Lot Essay
Ecrite entre 29 et 19 av. J.C., l’Énéide de Virgile raconte les épreuves d’Énée, prince de Troie et ancêtre mythique du peuple romain, depuis la prise de Troie jusqu’à son installation en Italie. Le poème se divise en douze chants et fut une source d’inspiration récurrente pour les artistes et les écrivains de l’antiquité jusqu’à nos jours.
Du dessin à la lithographie : Girodet et Didot
Anne-Louis Girodet-Trioson, l’un des plus brillants élèves de Jacques-Louis David (1748-1825), s’inspire de l’œuvre de Virgile tout au long de sa vie. En 1791, David commande à Girodet et à un autre de ses élèves, François Gérard (1770-1837), une série d’illustrations pour l’Énéide, qui finiront par être lithographiées et publiées en 1798 par Pierre Didot l’Aîné (1761–1853) (Girodet 1767-1824, cat. exp., Paris, musée du Louvre, Chicago, The Art Institute of Chicago, Montréal, musée des beaux-arts de Montréal, 2005-2007, p. 162).
Vers 1810, Girodet se remet à travailler sur ce sujet en créant une série de 182 dessins pour illustrer l’histoire d’Énée. Le projet reste malheureusement inachevé car l’artiste meurt en 1824. Cette série ressemble peu aux illustrations exécutées pour la commande de David, et présente une vraie rupture stylistique. Effectivement, le modelé méticuleux et la composition détaillée qui marquent les dessins des années 1790, sont remplacés ici par une simplicité linéaire pleine de vivacité et de spontanéité. Les dessins originaux exécutés par Girodet se trouvent au Metropolitain Museum à New York (inv. 1996.567), au musée du Louvre (inv. RF 34729), au Nationalmuseum de Stockholm (inv. NM H 564⁄1971), au Museum of Fine Arts de Boston (inv. 1999.7) et au musée Girodet de Montargis (inv. 71-33 et 72-3 ; ibid., nos 121 -125).
Les dessins de cette série, dont le présent, sont étroitement liés aux gravures correspondantes, ils fourmillent d’indications précises destinées aux artistes d'interprétation. Girodet concevait-il son projet comme une série d’illustrations destinées à accompagner un texte ou plutôt comme un volume de gravures indépendantes ? Ceci reste une question sans réponse puisque les gravures inspirées de ses dessins n’émergent qu’après sa mort.
L’entreprise lithographique comme un hommage posthume à la mémoire de Girodet
Antoine-Claude Pannetier (1772–1859), ami et élève de Girodet, afin de préserver son héritage, achète tout le groupe de dessins pendant la vente posthume de l’artiste et 72 lithographies copiées de la série virgilienne sont produites dans les années qui suivent la mort du peintre (sur les 182 dessins de l’Éneide laissés par Girodet à sa mort). Exécutée par François-Louis Dejuinne (1786–1844), la gravure qui correspond au présent dessin date de 1827 (fig. 1).
Le sujet ici représenté est tiré de la première partie du premier livre de l’Énéide. Junon, rongée par sa colère envers le peuple troyen, convoque la destruction de la flotte d’Enée. Afin d’arriver à ses fins néfastes, elle promet au dieu des vents, Éole, de lui donner en mariage Deïopëa, la plus jolie de ses nymphes, s’il libère les vents emprisonnés par Jupiter et déclenche un orage déchainé sur les troyens. Sur le dessin, Junon présente Deïopëa à Éole à droite tandis que les vents vicieux, enfin libres, se déchaînent sur les navires en bas à gauche.
Les deux autres dessins qui représentent la suite de l’histoire sont la scène où Le bateau d’Enée déplore son destin (Museum of Fine Arts à Boston ; inv. 1999.7), et Neptune sortant de l’océan pour commander aux vents de se calmer (musée du Louvre ; inv. RF 34729 ; ibid., nos 121, 122).
Ainsi à la fin de sa vie, Girodet donne ici la primauté à l’imagination artistique et à sa transcription poétique, s’écartant volontiers du texte original pour un rendu très onirique des scènes virgiliennes. L’inventivité de cet ensemble aura largement contribué à sa renommé posthume (ibid., p. 454).
D'une provenance prestigieuse, le dessin a été acquis par son ami Antoine Pannetier lors de la vente après-décès de Girodet avant d'entrer dans les collections de l'imprimeur Ambroise Firmin Didot (1790-1876).
Le dessin sera inclus dans le catalogue raisonné de l'œuvre de Girodet en préparation par Sidonie Lemeux-Fraitot.
