Lot Essay
« La lumière est la substance vitale des hommes et de la peinture. » - Otto Piene
Otto Piene intègre l’armée allemande en 1943, alors âgé d’à peine quinze ans. À cette époque, il est affecté à l’observation du ciel nocturne, à la recherche de minuscules points lumineux signalant l’approche de l’ennemi. Cette expérience a impacté durablement sa démarche artistique, qu’il voyait comme un moyen de dissiper l’obscurité. « Je vais jusqu’à l’obscurité elle-même », disait-il. « Je la transperce de lumière, je la rends transparente, je lui enlève sa terreur, je la transforme en un volume de puissance avec un souffle de vie comme mon propre corps. » (O. Piene, ''Les chemins du paradis'', in ZERO, No. 3, juillet 1961, n.p.). L’Europe ressort traumatisée de la Seconde Guerre mondiale et des artistes d’avant-garde comme Piene inventent des formes novatrices. En 1957, Piene devient membre fondateur du groupe ZERO, recherchant, avec Heinz Mack, Günther Uecker et d’autres, la pureté d’un nouveau départ.
Rauchbild No. 3 appartient à la série iconique du mouvement ZERO des Rauchbilder (ou images de fumée) imaginée par Otto Piene. Dans ces œuvres, créées à partir de résidus de pigments carbonisés, l’artiste parvient à alchimiser la lumière, la texture et la couleur. Dans celui-ci, cinq rhomboïdes noirs sont reliés entre eux et placés au centre d’une vaste surface blanche. Ces formes, qui sont l’œuvre du feu, se trouvent auréolées de bords vaporeux, tels un amas de corps célestes. La toile s’impose ainsi comme une inversion poétique des célèbres « Ballets de lumière » de Piene, où l’artiste utilisait des pochoirs pour projeter des danses lumineuses dans des salles obscures.
En utilisant la force élémentaire du feu, Piene cherche à manifester la puissance de l’univers à travers son travail artistique. Créant à partir du phénomène de destruction, il réalise des œuvres qui brûlent du potentiel cosmique du renouveau mondial. « Un seul regard sur le ciel, sur le soleil, sur la mer suffit à montrer que le monde extérieur à l’homme est plus grand que celui qui est en lui », écrit-il. « Que le monde est si immense que l’homme a besoin d’un médium pour transformer la puissance du soleil en une illumination qui lui convienne, en un courant dont les vagues sont comme les battements de son cœur » (O. Piene, ibid.).
« La vibration… est le véhicule de la fréquence, le sang de la couleur, la pulsation de la lumière, l’émotion pure, la pureté d’une image, l’énergie pure... » - Otto Piene
Les Rasterbilder (ou images quadrillées), constituent une autre série phare de Piene. Avec ses points en relief qui dialoguent avec des rayures noires et blanches, Sans titre (Rasterbild) (1957), révèle une rythmique singulière. Pour réaliser ces peintures, l’artiste a appliqué un pigment épais à travers des pochoirs perforés. Cette œuvre a fait partie de la célèbre exposition du mouvement « ZERO Countdown to Tomorrow » qui s’est tenue au Solomon R. Guggenheim Museum de New York en 2014-2015. Si sa grille rappelle les structures modulaires du modernisme, elle évoque également les ondes radar et les lignes de balayage parallèles produites par les téléviseurs à tube cathodique – des technologies d’imagerie novatrices du XXe siècle dont le fonctionnement interne n’était plus visible à l’œil nu. Piene a conçu l’image comme une surface pulsante et générative, animée d’une énergie vibratoire.
Rasterbild gold/rot est une œuvre de plus petite dimension réalisée entre 1958 et 1972. Réalisée à la feuille d’or, elle appartient à la série des Rasterbilder qui rend hommage aux peintures médiévales et byzantines. « Bien que la peinture, comme tout organisme vivant, dépende de la lumière pour exister pleinement, les peintres ont rarement accordé à celle-ci l’attention qu’elle méritait », déclarait Piene. « Mon travail fait écho aux fresques étrusques et pompéiennes, notamment à leurs fonds dorés et aux vitraux. » (O. Piene, “De la pureté de la lumière”, in ZERO, No. 2, octobre 1958, p. 24). Le champ de perles dorées de Rasterbild gold/rot est recouvert par un lavis à l’huile d’un rouge profond qui rappelle les techniques antiques : à l’époque, une première couche de pigment d’argile rouge était apposée sur les toiles afin de renforcer la profondeur et l’éclat de l’or. Ici, Piene transpose cette pratique à son propre culte de la lumière, évoquant ainsi les propriétés vivifiantes du soleil.
