Lot Essay
Des fragments de couleur dansent sur une toile de trois mètres de large signée Günther Förg. Ils sont lumineux, chaotiques et libres : cette œuvre constitue le final éblouissant d’une vie consacrée à la peinture. Elle appartient à la série des « spot paintings». Peintes entre 2007 et 2009, ces créations rejettent les structures géométriques de la pratique antérieure de Förg et sont comme des célébrations désinhibées de la couleur. Cette œuvre est un exemple conçu à grande échelle, dont la palette couvre tout le spectre chromatique.
Förg s’est fait connaître en Allemagne dans les années 1980. À l’époque, le monde occidental avait déclaré la peinture comme étant morte. L’artiste et ses contemporains ont décidé de sauver cette pratique artistique. Martin Kippenberger et Albert Oehlen, amis de Förg, ont réalisé des œuvres sauvages et subversives, proposant des styles et des idées contradictoires. Förg a quant à lui adopté une approche plus modérée. Il s’attaqua à la vision prétentieuse de la peinture établie au cours des dernières décennies. L’expressionnisme abstrait était le chantre de la passion et de l’émotion. Le minimalisme, quant à lui, proposait un retour à la pureté élémentaire. Förg interrogea les deux courants.
Ses premières créations évoquent le travail d’artistes tels que Mark Rothko, Barnett Newman, Ellsworth Kelly et Frank Stella. Elles présentent elles aussi des géométries audacieuses et de vastes aplats de couleurs. Pourtant, Förg propose une vision légèrement différente de ses condisciples. Selon lui, la peinture ne devrait pas discourir sur l’art, ni mettre en avant un concept : elle devrait simplement être autorisée à exister. S’inspirant de son intérêt pour la sculpture, Förg a peint sur des matériaux industriels tels que le plomb, le bois et le cuivre, interagissant avec les pigments de façon imprévisible. Soudain, le plaisir de peindre devient un sujet à part entière.
Les points de couleurs ponctuels incarnent parfaitement cette idée. Ici, la peinture obéit à peu de lois. Mais les fantômes de l’histoire de l’art persistent dans ses œuvres : on y retrouve des références aux découvertes de l’impressionnisme, au pointillisme et à l’Op Art, aux « Farbtafeln » (nuanciers) de Gerhard Richter et aux « Fingermalerei » (peintures au doigt) de Georg Baselitz. Mais ces tableaux de Förg apparaissent comme libérés des idéaux du passé. « La peinture devrait être sexy », a déclaré l’artiste. « Elle doit être sensuelle. Ce sont des choses qui échapperont toujours au concept ». [1]
[1] G. Förg, cité dans D. Ryan, Talking Painting: Interview with Günther Förg, Karlsruhe, 1997.
Fragments of colour dance across Günther Förg’s three-meters-wide canvas. They are bright, chaotic and free: a dazzling finale to a life lived in paint. The work belongs to the artist’s landmark series of “spot paintings”. Created between 2007 and 2009, these works rejected the geometric structures of Förg’s earlier practice. Instead, they were uninhibited celebrations of colour. This work is an impressive large-scale example, whose palette spans the full chromatic spectrum.
Förg came to prominence in Germany during the 1980s. The Western world, at that time, had declared painting dead. Förg and his contemporaries sought to rescue it. His friends Martin Kippenberger and Albert Oehlen made wild, subversive paintings, full of clashing styles and ideas. Förg took a more measured approach. His work addressed some of the lofty claims made by painting over the decades. Abstract Expressionism had championed passion and emotion. Minimalism, meanwhile, proposed a return to elemental purity. Förg interrogated both.
The artist’s early paintings referenced the work of artists such as Mark Rothko, Barnett Newman, Ellsworth Kelly and Frank Stella. They featured bold geometries and vast colour fields. There were, however, some important differences. Förg believed that painting should not have to make a point about art. It should not have to put forward a concept. Instead, it should simply be allowed to exist. Drawing on his interests in sculpture, Förg painted on industrial materials such as lead, wood and copper. They interacted with pigment in new and unpredictable ways. Suddenly, the physical pleasure of paint became a subject in its own right.
The « spot paintings » are the final expression of this idea. In them, paint obeys few laws. The ghosts of art history linger: from the discoveries of Impressionism, Pointillism and Op Art, to the “Farbtafeln” (Colour Charts) of Gerhard Richter and the “Fingermalerei” (Finger Paintings) of Georg Baselitz. Ultimately, however, they are freed from the ideals of the past. “Painting should be sexy,” said Förg. “It should be sensual. These are things that will always escape the concept.” [1]
[1] G. Förg, quoted in D. Ryan, Talking Painting: Interview with Günther Förg, Karlsruhe, 1997.
