Lot Essay
“Le monde du peintre Brauner est le monde de la cruauté et de l'innocence, celui des enfants et des Aztèques - rien d'autre qu'une plasticité douée. L'empreinte surréaliste est un peu de Klee, un peu de Chirico et d'autres, tous de passage, c'est une liberté plus profonde, de l'humour et dans son ensemble, il crée ce que nous appelons de la magie » (J. Bussy, ‘Victor Brauner au Musée d'art moderne,' in Esprit, Nouvelle série, octobre 1972, p. 487-88).
Si Victor Brauner rompt avec André Breton en 1949, après avoir participé pendant quinze ans à l’activité du mouvement surréaliste, il reste fidèle jusqu’à sa mort à ses visions dans lesquelles surgissent des signes magiques, caractéristiques de son œuvre à visée poétique. Autrement dit, Victor Brauner est gouverné par les mêmes préoccupations et la même conception picturale qui l’a guidé durant toute sa vie à savoir, une permanence du regard, la création d’un panthéon mythologique sacré et moderne grâce à l’hybridation des formes, l’expérimentation continuelle des techniques et la prédominance du symbolisme, qui est mouvant et ne requiert pas de glossaire, sur le réalisme. Ces repères fondamentaux, accompagnés du perpétuel intérêt de Brauner pour les arts premiers riches de formes, de couleurs et de spiritualité se retrouvent combinés dans l’Émotion immobile peint en mars 1956. Présentée de profil, comme c’est souvent le cas dans la production talismanique et imaginaire de Brauner, l’Émotion immobile est assise, ses jambes semblant être restées coincées au niveau de son estomac représenté par une bande rouge, sorte de prison d’où se dégagent des yeux écarquillés. Immobilisée par son émotion, la figure lève les bras et signifie sa présence par des signes de mains, l’une ouverte et l’autre fermée. Sa tête est contournée d’un serpent. A la fois mâle et femelle, symbole de la Terre, maître de la fécondité et archétype de l’âme humaine, le serpent est universellement repris dans les traditions diverses. Il est notamment adopté par la médecine, l’art et la poésie, et demeure l’un des animaux fétiches du panthéon personnel et du lexique visuel unique de Victor Brauner, qui se définit depuis la parution de la revue 75 H.P., un manifeste dada de 1924, comme un picto-poète.
Assis de profil, dans une positon semblable à celle d’un jouet, l’Émotion immobile présente quelques traits enfantins. Des visions pédagogiques et récréatives semblent s’être emparées de Brauner. Ayant précédemment peint des cycles dédiés à la maternité, notamment la série Là-bas en 1949 et Mythologie et La Fête des Mères en 1965, Brauner explore également les sujets liés à l’enfance. L’ imaginaire et la conception du peintre roumain s’y prêtent particulièrement. La composition géométrique de l’Émotion immobile s’apparente aisément aux jouets démontables et transformables conçues pour enfants. Joaquín Torres García, avec qui Victor Brauner se lie d’amitié à son arrivée à Paris en 1930, en réalisent une série en bois peint dans les années 1920. Le principe est similaire, c’est-à-dire que la juxtaposition des formes et la combinaisons des couleurs mènent à la construction de figures insolites et atypiques. Comme des enfants, Victor Brauner et Joaquín Torres García font varier les identités et les situations, jouent et créent afin de faire naître des bonhommes et des créatures colorés.
‘The world of the painter Brauner is the world of cruelty and innocence, that of children and Aztecs - nothing other than gifted plasticity. The surrealist imprint is a bit of Klee, a bit of Chirico and others, all passing through, it is a deeper freedom, humour and as a whole it creates what we call magic’ (J. Bussy, “Victor Brauner au Musée d'art moderne,” in Esprit, Nouvelle série, October 1972, p. 487-88).
Although Victor Brauner broke with André Breton in 1949, after fifteen years as a member of the Surrealist movement, he remained faithful to his visions, in which magical signs, characteristic of his poetic work, appeared until his death. In other words, Victor Brauner was governed by the same preoccupations and the same pictorial conception that guided him throughout his life, namely, a permanent gaze, the creation of a sacred and modern mythological pantheon through the hybridisation of forms, continual experimentation with techniques and the predominance of symbolism, which is fluid and does not require a glossary, over realism. These fundamental points of reference, together with Brauner's abiding interest in the primitive arts, rich in form, colour and spirituality, are combined in L'Émotion immobile, painted in March 1956. Presented in profile, as is often the case in Brauner's talismanic and imaginary work, L'Émotion immobile is seated, its legs seemingly trapped at the level of its stomach represented by a red band, a sort of prison from which wide-open eyes emerge. Immobilised by its emotion, the figure raises its arms and signifies its presence with hand signals, one open and the other closed. Its head is encircled by a snake. Both male and female, symbol of the Earth, master of fertility and archetype of the human soul, the snake is universally used in various traditions. In particular, it has been adopted by medicine, art and poetry, and remains one of the fetish animals in the personal pantheon and unique visual lexicon of Victor Brauner, who since the publication of 75 H.P., a Dada manifesto from 1924, has defined himself as a picto-poet.
Seated in profile, in a position similar to that of a toy, L'Émotion immobile displays a number of childlike features. Educational and recreational visions seem to have taken hold of Brauner. Having previously painted cycles dedicated to maternity, notably the series Là-bas in 1949 and Mythologie et La Fête des Mères in 1965, Brauner also explored subjects linked to childhood. The Romanian painter's imagination and concept are particularly well suited to this. The geometric composition of L'Émotion immobile easily resembles the dismantlable and transformable toys designed for children. Joaquín Torres García, with whom Victor Brauner became friends on his arrival in Paris in 1930, produced a series of painted wooden toys in the 1920s. The principle is similar, in that the juxtaposition of shapes and the combination of colours lead to the construction of unusual and atypical figures. Like children, Victor Brauner and Joaquín Torres García varied identities and situations, playing and creating to give birth to colourful figures and creatures.