‘‘Light is the life-substance both of men and of painting.’’ - Otto Piene
Otto Piene was drafted into the German army in 1943. Aged just fifteen, he was posted to watch the night skies, searching for the tiny pinpricks of light which would signal the approaching enemy. This experience had a lasting impact on the artist, who described his art as a means of dispelling darkness. ''I go to darkness itself,'' he said. ''I pierce it with light, I make it transparent, I take its terror from it, I turn it into a volume of power with the breath of life like my own body'' (O. Piene, ''Paths to Paradise'', in ZERO, No. 3, July 1961, n.p.). After the war, Europe was left in a state of trauma, and artists like Piene searched for forms and methods that would rejuvenate the avant-garde and the human spirit alike. Piene became a founding member of the ZERO group in 1957, seeking, together with Heinz Mack, Günther Uecker, and the artists of their wider international collective, the purity and peace of a new beginning.
Rauchbild No. 3 is an impressive example of Piene’s Rauchbilder, or smoke-pictures. These works—created from the carbon residue of pigment set aflame on canvas—were central to Piene’s career-long alchemy of light, texture and colour, and became icons of the ZERO movement. In the present work, five smoky black rhomboids are linked in a chain across the centre of a wide white surface, haloed with soft, vaporous edges like a cluster of celestial bodies. Their blackness is caused by fire—a source of light—making the Rauchbild a poetic inversion of Piene’s celebrated ‘Light Ballets’, in which he used stencils to project dances of light in darkened rooms.
In commanding the elemental force of fire, Piene found a way to encompass the power of the universe within his work. He brought creation from destruction, making works that smouldered with the cosmic potentials of a world created anew. ‘One glance at the sky, at the sun, at the sea is enough to show that the world outside man is bigger than that inside him,’ he wrote, ‘that it is so immense that man needs a medium to transform the power of the sun into an illumination that is suitable to him, into a stream whose waves are like the beating of his heart’ (O. Piene, ibid.).
‘’Vibration … is the vehicle of frequency, the blood of colour, the pulse of light, pure emotion, the purity of a picture, pure energy’’ - Otto Piene
Piene’s Rasterbilder, or grid-pictures, were another key series. Untitled (Rasterbild) (1957), with its raised dots interacting with horizontal black and white striations, exemplifies the rhythmic dynamism of these paintings, which were composed by applying thick pigment through perforated stencils. This work was included in the major survey exhibition ''ZERO: Countdown to Tomorrow'' at the Solomon R. Guggenheim Museum, New York in 2014-2015. If its grid recalls the modular structures of Modernism, it also evokes radar waves and the parallel scanning lines produced on cathode-ray tube televisions: novel twentieth-century imaging technologies whose inner workings were no longer visible to the naked eye. Piene conceived of the picture as a pulsating, generative surface, coming alive with vibratory energy.
Gleaming in gold leaf, Rasterbild gold/rot—an intimately-scaled work realised between 1958 and 1972—is one of a number of Rasterbilder that pay homage to medieval and Byzantine gold-ground paintings. ‘Although painting, like a living organism, relies on light for its existence, painters have seldom given light the attention it deserves’, Piene said. ‘We find an inkling of its realisation in Etruscan and Pompeian frescoes, in gold grounds and stained glass windows’ (O. Piene, ''On the Purity of Light'', in ZERO, No. 2, October 1958, p. 24). The present work’s field of raised golden beading is washed with deep red oil paint, heightening its echoes of these gilded paintings, which were prepared with a layer of red clay pigment to enhance the gold’s depth and radiance. Here Piene transposes their devotional aura to his own worship of light, conjuring the life-giving power of the sun.
