambassadeur de Russie à Constantinople, Yakov Boulgakov (1743-1809) pour qui il travailla très brièvement , le Comte Choiseul-Gouffier (1752-1817), ambassadeur de France dans l’empire ottoman de 1784 à 1817, ou encore le baron Frédéric de Hübsch, ministre du Danemark à Constantinople pour qui il conçoit un superbe jardin à Buyuk-Déré. C’est en visitant ces jardins que la sultane Hadidgé, sœur du sultan de l’empire ottoman Selim III (1761-1808), s’offre les services de Melling pour tout ce qui concerne, l’architecture, les jardins et la décoration de son palais (J. Perot, ‘Du dessin à la gravure : le voyage pittoresque de Constantinople et des rives du Bosphore ‘, in Du Bosphore à la Seine, Antoine-Ignace Melling, artiste voyageur, cat. exp, 2010, pp.18-19). La présente aquarelle fait ainsi discrètement échos à la sultane Hadidgé et surtout à son frère, dans une inscription apposée sur la fontaine à l’extrême gauche de la composition représentant l’emblème calligraphique de l’autorité du sultan Selim III : la tughra.
Le voyage pittoresque de Constantinople : un ambitieux projet éditorial
Cette ambitieuse aquarelle qui fourmille de détails a été gravée et publiée en 1809 dans le célèbre Voyage pittoresque de Constantinople et des rives du Bosphore (planche 19 ; fig. 1) lorsque Melling rentre à Paris. Cette publication lui offre une très grande visibilité lors de son arrivée en France et participe activement à son intégration rapide dans le milieu artistique parisien. Projet éditorial de grande envergure, l’ouvrage constitue une véritable enquête sur Constantinople au temps de Selim III mêlant paysages, monuments et scène de la vie locale. Melling conçoit toutes les illustrations à l’image de la présente aquarelle mais s’implique également activement dans la conception de l’ouvrage en supervisant de près la réalisation des estampes : ‘Pour les eaux fortes, je désire qu’on emploie les artistes de premier plan, car il y a une grande économie dans la suite d’une eau forte bien préparée, tant pour le fini, que pour le tems’ (archives privées, dossier Melling, voir J. Perot, op. cit., 2010, p. 40).
Du croquis à l’aquarelle
La présente aquarelle est décrite très précisément par Charles de Lacretelle dans le Voyage Pittoresque de Constantinople en ces termes : ‘Le cortège est ouvert par un homme qui porte un énorme bâton en forme pyramidale, qui traversent cinq planches de chacune desquelles descendent de longs fils de clinquants d’or qui figurent des gerbes de blé ; c’est un signe de l’abondance que l’on souhaite aux deux époux. Puis viennent deux hommes portant sur la tête de grands plateaux chargés de vases pleins de fleurs ; un bouffon avec son chapeau pointu danse et chante des airs en l’honneur de l’hymen ; il a en main un mouchoir qu'il secoue et un caducée dont il agite les grelots. Le personnage qui vient ensuite conduit le mouton que l’on offre en sacrifice à l’époux, et dont les morceaux doivent être distribués aux pauvres. Puis vient le trousseau de la mariée et le char fermé de la mariée même que l’on conduit à l’époux’ ( C. de Lacretelle, op. cit., 1809, sous la pl. 19).
Le paysage représenté à l’arrière-plan a fait l’objet d’un dessin préparatoire au graphite d’une grande précision architecturale et mis au carreau pour un futur report sur la présente aquarelle (fig. 2, coll. part.). Selon une inscription en haut à droite de la feuille, ce croquis a été réalisé depuis la fenêtre de l’artiste à Péra.
De cette série de grandes aquarelles représentant la vie quotidienne turque, plusieurs sont aujourd’hui connues, la plupart passées sur le marché de l’art. Citons la Vue du sérail à Constantinople (vente Sotheby’s, Paris, 29 octobre 2008, lot 6), Caïques devant la Place et les casernes de Top-Hané (vente Hôtel Drouot, Paris, 18 juin 2012, lot 158) puis une Vue du Bosphore prise à Kandilly (Vente Hôtel Drouot, Paris, 18 juin 2012, lot 159).
Une œuvre à la provenance prestigieuse
En tous points, cette large aquarelle, mesurant pas moins de quatre-vingt centimètres de large, est considérée comme l’une des œuvres orientalistes les plus représentatives de l’extrême fin du XVIIIe siècle. L’œuvre a appartenu à la collection du Baron Eugène et de la baronne Marie-Cécile Fould Springer qui résidaient au palais abbatial de Royaumont à Asnières-sur-Oise avant d’entrer directement dans la collection d’Auguste Boppe (1862-1921), ambassadeur de France à Constantinople. Il publia plusieurs ouvrages sur l’histoire de l’Empire ottoman dont Les Peintres du Bosphore au XVIIIe siècle publié en 1911 et qui fait encore aujourd’hui référence grâce à sa réédition enrichie d’illustrations parue en 1989. L’aquarelle est restée chez les descendants de ce diplomate depuis et réapparait sur le marché de l’art aujourd’hui après plus d’un siècle passé en collection particulière.
Fig. 1 D’après A.-I. Melling, Cérémonie d'une noce turque, eau-forte
Fig. 2 A.-I. Melling, Vue sur le Bosphore prise à Péra, graphite, plume et encre noire, Paris, coll. part.