Fig. 1 F.-L. Dejuinne, d'après Girodet, Éole déchaîne les vents contre les vaisseaux troyens, lithographie, 1827
Du dessin à la lithographie : Girodet et Didot
Anne-Louis Girodet-Trioson, l’un des plus brillants élèves de Jacques-Louis David (1748-1825), s’inspire de l’œuvre de Virgile tout au long de sa vie. En 1791, David commande à Girodet et à un autre de ses élèves, François Gérard (1770-1837), une série d’illustrations pour l’Énéide, qui finiront par être lithographiées et publiées en 1798 par Pierre Didot l’Aîné (1761–1853) (Girodet 1767-1824, cat. exp., Paris, musée du Louvre, Chicago, The Art Institute of Chicago, Montréal, musée des beaux-arts de Montréal, 2005-2007, p. 162).
Vers 1810, Girodet se remet à travailler sur ce sujet en créant une série de 182 dessins pour illustrer l’histoire d’Énée. Le projet reste malheureusement inachevé car l’artiste meurt en 1824. Cette série ressemble peu aux illustrations exécutées pour la commande de David, et présente une vraie rupture stylistique. Effectivement, le modelé méticuleux et la composition détaillée qui marquent les dessins des années 1790, sont remplacés ici par une simplicité linéaire pleine de vivacité et de spontanéité. Les dessins originaux exécutés par Girodet se trouvent au Metropolitain Museum à New York (inv. 1996.567), au musée du Louvre (inv. RF 34729), au Nationalmuseum de Stockholm (inv. NM H 564⁄1971), au Museum of Fine Arts de Boston (inv. 1999.7) et au musée Girodet de Montargis (inv. 71-33 et 72-3 ; ibid., nos 121 -125).
Les dessins de cette série, dont le présent, sont étroitement liés aux gravures correspondantes, ils fourmillent d’indications précises destinées aux artistes d'interprétation. Girodet concevait-il son projet comme une série d’illustrations destinées à accompagner un texte ou plutôt comme un volume de gravures indépendantes ? Ceci reste une question sans réponse puisque les gravures inspirées de ses dessins n’émergent qu’après sa mort.
L’entreprise lithographique comme un hommage posthume à la mémoire de Girodet
Antoine-Claude Pannetier (1772–1859), ami et élève de Girodet, afin de préserver son héritage, achète tout le groupe de dessins pendant la vente posthume de l’artiste et 72 lithographies copiées de la série virgilienne sont produites dans les années qui suivent la mort du peintre (sur les 182 dessins de l’Éneide laissés par Girodet à sa mort). Exécutée par François-Louis Dejuinne (1786–1844), la gravure qui correspond au présent dessin date de 1827 (fig. 1).
Le sujet ici représenté est tiré de la première partie du premier livre de l’Énéide. Junon, rongée par sa colère envers le peuple troyen, convoque la destruction de la flotte d’Enée. Afin d’arriver à ses fins néfastes, elle promet au dieu des vents, Éole, de lui donner en mariage Deïopëa, la plus jolie de ses nymphes, s’il libère les vents emprisonnés par Jupiter et déclenche un orage déchainé sur les troyens. Sur le dessin, Junon présente Deïopëa à Éole à droite tandis que les vents vicieux, enfin libres, se déchaînent sur les navires en bas à gauche.
Les deux autres dessins qui représentent la suite de l’histoire sont la scène où Le bateau d’Enée déplore son destin (Museum of Fine Arts à Boston ; inv. 1999.7), et Neptune sortant de l’océan pour commander aux vents de se calmer (musée du Louvre ; inv. RF 34729 ; ibid., nos 121, 122).
Ainsi à la fin de sa vie, Girodet donne ici la primauté à l’imagination artistique et à sa transcription poétique, s’écartant volontiers du texte original pour un rendu très onirique des scènes virgiliennes. L’inventivité de cet ensemble aura largement contribué à sa renommé posthume (ibid., p. 454).
D'une provenance prestigieuse, le dessin a été acquis par son ami Antoine Pannetier lors de la vente après-décès de Girodet avant d'entrer dans les collections de l'imprimeur Ambroise Firmin Didot (1790-1876).
Le dessin sera inclus dans le catalogue raisonné de l'œuvre de Girodet en préparation par Sidonie Lemeux-Fraitot.
Fig. 1 F.-L. Dejuinne, d'après Girodet, Éole déchaîne les vents contre les vaisseaux troyens, lithographie, 1827