Lot Essay
Quel mystérieux peintre fut Jean Baptiste Vanmour (1671-1737) ! Né dans une province encore rattachée aux Pays-Bas espagnols (Valenciennes) dans la seconde moitié du XVIIe siècle, on ne sait rien de son éducation artistique. On ne sait qui fût son premier maître, ni vers quel artiste il se tourna à Paris – où il s’est très certainement rendu –, pour se former au métier de peintre. On ne connaît pas davantage l’année exacte à laquelle il rejoint Constantinople, après avoir probablement embarqué depuis Marseille. Seule une missive publiée dans le Mercure de France annonçant son décès en 1737 dans l’actuelle Turquie, donne un vague cadre temporel à ses activités en Orient. De fait, ce sont surtout ses peintures qui offrent les plus précieux témoignages de ses plus de quarante années passées à la Sublime Porte.
Dans la dite missive on comprend qu’il fût amené en Orient par l’ambassadeur Charles de Ferriol (1652-1722), son principal mécène et protecteur aux débuts du peintre dans l’Empire ottoman. C’est pour lui qu’il réalisa sa première grande commande consistant en une centaine de peintures réalisées entre 1707 et 1708, amenées à être gravées pour diffuser en Occident les lointaines mœurs ottomanes. Premier témoin si aiguisé d’un Orient jusqu’alors fantasmé, l’artiste rappelait dans une lettre citée par Boppe qu’il était en tant que peintre "le seul dans ce pays" (voir Jean Baptiste Vanmour, Peintre de la Sublime Porte 1671-1737, [cat. exp.], Valenciennes, musée des beaux-arts, 2009, p. 35). Certes, à la différence de ses prédécesseurs aux siècles précédents comme Bellini (1430-1516), Coecke van Aelst (1502-1550) etc., Vanmour ne fit pas qu’un passage au Levant, mais s’y installa jusqu’à la fin de ses jours.
Ses peintures documentent des événements qui risquaient sans lui d’être relégués aux imaginaires. Une composition semblable à notre mariage turc se trouve dans le recueil de gravures de Ferriol (Recueil de cent estampes représentant les diverses nations du Levant (…), Paris, 1714, p. 25, pl. 100, "Un mariage turc"). Les usages y sont détaillés : la mariée dans un dais porté par quatre hommes est précédée de ses parents et est conduite jusqu’à la nouvelle demeure de son époux ; "heureux si elle se trouve belle et de bonne humeur ; car il ne l’a jamais vue" précise d’ailleurs l’ouvrage. Les piques dorées portées en tête de cortège symbolisent quant à elles la fertilité. On les retrouve dans une autre peinture de Vanmour conservée au Rijksmuseum (Amsterdam, no. inv. SK-A-2000) et provenant de la collection d’un autre mécène du peintre, l’ambassadeur hollandais Cornelis Calkoen (1696-1764).
A la différence d’autres scènes en extérieur de Vanmour, l’artiste n’a pas refermé dans Le mariage turc la perspective par des étendues d’eau illustrant le Bosphore mais a pris dans cette composition le soin d’offrir une trouée sur la ville. On distingue une évocation de la Mosquée bleue depuis ce qui pourrait être Pera (actuel district Beyoğlu), séparée de la vieille ville par l’estuaire de la Corne d’or.
L'autre mariage, probablement arménien, dévoile les mœurs d’une des principales communautés occupant Constantinople au XVIIIe siècle. On distingue vers le centre la jeune mariée parée d’habits jaunes et blancs si contraignants qu’ils l’empêchent de se diriger sans aide jusqu’à l’église. Les mêmes figures dansantes au-devant de la procession se retrouvent dans une toile du Rijksmuseum (Amsterdam, no. inv. SK-A-2001) permettant l’identification du sujet.
Vanmour eut une influence conséquente sur les siècles à venir. Ses peintures voyagèrent dans les principales capitales européennes inspirant une fascination orientale à des peintres avides de cet imaginaire sans avoir fait le déplacement. Le sultan au harem de Jean-Baptiste Pater (1695-1736) (collection privée) avec son groupe de personnages en frise au premier plan ou les "turqueries" de Carle van Loo (1705-1765) comme Madame de Pompadour en sultane (Paris, musée des Arts décoratifs, no. inv. 26544) rappellent des décennies plus tard l'univers et les compositions de Vanmour.