Un artiste au service de l’Empire Ottoman
A Constantinople où il arrive dès 1784 pour y rester dix-huit ans, Melling fréquente les milieux artistiques, culturels et diplomatiques. Il y rencontre, semble-t-il, son compatriote, l’artiste Jean-Baptiste Hilair, l’ambassadeur de Russie à Constantinople, Yakov Boulgakov (1743-1809) pour qui il travailla très brièvement , le Comte Choiseul-Gouffier (1752-1817), ambassadeur de France dans l’empire ottoman de 1784 à 1817, ou encore le baron Frédéric de Hübsch, ministre du Danemark à Constantinople pour qui il conçoit un superbe jardin à Buyuk-Déré. C’est en visitant ces jardins que la sultane Hadidgé, sœur du sultan de l’empire ottoman Selim III (1761-1808), s’offre les services de Melling pour tout ce qui concerne, l’architecture, les jardins et la décoration de son palais (J. Perot, ‘Du dessin à la gravure : le voyage pittoresque de Constantinople et des rives du Bosphore ‘, in Du Bosphore à la Seine, Antoine-Ignace Melling, artiste voyageur, cat. exp, 2010, pp.18-19). La présente aquarelle fait ainsi discrètement échos à la sultane Hadidgé et surtout à son frère, dans une inscription apposée sur la fontaine à l’extrême gauche de la composition représentant l’emblème calligraphique de l’autorité du sultan Selim III : la tughra.
Le voyage pittoresque de Constantinople : un ambitieux projet éditorial
Cette ambitieuse aquarelle qui fourmille de détails a été gravée et publiée en 1809 dans le célèbre Voyage pittoresque de Constantinople et des rives du Bosphore (planche 19 ; fig. 1) lorsque Melling rentre à Paris. Cette publication lui offre une très grande visibilité lors de son arrivée en France et participe activement à son intégration rapide dans le milieu artistique parisien. Projet éditorial de grande envergure, l’ouvrage constitue une véritable enquête sur Constantinople au temps de Selim III mêlant paysages, monuments et scène de la vie locale. Melling conçoit toutes les illustrations à l’image de la présente aquarelle mais s’implique également activement dans la conception de l’ouvrage en supervisant de près la réalisation des estampes : ‘Pour les eaux fortes, je désire qu’on emploie les artistes de premier plan, car il y a une grande économie dans la suite d’une eau forte bien préparée, tant pour le fini, que pour le tems’ (archives privées, dossier Melling, voir J. Perot, op. cit., 2010, p. 40).
Du croquis à l’aquarelle
La présente aquarelle est décrite très précisément par Charles de Lacretelle dans le Voyage Pittoresque de Constantinople en ces termes : ‘Le cortège est ouvert par un homme qui porte un énorme bâton en forme pyramidale, qui traversent cinq planches de chacune desquelles descendent de longs fils de clinquants d’or qui figurent des gerbes de blé ; c’est un signe de l’abondance que l’on souhaite aux deux époux. Puis viennent deux hommes portant sur la tête de grands plateaux chargés de vases pleins de fleurs ; un bouffon avec son chapeau pointu danse et chante des airs en l’honneur de l’hymen ; il a en main un mouchoir qu'il secoue et un caducée dont il agite les grelots. Le personnage qui vient ensuite conduit le mouton que l’on offre en sacrifice à l’époux, et dont les morceaux doivent être distribués aux pauvres. Puis vient le trousseau de la mariée et le char fermé de la mariée même que l’on conduit à l’époux’ ( C. de Lacretelle, op. cit., 1809, sous la pl. 19).
Le paysage représenté à l’arrière-plan a fait l’objet d’un dessin préparatoire au graphite d’une grande précision architecturale et mis au carreau pour un futur report sur la présente aquarelle (fig. 2, coll. part.). Selon une inscription en haut à droite de la feuille, ce croquis a été réalisé depuis la fenêtre de l’artiste à Péra.
De cette série de grandes aquarelles représentant la vie quotidienne turque, plusieurs sont aujourd’hui connues, la plupart passées sur le marché de l’art. Citons la Vue du sérail à Constantinople (vente Sotheby’s, Paris, 29 octobre 2008, lot 6), Caïques devant la Place et les casernes de Top-Hané (vente Hôtel Drouot, Paris, 18 juin 2012, lot 158) puis une Vue du Bosphore prise à Kandilly (Vente Hôtel Drouot, Paris, 18 juin 2012, lot 159).
Une œuvre à la provenance prestigieuse
En tous points, cette large aquarelle, mesurant pas moins de quatre-vingt centimètres de large, est considérée comme l’une des œuvres orientalistes les plus représentatives de l’extrême fin du XVIIIe siècle. L’œuvre a appartenu à la collection du Baron Eugène et de la baronne Marie-Cécile Fould Springer qui résidaient au palais abbatial de Royaumont à Asnières-sur-Oise avant d’entrer directement dans la collection d’Auguste Boppe (1862-1921), ambassadeur de France à Constantinople. Il publia plusieurs ouvrages sur l’histoire de l’Empire ottoman dont Les Peintres du Bosphore au XVIIIe siècle publié en 1911 et qui fait encore aujourd’hui référence grâce à sa réédition enrichie d’illustrations parue en 1989. L’aquarelle est restée chez les descendants de ce diplomate depuis et réapparait sur le marché de l’art aujourd’hui après plus d’un siècle passé en collection particulière.
Fig. 1 D’après A.-I. Melling, Cérémonie d'une noce turque, eau-forte
Fig. 2 A.-I. Melling, Vue sur le Bosphore prise à Péra, graphite, plume et encre noire, Paris, coll. part.