Jean Dubuffet (1901-1985)
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Jean Dubuffet (1901-1985)

Texturologie XXVII (sable et argent)

Details
Jean Dubuffet (1901-1985)
Texturologie XXVII (sable et argent)
signé et daté 'J. Dubuffet 58' (en bas à gauche); signé, titré et daté '''Texturologie XXVII (sable et argent)'' avril 58 J. Dubuffet' (au dos)
huile sur toile
114 x 146 cm.
Peint en 1958.

signed and dated 'J. Dubuffet 58' (lower left); signed, titled and dated '''Texturologie XXVII (sable et argent)'' avril 58 J. Dubuffet' (on the reverse)
oil on canvas
44 7⁄8 x 57 ½ in.
Painted in 1958.
Provenance
Galerie Daniel Cordier, Paris
Collection Karl Ströher, Darmstadt (acquis en 1958)
Vente anonyme, Sotheby's, Londres, 10 décembre 1999, lot 186
Collection Daniel Abadie, France (acquis lors de cette vente)
Literature
M. Loreau, Catalogue des travaux de Jean Dubuffet. Fascicule XIII: Célébrations du sol I, lieux cursifs, texturologies, topographies, Lausanne, 1970, No. 192 (illustré p. 131).
E. Pohl-Ströher, Karl Ströher, Sammler und Sammlung, Darmstadt, 1982, No. 132 (illustré en couleurs p. 98).
L. Trucchi, Dubuffet, Florence, 2001 (illustré en couleurs p. 25).
Exhibited
Francfort-sur-le-Main, Galerie Daniel Cordier, Jean Dubuffet: Lob der Erde, décembre 1958-janvier 1959, No. 5.
Darmstadt, Hessiches Landesmuseum, Bildnerische Ausdrucksformen 1960-1970: Sammlung Ströher im Hessiches Landesmuseum Darmstadt, 1970 (illustré au catalogue d'exposition p. 135).
Paris, Musée national d'Art Moderne, Centre Georges Pompidou, Jean Dubuffet, l'exposition du centenaire, septembre-décembre 2001 (illustré en couleurs au catalogue d'exposition p. 193).
Punkaharju, Retretti Art Center, Jean Dubuffet, 1901-1985, juin-août 2006 (illustré en couleurs au catalogue d'exposition p. 63).
Paris, Galerie Boulakia, Jean Dubuffet, octobre-décembre 2007, p. 64 (illustré en couleurs au catalogue d'exposition p. 65).
Barcelone, Galeria Marc Domènech (avril-mai); Madrid, Galeria Guillermo de Osma (mai-juillet), Jean Dubuffet Pintures i dibuixos, 2015, No. 14 (illustré en couleurs au catalogue d'exposition p. 62).

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Valérie Didier
Valérie Didier Head of Department

Lot Essay

« Dubuffet est connu pour aimer le sol. Des séries importantes, telles que les Texturologies, lui étaient consacrées. » ­—Daniel Abadie

« L’art doit naître du matériau. La spiritualité doit emprunter le langage du matériau. Chaque matériau possède un langage, est un langage. » - Jean Dubuffet

Fin janvier 1955, Jean Dubuffet et sa femme s’installent à Vence, dans le Sud de la France ; ce déménagement a un impact considérable sur le travail du peintre. Il s’éloigne désormais de l’Art brut de ses portraits et des motifs urbains du Paris d’après-guerre, pour s’intéresser à la nature environnante de sa nouvelle maison. Les trois présentes œuvres (lots 29, 50 et 54) sont issues de la collection de Daniel Abadie. Elles ont fréquemment fait l’objet d’expositions – notamment lors de grandes rétrospectives consacrées à l’artiste – et illustrent la période dite des Sols et Terrains de Dubuffet, qui s’étend de 1956 à 1960.

Éveil au sol (1957) appartient à la série inaugurale de cette même période. Il s’agit d’un assemblage d’empreintes et d’impressions que Dubuffet réalisa lors d’un séjour à Paris durant l’hiver 1956-1957. Sa technique consistait à découper et réassembler des impressions à l’encre de Chine qu’il avait préalablement éditées en plusieurs exemplaires, afin de former des compositions hybrides. Éveil au sol présente des flaques ondulantes d’encre noire et des empreintes de feuilles et d’herbe, comme pour reconstruire l’environnement de Vence d’après mémoire. Cette œuvre évoque un mur de pierre envahi par la végétation, dont les feuilles jaillissent au milieu des motifs marbrés et des bords tranchants des impressions fragmentées.