Au fil des siècles, que ce soient les Orientales de Boucher (1703-1770) ou Le bain turc d'Ingres (1780-1867), tous les artistes rêvant d'Orient gardaient en tête les observations de ce mystérieux aventurier au pinceau.
Dans la dite missive on comprend qu’il fût amené en Orient par l’ambassadeur Charles de Ferriol (1652-1722), son principal mécène et protecteur aux débuts du peintre dans l’Empire ottoman. C’est pour lui qu’il réalisa sa première grande commande consistant en une centaine de peintures réalisées entre 1707 et 1708, amenées à être gravées pour diffuser en Occident les lointaines mœurs ottomanes. Premier témoin si aiguisé d’un Orient jusqu’alors fantasmé, l’artiste rappelait dans une lettre citée par Boppe qu’il était en tant que peintre "le seul dans ce pays" (voir Jean Baptiste Vanmour, Peintre de la Sublime Porte 1671-1737, [cat. exp.], Valenciennes, musée des beaux-arts, 2009, p. 35). Certes, à la différence de ses prédécesseurs aux siècles précédents comme Bellini (1430-1516), Coecke van Aelst (1502-1550) etc., Vanmour ne fit pas qu’un passage au Levant, mais s’y installa jusqu’à la fin de ses jours.
Ses peintures documentent des événements qui risquaient sans lui d’être relégués aux imaginaires. Une composition semblable à notre mariage turc se trouve dans le recueil de gravures de Ferriol (Recueil de cent estampes représentant les diverses nations du Levant (…), Paris, 1714, p. 25, pl. 100, "Un mariage turc"). Les usages y sont détaillés : la mariée dans un dais porté par quatre hommes est précédée de ses parents et est conduite jusqu’à la nouvelle demeure de son époux ; "heureux si elle se trouve belle et de bonne humeur ; car il ne l’a jamais vue" précise d’ailleurs l’ouvrage. Les piques dorées portées en tête de cortège symbolisent quant à elles la fertilité. On les retrouve dans une autre peinture de Vanmour conservée au Rijksmuseum (Amsterdam, no. inv. SK-A-2000) et provenant de la collection d’un autre mécène du peintre, l’ambassadeur hollandais Cornelis Calkoen (1696-1764).
A la différence d’autres scènes en extérieur de Vanmour, l’artiste n’a pas refermé dans Le mariage turc la perspective par des étendues d’eau illustrant le Bosphore mais a pris dans cette composition le soin d’offrir une trouée sur la ville. On distingue une évocation de la Mosquée bleue depuis ce qui pourrait être Pera (actuel district Beyoğlu), séparée de la vieille ville par l’estuaire de la Corne d’or.
L'autre mariage, probablement arménien, dévoile les mœurs d’une des principales communautés occupant Constantinople au XVIIIe siècle. On distingue vers le centre la jeune mariée parée d’habits jaunes et blancs si contraignants qu’ils l’empêchent de se diriger sans aide jusqu’à l’église. Les mêmes figures dansantes au-devant de la procession se retrouvent dans une toile du Rijksmuseum (Amsterdam, no. inv. SK-A-2001) permettant l’identification du sujet.
Vanmour eut une influence conséquente sur les siècles à venir. Ses peintures voyagèrent dans les principales capitales européennes inspirant une fascination orientale à des peintres avides de cet imaginaire sans avoir fait le déplacement. Le sultan au harem de Jean-Baptiste Pater (1695-1736) (collection privée) avec son groupe de personnages en frise au premier plan ou les "turqueries" de Carle van Loo (1705-1765) comme Madame de Pompadour en sultane (Paris, musée des Arts décoratifs, no. inv. 26544) rappellent des décennies plus tard l'univers et les compositions de Vanmour.
Au fil des siècles, que ce soient les Orientales de Boucher (1703-1770) ou Le bain turc d'Ingres (1780-1867), tous les artistes rêvant d'Orient gardaient en tête les observations de ce mystérieux aventurier au pinceau.