Si Victor Brauner rompt avec André Breton en 1949, après avoir participé pendant quinze ans à l’activité du mouvement surréaliste, il reste fidèle jusqu’à sa mort à ses visions dans lesquelles surgissent des signes magiques, caractéristiques de son œuvre à visée poétique. Autrement dit, Victor Brauner est gouverné par les mêmes préoccupations et la même conception picturale qui l’a guidé durant toute sa vie à savoir, une permanence du regard, la création d’un panthéon mythologique sacré et moderne grâce à l’hybridation des formes, l’expérimentation continuelle des techniques et la prédominance du symbolisme, qui est mouvant et ne requiert pas de glossaire, sur le réalisme. Ces repères fondamentaux, accompagnés du perpétuel intérêt de Brauner pour les arts premiers riches de formes, de couleurs et de spiritualité se retrouvent combinés dans l’Émotion immobile peint en mars 1956. Présentée de profil, comme c’est souvent le cas dans la production talismanique et imaginaire de Brauner, l’Émotion immobile est assise, ses jambes semblant être restées coincées au niveau de son estomac représenté par une bande rouge, sorte de prison d’où se dégagent des yeux écarquillés. Immobilisée par son émotion, la figure lève les bras et signifie sa présence par des signes de mains, l’une ouverte et l’autre fermée. Sa tête est contournée d’un serpent. A la fois mâle et femelle, symbole de la Terre, maître de la fécondité et archétype de l’âme humaine, le serpent est universellement repris dans les traditions diverses. Il est notamment adopté par la médecine, l’art et la poésie, et demeure l’un des animaux fétiches du panthéon personnel et du lexique visuel unique de Victor Brauner, qui se définit depuis la parution de la revue 75 H.P., un manifeste dada de 1924, comme un picto-poète.
Assis de profil, dans une positon semblable à celle d’un jouet, l’Émotion immobile présente quelques traits enfantins. Des visions pédagogiques et récréatives semblent s’être emparées de Brauner. Ayant précédemment peint des cycles dédiés à la maternité, notamment la série Là-bas en 1949 et Mythologie et La Fête des Mères en 1965, Brauner explore également les sujets liés à l’enfance. L’ imaginaire et la conception du peintre roumain s’y prêtent particulièrement. La composition géométrique de l’Émotion immobile s’apparente aisément aux jouets démontables et transformables conçues pour enfants. Joaquín Torres García, avec qui Victor Brauner se lie d’amitié à son arrivée à Paris en 1930, en réalisent une série en bois peint dans les années 1920. Le principe est similaire, c’est-à-dire que la juxtaposition des formes et la combinaisons des couleurs mènent à la construction de figures insolites et atypiques. Comme des enfants, Victor Brauner et Joaquín Torres García font varier les identités et les situations, jouent et créent afin de faire naître des bonhommes et des créatures colorés.
‘The world of the painter Brauner is the world of cruelty and innocence, that of children and Aztecs - nothing other than gifted plasticity. The surrealist imprint is a bit of Klee, a bit of Chirico and others, all passing through, it is a deeper freedom, humour and as a whole it creates what we call magic’ (J. Bussy, “Victor Brauner au Musée d'art moderne,” in Esprit, Nouvelle série, October 1972, p. 487-88).
Although Victor Brauner broke with André Breton in 1949, after fifteen years as a member of the Surrealist movement, he remained faithful to his visions, in which magical signs, characteristic of his poetic work, appeared until his death. In other words, Victor Brauner was governed by the same preoccupations and the same pictorial conception that guided him throughout his life, namely, a permanent gaze, the creation of a sacred and modern mythological pantheon through the hybridisation of forms, continual experimentation with techniques and the predominance of symbolism, which is fluid and does not require a glossary, over realism. These fundamental points of reference, together with Brauner's abiding interest in the primitive arts, rich in form, colour and spirituality, are combined in L'Émotion immobile, painted in March 1956. Presented in profile, as is often the case in Brauner's talismanic and imaginary work, L'Émotion immobile is seated, its legs seemingly trapped at the level of its stomach represented by a red band, a sort of prison from which wide-open eyes emerge. Immobilised by its emotion, the figure raises its arms and signifies its presence with hand signals, one open and the other closed. Its head is encircled by a snake. Both male and female, symbol of the Earth, master of fertility and archetype of the human soul, the snake is universally used in various traditions. In particular, it has been adopted by medicine, art and poetry, and remains one of the fetish animals in the personal pantheon and unique visual lexicon of Victor Brauner, who since the publication of 75 H.P., a Dada manifesto from 1924, has defined himself as a picto-poet.
Seated in profile, in a position similar to that of a toy, L'Émotion immobile displays a number of childlike features. Educational and recreational visions seem to have taken hold of Brauner. Having previously painted cycles dedicated to maternity, notably the series Là-bas in 1949 and Mythologie et La Fête des Mères in 1965, Brauner also explored subjects linked to childhood. The Romanian painter's imagination and concept are particularly well suited to this. The geometric composition of L'Émotion immobile easily resembles the dismantlable and transformable toys designed for children. Joaquín Torres García, with whom Victor Brauner became friends on his arrival in Paris in 1930, produced a series of painted wooden toys in the 1920s. The principle is similar, in that the juxtaposition of shapes and the combination of colours lead to the construction of unusual and atypical figures. Like children, Victor Brauner and Joaquín Torres García varied identities and situations, playing and creating to give birth to colourful figures and creatures.