Otto Piene intègre l’armée allemande en 1943, alors âgé d’à peine quinze ans. À cette époque, il est affecté à l’observation du ciel nocturne, à la recherche de minuscules points lumineux signalant l’approche de l’ennemi. Cette expérience a impacté durablement sa démarche artistique, qu’il voyait comme un moyen de dissiper l’obscurité. « Je vais jusqu’à l’obscurité elle-même », disait-il. « Je la transperce de lumière, je la rends transparente, je lui enlève sa terreur, je la transforme en un volume de puissance avec un souffle de vie comme mon propre corps. » (O. Piene, ''Les chemins du paradis'', in ZERO, No. 3, juillet 1961, n.p.). L’Europe ressort traumatisée de la Seconde Guerre mondiale et des artistes d’avant-garde comme Piene inventent des formes novatrices. En 1957, Piene devient membre fondateur du groupe ZERO, recherchant, avec Heinz Mack, Günther Uecker et d’autres, la pureté d’un nouveau départ.
Rauchbild No. 3 appartient à la série iconique du mouvement ZERO des Rauchbilder (ou images de fumée) imaginée par Otto Piene. Dans ces œuvres, créées à partir de résidus de pigments carbonisés, l’artiste parvient à alchimiser la lumière, la texture et la couleur. Dans celui-ci, cinq rhomboïdes noirs sont reliés entre eux et placés au centre d’une vaste surface blanche. Ces formes, qui sont l’œuvre du feu, se trouvent auréolées de bords vaporeux, tels un amas de corps célestes. La toile s’impose ainsi comme une inversion poétique des célèbres « Ballets de lumière » de Piene, où l’artiste utilisait des pochoirs pour projeter des danses lumineuses dans des salles obscures.
En utilisant la force élémentaire du feu, Piene cherche à manifester la puissance de l’univers à travers son travail artistique. Créant à partir du phénomène de destruction, il réalise des œuvres qui brûlent du potentiel cosmique du renouveau mondial. « Un seul regard sur le ciel, sur le soleil, sur la mer suffit à montrer que le monde extérieur à l’homme est plus grand que celui qui est en lui », écrit-il. « Que le monde est si immense que l’homme a besoin d’un médium pour transformer la puissance du soleil en une illumination qui lui convienne, en un courant dont les vagues sont comme les battements de son cœur » (O. Piene, ibid.).
« La vibration… est le véhicule de la fréquence, le sang de la couleur, la pulsation de la lumière, l’émotion pure, la pureté d’une image, l’énergie pure... » - Otto Piene
Les Rasterbilder (ou images quadrillées), constituent une autre série phare de Piene. Avec ses points en relief qui dialoguent avec des rayures noires et blanches, Sans titre (Rasterbild) (1957), révèle une rythmique singulière. Pour réaliser ces peintures, l’artiste a appliqué un pigment épais à travers des pochoirs perforés. Cette œuvre a fait partie de la célèbre exposition du mouvement « ZERO Countdown to Tomorrow » qui s’est tenue au Solomon R. Guggenheim Museum de New York en 2014-2015. Si sa grille rappelle les structures modulaires du modernisme, elle évoque également les ondes radar et les lignes de balayage parallèles produites par les téléviseurs à tube cathodique – des technologies d’imagerie novatrices du XXe siècle dont le fonctionnement interne n’était plus visible à l’œil nu. Piene a conçu l’image comme une surface pulsante et générative, animée d’une énergie vibratoire.
Rasterbild gold/rot est une œuvre de plus petite dimension réalisée entre 1958 et 1972. Réalisée à la feuille d’or, elle appartient à la série des Rasterbilder qui rend hommage aux peintures médiévales et byzantines. « Bien que la peinture, comme tout organisme vivant, dépende de la lumière pour exister pleinement, les peintres ont rarement accordé à celle-ci l’attention qu’elle méritait », déclarait Piene. « Mon travail fait écho aux fresques étrusques et pompéiennes, notamment à leurs fonds dorés et aux vitraux. » (O. Piene, “De la pureté de la lumière”, in ZERO, No. 2, octobre 1958, p. 24). Le champ de perles dorées de Rasterbild gold/rot est recouvert par un lavis à l’huile d’un rouge profond qui rappelle les techniques antiques : à l’époque, une première couche de pigment d’argile rouge était apposée sur les toiles afin de renforcer la profondeur et l’éclat de l’or. Ici, Piene transpose cette pratique à son propre culte de la lumière, évoquant ainsi les propriétés vivifiantes du soleil.
