Lot Essay
« Pollock travaille avec la ligne quand Riopelle travaille avec la couleur ; il compose des fugues aux atmosphères forestières avec quelques touches de couleur… Il se met au diapason des lois naturelles mais aussi de ses propres lois : il danse avec la nature. » - James Fitzsimmons
Le peintre, graveur et sculpteur québécois Jean Paul Riopelle est probablement l’artiste canadien le plus célèbre du XXe siècle. Lors de son remarquable parcours, il a fait des incursions dans le Surréalisme, l’Abstraction Lyrique et l’Expressionnisme abstrait de la deuxième génération, sans jamais se laisser enfermer dans une seule catégorie. Avec sa personnalité flamboyante, cet artiste aventureux et déterminé avait les faveurs de Jean Fournier.
Après une formation académique à Montréal, Riopelle se rapproche dans les années 1940 des « Automatistes » québécois, qui s’intéressent aux idées surréalistes et aux techniques de création basées sur le hasard. Lors de son premier voyage à Paris en 1947, l’artiste est invité par André Breton à participer à la Sixième exposition internationale du surréalisme à la Galerie Maeght. Rapidement, Riopelle s’éloigne de l’automatisme. Abandonnant l’usage du pinceau, il trouve sa propre voie dans les années 1950 : il presse des tubes de peinture directement sur la toile, souvent en tenant plusieurs d’entre eux à la fois dans son poing ; puis il étale le pigment à l’aide d’un couteau à peindre, créant ainsi des surfaces lustrées, semblables à des mosaïques, aux couleurs étonnantes. Au cours de la décennie suivante, comme le montre le tableau de 1968 présenté ici, les « carreaux » de couleur fusionnent, se déplacent et se transforment grâce aux sillons tracés à la surface par les marques de couteau.
C’est au cours de sa première décennie à Paris et par l’intermédiaire de Simon Hantaï, que Riopelle rencontre Jean Fournier. Ce dernier organise une exposition d’œuvres de grande envergure dans son espace de l’avenue Kléber en 1957, puis une autre rue du Bac en 1964. Si Riopelle connaît parallèlement un grand succès à New York – où il est représenté par Pierre Matisse, un ami proche qui partage sa passion pour les voitures puissantes –, il fait le choix de s’installer en France à cette époque. « J’ai décidé que c’était en Île-de-France, dit-il, là où la lumière est la plus belle, que je vivrais. » (J-P. Riopelle, cité dans Jean-Paul Riopelle : Peinture 1946-1977, cat. ex. Musée national d’art moderne, Paris 1981, p. 86).
Au milieu des années 1950, Riopelle rencontre la peintre américaine Joan Mitchell, établie à Paris, autre figure clé de la galerie Jean Fournier. Pendant près de vingt-cinq ans, les deux artistes entretiennent une relation amoureuse et créative passionnée, s’inspirant mutuellement de leurs œuvres.
À l’instar des peintures de Mitchell, celles de Riopelle – avec leur atmosphère dramatique, leurs surfaces riches et leurs amas de couleurs éclatantes – sont souvent perçues comme des paysages abstraits. « Le souvenir des forêts canadiennes marque les toiles abstraites du jeune peintre », déclare Pierre Schneider en 1956, décrivant Riopelle lui-même comme « une force de la nature » (P. Schneider cité dans G. Robert, Riopelle, chasseur d’images, Montréal 1981, p. 66). Plutôt que de représenter un environnement spécifique, Riopelle cherche à incarner la puissance, la grandeur et l’énergie de la nature qui l’environne.
Les œuvres majeures de l’artiste des années 1960 commencent à laisser apparaître des formes imaginaires : masques, arbres, chevaux et hiboux annoncent l’orientation de plus en plus picturale que prendra l’artiste après son retour à Montréal. L’une des peintures de 1964 présentées ici figure une masse et une barre verticale peintes dans des teintes arc-en-ciel au milieu d’un champ blanc texturé. Ces formes intrigantes évoquent celles d’un triptyque de l’artiste québécois daté de la même année et conservé dans la collection du Hirshhorn Museum & Sculpture Garden, à Washington, D.C. – aux côtés d’un autre triptyque de Mitchell. Selon Michel Martin, spécialiste de Riopelle, ces deux peintures évoquent des paysages marins.
Depuis longtemps, Riopelle s’intéresse autant à la sculpture qu’à la peinture. Au milieu des années 1960, il passe aisément de l’une à l’autre, utilisant l’argile et la technique de la cire perdue pour créer des bronzes aux formes brutes. L’exemple ovale de 1964 en témoigne : Riopelle expérimente aussi des toiles façonnées durant cette période, accentuant ainsi la qualité déjà sculpturale de ses surfaces picturales.
« Les sculptures sortent du cadre et, qu’on le veuille ou non, les anciennes peintures et les nouvelles se fondent dans la sculpture », écrit Jean Fournier en 1965. « Ce ne sont plus que des tableaux de Riopelle. Avant, il y avait les peintures d’un côté et les sculptures de l’autre. Désormais, les deux seront indissociables » (J. Fournier cité dans Riopelle : Grands Formats, cat. ex. Acquavella Galleries, New York 2009, pp. 62-63). Jean Fournier, fidèle à son habitude, a compris et respecté l’esprit novateur de l’artiste – que Breton avait un jour décrit comme un « trappeur supérieur » – alors qu’il explorait de nouvelles voies en matière de couleur et de volume.