Förg s’est fait connaître en Allemagne dans les années 1980. À l’époque, le monde occidental avait déclaré la peinture comme étant morte. L’artiste et ses contemporains ont décidé de sauver cette pratique artistique. Martin Kippenberger et Albert Oehlen, amis de Förg, ont réalisé des œuvres sauvages et subversives, proposant des styles et des idées contradictoires. Förg a quant à lui adopté une approche plus modérée. Il s’attaqua à la vision prétentieuse de la peinture établie au cours des dernières décennies. L’expressionnisme abstrait était le chantre de la passion et de l’émotion. Le minimalisme, quant à lui, proposait un retour à la pureté élémentaire. Förg interrogea les deux courants.
Ses premières créations évoquent le travail d’artistes tels que Mark Rothko, Barnett Newman, Ellsworth Kelly et Frank Stella. Elles présentent elles aussi des géométries audacieuses et de vastes aplats de couleurs. Pourtant, Förg propose une vision légèrement différente de ses condisciples. Selon lui, la peinture ne devrait pas discourir sur l’art, ni mettre en avant un concept : elle devrait simplement être autorisée à exister. S’inspirant de son intérêt pour la sculpture, Förg a peint sur des matériaux industriels tels que le plomb, le bois et le cuivre, interagissant avec les pigments de façon imprévisible. Soudain, le plaisir de peindre devient un sujet à part entière.
Les points de couleurs ponctuels incarnent parfaitement cette idée. Ici, la peinture obéit à peu de lois. Mais les fantômes de l’histoire de l’art persistent dans ses œuvres : on y retrouve des références aux découvertes de l’impressionnisme, au pointillisme et à l’Op Art, aux « Farbtafeln » (nuanciers) de Gerhard Richter et aux « Fingermalerei » (peintures au doigt) de Georg Baselitz. Mais ces tableaux de Förg apparaissent comme libérés des idéaux du passé. « La peinture devrait être sexy », a déclaré l’artiste. « Elle doit être sensuelle. Ce sont des choses qui échapperont toujours au concept ». [1]
[1] G. Förg, cité dans D. Ryan, Talking Painting: Interview with Günther Förg, Karlsruhe, 1997.
Fragments of colour dance across Günther Förg’s three-meters-wide canvas. They are bright, chaotic and free: a dazzling finale to a life lived in paint. The work belongs to the artist’s landmark series of “spot paintings”. Created between 2007 and 2009, these works rejected the geometric structures of Förg’s earlier practice. Instead, they were uninhibited celebrations of colour. This work is an impressive large-scale example, whose palette spans the full chromatic spectrum.
Förg came to prominence in Germany during the 1980s. The Western world, at that time, had declared painting dead. Förg and his contemporaries sought to rescue it. His friends Martin Kippenberger and Albert Oehlen made wild, subversive paintings, full of clashing styles and ideas. Förg took a more measured approach. His work addressed some of the lofty claims made by painting over the decades. Abstract Expressionism had championed passion and emotion. Minimalism, meanwhile, proposed a return to elemental purity. Förg interrogated both.
The artist’s early paintings referenced the work of artists such as Mark Rothko, Barnett Newman, Ellsworth Kelly and Frank Stella. They featured bold geometries and vast colour fields. There were, however, some important differences. Förg believed that painting should not have to make a point about art. It should not have to put forward a concept. Instead, it should simply be allowed to exist. Drawing on his interests in sculpture, Förg painted on industrial materials such as lead, wood and copper. They interacted with pigment in new and unpredictable ways. Suddenly, the physical pleasure of paint became a subject in its own right.
The « spot paintings » are the final expression of this idea. In them, paint obeys few laws. The ghosts of art history linger: from the discoveries of Impressionism, Pointillism and Op Art, to the “Farbtafeln” (Colour Charts) of Gerhard Richter and the “Fingermalerei” (Finger Paintings) of Georg Baselitz. Ultimately, however, they are freed from the ideals of the past. “Painting should be sexy,” said Förg. “It should be sensual. These are things that will always escape the concept.” [1]
[1] G. Förg, quoted in D. Ryan, Talking Painting: Interview with Günther Förg, Karlsruhe, 1997.