‘‘Light is the life-substance both of men and of painting.’’ - Otto Piene
Otto Piene was drafted into the German army in 1943. Aged just fifteen, he was posted to watch the night skies, searching for the tiny pinpricks of light which would signal the approaching enemy. This experience had a lasting impact on the artist, who described his art as a means of dispelling darkness. ''I go to darkness itself,'' he said. ''I pierce it with light, I make it transparent, I take its terror from it, I turn it into a volume of power with the breath of life like my own body'' (O. Piene, ''Paths to Paradise'', in ZERO, No. 3, July 1961, n.p.). After the war, Europe was left in a state of trauma, and artists like Piene searched for forms and methods that would rejuvenate the avant-garde and the human spirit alike. Piene became a founding member of the ZERO group in 1957, seeking, together with Heinz Mack, Günther Uecker, and the artists of their wider international collective, the purity and peace of a new beginning.
Rauchbild No. 3 is an impressive example of Piene’s Rauchbilder, or smoke-pictures. These works—created from the carbon residue of pigment set aflame on canvas—were central to Piene’s career-long alchemy of light, texture and colour, and became icons of the ZERO movement. In the present work, five smoky black rhomboids are linked in a chain across the centre of a wide white surface, haloed with soft, vaporous edges like a cluster of celestial bodies. Their blackness is caused by fire—a source of light—making the Rauchbild a poetic inversion of Piene’s celebrated ‘Light Ballets’, in which he used stencils to project dances of light in darkened rooms.
In commanding the elemental force of fire, Piene found a way to encompass the power of the universe within his work. He brought creation from destruction, making works that smouldered with the cosmic potentials of a world created anew. ‘One glance at the sky, at the sun, at the sea is enough to show that the world outside man is bigger than that inside him,’ he wrote, ‘that it is so immense that man needs a medium to transform the power of the sun into an illumination that is suitable to him, into a stream whose waves are like the beating of his heart’ (O. Piene, ibid.).
‘’Vibration … is the vehicle of frequency, the blood of colour, the pulse of light, pure emotion, the purity of a picture, pure energy’’ - Otto Piene
Piene’s Rasterbilder, or grid-pictures, were another key series. Untitled (Rasterbild) (1957), with its raised dots interacting with horizontal black and white striations, exemplifies the rhythmic dynamism of these paintings, which were composed by applying thick pigment through perforated stencils. This work was included in the major survey exhibition ''ZERO: Countdown to Tomorrow'' at the Solomon R. Guggenheim Museum, New York in 2014-2015. If its grid recalls the modular structures of Modernism, it also evokes radar waves and the parallel scanning lines produced on cathode-ray tube televisions: novel twentieth-century imaging technologies whose inner workings were no longer visible to the naked eye. Piene conceived of the picture as a pulsating, generative surface, coming alive with vibratory energy.
Gleaming in gold leaf, Rasterbild gold/rot—an intimately-scaled work realised between 1958 and 1972—is one of a number of Rasterbilder that pay homage to medieval and Byzantine gold-ground paintings. ‘Although painting, like a living organism, relies on light for its existence, painters have seldom given light the attention it deserves’, Piene said. ‘We find an inkling of its realisation in Etruscan and Pompeian frescoes, in gold grounds and stained glass windows’ (O. Piene, ''On the Purity of Light'', in ZERO, No. 2, October 1958, p. 24). The present work’s field of raised golden beading is washed with deep red oil paint, heightening its echoes of these gilded paintings, which were prepared with a layer of red clay pigment to enhance the gold’s depth and radiance. Here Piene transposes their devotional aura to his own worship of light, conjuring the life-giving power of the sun.