Details
Joan Mitchell (1925-1992)
Sans titre
signé 'Joan Mitchell' (en bas à droite)
huile sur toile
73 x 50 cm.
Peint en 1987.

signed 'Joan Mitchell' (lower right)
oil on canvas
28 ¾ x 19 ¾ in.
Painted in 1987.
Provenance
Acquis directement auprès de l'artiste
Literature
M. Waldberg, Joan Mitchell, Paris, 1992, p. 344 (illustré en couleurs p. 223).
Exhibited
Paris, Galerie Jean Fournier, Joan Mitchell: Peintures 1986 & 1987: River, Lille, Chord, Paris, juin-juillet 1987, p. 73 (illustré en couleurs au catalogue d'exposition p. 35).

Brought to you by

Josephine Wanecq
Josephine Wanecq Specialist, Head of Evening Sale

Lot Essay

« Ma peinture n’est pas une allégorie, ce n’est pas une histoire. Elle est plutôt comme un poème. » - Joan Mitchell

Figure centrale de l’expressionnisme abstrait, Joan Mitchell est célèbre pour ses peintures empreintes d’une gestuelle vibrante qui reflètent à la fois une forme d’intensité émotionnelle et un lien profond avec la nature. L’œuvre de Mitchell met en scène des expériences personnelles, des moments fugaces de la vie, tout en engageant un dialogue intime avec les éléments.

Née à Chicago, Joan Mitchell s’est installée après la guerre à New York, où elle a connu la scène artistique du moment. Lorsqu’elle s’installe à Paris, l’émulation artistique est à son apogée, favorisée par la présence de nombreux artistes américains venus en Europe grâce aux bourses du programme G.I Bill alors mises en place par le gouvernement américain. De nombreuses galeries de la capitale s’entichent de ces artistes et par le biais d’expositions diffusent leur art auprès des artistes français. C’est Simon Hantaï qui provoquera les rencontres entre Jean Fournier et ces artistes tellement différents : il lui présente d’abord Jean Paul Riopelle, artiste canadien très lié à la scène américaine puis rencontre Sam Francis, Joan Mitchell, Shirley Jaffe ou encore Kimber Smith.

En 1957, l’exposition L’exemplaire dans l’aventure picturale des dix dernières années à la galerie Kléber qui réunit pour la première fois des artistes français et américains, annonce ce que Jean Fournier mettra en œuvre à la galerie rue du Bac, sous son propre nom à partir de 1964 : défendre l’abstraction en France et en montrer ce qui la féconde, ses liens avec l’expressionnisme abstrait et l’influence palpable de l’œuvre de Matisse.

La pratique artistique de Joan Mitchell est marquée par une utilisation innovante de la couleur et une exploration incessante de la forme, transformant la toile en un véritable royaume d’expression sensible. Ses coups de pinceau demeurent spontanés mais maîtrisés, révélant une compréhension nuancée du chaos et de l’ordre.

Dès leur rencontre, Jean Fournier n’a de cesse de diffuser l’œuvre de Mitchell auprès du public européen et des grandes institutions muséales. C’est grâce à sa persévérance que des œuvres majeures entreront dans les collections publiques françaises. Emprunte de respect et d’admiration, leur relation est un véritable tremplin pour Joan Mitchell, qui expose près d’une douzaine de fois à la Galerie Fournier et participe à de nombreuses expositions collectives jusqu’à sa mort en 1992.

Sans titre (1987) [lot 5] est une œuvre emblématique du style unique de l’artiste, marquant une évolution profonde dans son approche de l’abstraction. Ce tableau témoigne de sa maîtrise à un stade avancé de sa carrière, où les teintes vibrantes et les coups de pinceau dynamiques insufflent mouvement et émotion. Les éclats de couleurs lumineuses tissent une riche tapisserie qui capte immédiatement l’attention du spectateur. Réalisée durant une période d’introspection, l’œuvre invite à la contemplation. L’équilibre entre spontanéité et intention dans les gestes révèle l’intimité de Mitchell avec son support, transformant la toile en un canal de pensées et d’émotions. La composition en couches fait écho à la complexité de la nature et de la mémoire, des thèmes qui marquent ses œuvres ultérieures.

Le soutien de Jean Fournier a été déterminant tout au long de la carrière de Mitchell.
Il a organisé des expositions qui ont mis en lumière la complexité de son œuvre, des premières explorations de la couleur et de la forme, comme dans Sans titre (1956), à ses toiles monumentales ultérieures, tels que Champs (1990).
Les expositions de la Galerie Jean Fournier reflètent notamment des moments de la vie personnelle de Mitchell. Par exemple, la sombre série des Tilleuls de 1978 coïncide avec la fin de sa relation avec Jean Paul Riopelle (Ovaere-Corthay dans Mitchell/Riopelle : À la rencontre de Jean Fournier). L’influence de Mitchell a dépassé sa propre pratique. Célèbre pour avoir construit un pont entre les scènes artistiques américaine et européenne, elle a laissé un impact durable sur plusieurs générations d’artistes. Son héritage témoigne aussi du dévouement inflexible de Jean Fournier tout au long de sa carrière.

La sélection d’œuvres de Joan Mitchell dans la collection Jean Fournier met en évidence le rôle important du marchand dans la carrière de l’artiste. La confiance de Jean Fournier dans le talent de Mitchell ont permis à sa voix de résonner sur la scène parisienne, française et internationale.

Sans titre (1956) [lot 12] illustre les premières explorations de l’artiste américaine. Cette huile sur toile irradie de dynamisme et de spontanéité. Sa moitié gauche lumineuse tranche avec une moitié droite plus sombre, ce contraste créant une expérience visuelle immersive. L’application énergique de la peinture, caractérisée par des gestes rapides et une composition réfléchie, invite les spectateurs à plonger dans la « viscéralité » de l’œuvre. La dédicace « Pour Jean » au verso témoigne de leur relation amicale naissante.

Enfin, le diptyque Champs (1990) [lot 19], réalisé deux ans seulement avant le décès de l’artiste, représente l’aboutissement du parcours artistique de Mitchell, prouvant sa capacité exceptionnelle à faire vivre l’émotion au cœur-même de l’abstraction.
Dans ce tableau, les coups de pinceau dynamiques et les choix de couleurs audacieux convergent pour créer un paysage visuel envoûtant. Des bleus riches, des jaunes vibrants et des verts profonds évoquent la vitalité du monde naturel, prolongeant la division symétrique de la toile vue précédemment dans Sans titre (1956), avec des sections contrastées qui invitent à l’exploration de leurs significations superposées. Champs résonne avec une profondeur émotionnelle puissante, capturant la complexité de la vie et le passage du temps. La qualité rythmique du travail au pinceau suggère le mouvement, faisant écho aux sensations du vent et de la lumière dans les champs. Lorsqu’il observe Champs, le spectateur ressent un sentiment de liberté semblable peut-être à celui qu’a procuré à l’artiste le soutien durable du dévoué Jean Fournier.

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