Le peintre, graveur et sculpteur québécois Jean Paul Riopelle est probablement l’artiste canadien le plus célèbre du XXe siècle. Lors de son remarquable parcours, il a fait des incursions dans le Surréalisme, l’Abstraction Lyrique et l’Expressionnisme abstrait de la deuxième génération, sans jamais se laisser enfermer dans une seule catégorie. Avec sa personnalité flamboyante, cet artiste aventureux et déterminé avait les faveurs de Jean Fournier.
Après une formation académique à Montréal, Riopelle se rapproche dans les années 1940 des « Automatistes » québécois, qui s’intéressent aux idées surréalistes et aux techniques de création basées sur le hasard. Lors de son premier voyage à Paris en 1947, l’artiste est invité par André Breton à participer à la Sixième exposition internationale du surréalisme à la Galerie Maeght. Rapidement, Riopelle s’éloigne de l’automatisme. Abandonnant l’usage du pinceau, il trouve sa propre voie dans les années 1950 : il presse des tubes de peinture directement sur la toile, souvent en tenant plusieurs d’entre eux à la fois dans son poing ; puis il étale le pigment à l’aide d’un couteau à peindre, créant ainsi des surfaces lustrées, semblables à des mosaïques, aux couleurs étonnantes. Au cours de la décennie suivante, comme le montre le tableau de 1968 présenté ici, les « carreaux » de couleur fusionnent, se déplacent et se transforment grâce aux sillons tracés à la surface par les marques de couteau.
C’est au cours de sa première décennie à Paris et par l’intermédiaire de Simon Hantaï, que Riopelle rencontre Jean Fournier. Ce dernier organise une exposition d’œuvres de grande envergure dans son espace de l’avenue Kléber en 1957, puis une autre rue du Bac en 1964. Si Riopelle connaît parallèlement un grand succès à New York – où il est représenté par Pierre Matisse, un ami proche qui partage sa passion pour les voitures puissantes –, il fait le choix de s’installer en France à cette époque. « J’ai décidé que c’était en Île-de-France, dit-il, là où la lumière est la plus belle, que je vivrais. » (J-P. Riopelle, cité dans Jean-Paul Riopelle : Peinture 1946-1977, cat. ex. Musée national d’art moderne, Paris 1981, p. 86).
Au milieu des années 1950, Riopelle rencontre la peintre américaine Joan Mitchell, établie à Paris, autre figure clé de la galerie Jean Fournier. Pendant près de vingt-cinq ans, les deux artistes entretiennent une relation amoureuse et créative passionnée, s’inspirant mutuellement de leurs œuvres.
À l’instar des peintures de Mitchell, celles de Riopelle – avec leur atmosphère dramatique, leurs surfaces riches et leurs amas de couleurs éclatantes – sont souvent perçues comme des paysages abstraits. « Le souvenir des forêts canadiennes marque les toiles abstraites du jeune peintre », déclare Pierre Schneider en 1956, décrivant Riopelle lui-même comme « une force de la nature » (P. Schneider cité dans G. Robert, Riopelle, chasseur d’images, Montréal 1981, p. 66). Plutôt que de représenter un environnement spécifique, Riopelle cherche à incarner la puissance, la grandeur et l’énergie de la nature qui l’environne.
Les œuvres majeures de l’artiste des années 1960 commencent à laisser apparaître des formes imaginaires : masques, arbres, chevaux et hiboux annoncent l’orientation de plus en plus picturale que prendra l’artiste après son retour à Montréal. L’une des peintures de 1964 présentées ici figure une masse et une barre verticale peintes dans des teintes arc-en-ciel au milieu d’un champ blanc texturé. Ces formes intrigantes évoquent celles d’un triptyque de l’artiste québécois daté de la même année et conservé dans la collection du Hirshhorn Museum & Sculpture Garden, à Washington, D.C. – aux côtés d’un autre triptyque de Mitchell. Selon Michel Martin, spécialiste de Riopelle, ces deux peintures évoquent des paysages marins.
Depuis longtemps, Riopelle s’intéresse autant à la sculpture qu’à la peinture. Au milieu des années 1960, il passe aisément de l’une à l’autre, utilisant l’argile et la technique de la cire perdue pour créer des bronzes aux formes brutes. L’exemple ovale de 1964 en témoigne : Riopelle expérimente aussi des toiles façonnées durant cette période, accentuant ainsi la qualité déjà sculpturale de ses surfaces picturales.
« Les sculptures sortent du cadre et, qu’on le veuille ou non, les anciennes peintures et les nouvelles se fondent dans la sculpture », écrit Jean Fournier en 1965. « Ce ne sont plus que des tableaux de Riopelle. Avant, il y avait les peintures d’un côté et les sculptures de l’autre. Désormais, les deux seront indissociables » (J. Fournier cité dans Riopelle : Grands Formats, cat. ex. Acquavella Galleries, New York 2009, pp. 62-63). Jean Fournier, fidèle à son habitude, a compris et respecté l’esprit novateur de l’artiste – que Breton avait un jour décrit comme un « trappeur supérieur » – alors qu’il explorait de nouvelles voies en matière de couleur et de volume.