Plus tard, en 1957, Dubuffet entame sa série Texturologies, représentée ici par la remarquable Texturologie XXVII (sable et argent) (1958). À travers ces œuvres, il approfondit sa recherche autour des matériaux et démontre un peu plus son intérêt pour la vie des sols. Ici, de fines gouttelettes noires, blanches, argentées et beige sableux se superposent pour créer une étendue scintillante. Celle-ci évoque à la fois la surface granuleuse de la terre et les abstractions totales d’artistes comme Jackson Pollock. La présence humaine est définitivement absente de ce tableau. Dubuffet cherchait à « donner une impression de matière foisonnante, vivante et étincelante, susceptible de représenter un morceau de terrain, mais aussi d’évoquer toutes sortes de textures indéterminées, voire des galaxies ou des nébuleuses ». (Jean Dubuffet, cité dans Jean Dubuffet, peintures, sculptures, dessins, Rétrospective, catalogue d' exposition, Fondation Maeght, Saint Paul de Vence, 1985, p. 78).

Dubuffet consignait soigneusement dans ses carnets les « recettes » complexes qu’il élaborait pour chacune de ses séries. Pour réaliser la Texturologie XXVII (sable et argent), il préparait une sous-couche aux teintes sombres issue d’un mélange de plusieurs couleurs, puis la faisait sécher. Il appliquait ensuite à la spatule une couche fine et irrégulière de peinture couleur enduit, qu’il incisait d’un enchevêtrement de lignes. Puis il apposait une couche supplémentaire de pigment dilué, et enfin disposait sur la surface des morceaux de papier journal. Enfin, Dubuffet aspergeait cette peinture d’un mélange issu des couleurs précédemment utilisées : « Sable, enduit, fil et tons champagne, nuances de blanc et de châtain » (Jean Dubuffet).

La vie sans l’homme I (1959-1960) appartient à la série des Matériologies, réalisée par Dubuffet en 1959-1960. Comme les Texturologies, ces œuvres évoquent des éléments naturels – la terre, l’eau, les ciels étoilés – avec une importance encore plus grande accordée à la matière. La présente œuvre est composée de papier mâché, de pâte plastique et d’huile mélangés à de la sciure de bois sur du masonite. Le relief ainsi formé semble osciller entre le « micro » et le « macro » : il pourrait s’agir d’un gros plan sur de la boue craquelée comme d’une vue aérienne d’une planète lointaine. Sans explications précises, l’esprit du spectateur est condamné à errer à travers l’univers de Dubuffet, qui réussit la prouesse de recréer la nature par le biais d’ingénieux artifices.


''Dubuffet is known to love the ground. Important series, such as the Texturologies, were devoted to it.'' - Daniel Abadie

''Art must arise from the material. Spirituality must borrow the language of the material. Each material has a language, is a language.'' - Jean Dubuffet


At the end of January 1955, Jean Dubuffet and his wife arrived in Vence in the South of France. The change of environment had a great impact on his work. Departing from his art brut society portraits and the urban surfaces of post-war Paris, he looked to the earth and plant life that surrounded him in his new rural home. The present three works (lots 29, 50 and 54) from the collection of Daniel Abadie—each widely exhibited, with appearances in several major retrospectives of the artist’s work—exemplify Dubuffet’s period of Sols et Terrains (''Grounds and Terrains''), which lasted from 1956 until 1960.

Éveil au sol (The Ground Awakening) (1957) belongs to the inaugural series of this new phase: a group of assemblages d’empreintes, or print assemblages, that Dubuffet made during a stay back in Paris over the winter of 1956-1957. He created these works by cutting up and reassembling his own India-ink prints—of which he had made several hundred in preparation—into mosaic-like compositions. The present work features rippling pools of black ink and imprints of leaves and grass derived the land itself, as if reconstructing the environs of Vence from memory. It recalls an overgrown stone wall, with the sprays of leaves bursting out amid the marbled patterns and sharp edges of the fragmented prints.

Later in 1957 Dubuffet began his Texturologies, represented here by the impressive Texturologie XXVII (sable et argent) (Sand and silver) (1958). These works furthered his unorthodox, ever-inventive approach to material and his interest in the life of the soil. Here, fine droplets of black, white, silver and sandy beige are layered into a glittering expanse, which conjures both the granular surface of exposed earth and the ‘all-over’ abstractions of artists such as Jackson Pollock. Human presence is entirely absent. Dubuffet sought ''an impression of teeming, living and sparkling material, likely to be suitable for representing a piece of ground, but also evoking all kinds of indeterminate textures, even galaxies or nebulae'' (Jean Dubuffet, quoted in Jean Dubuffet, peintures, sculptures, dessins, Rétrospective, exhibition catalogue, Fondation Maeght, Saint-Paul de Vence, 1985, p. 78).

Dubuffet carefully recorded the complex ''recipes'' for his various series in his notebooks. To make
Texturologie XXVII (sable et argent), the canvas was prepared with a dark undercoat mixed from several different colours, and left to dry. A thin, uneven layer of putty-coloured paint was then laid down with a spatula, and incised with tangled lines. A further coat of dark, diluted pigment was applied, then newspaper pressed repeatedly into the surface. Finally, Dubuffet spattered the painting with a medley of the previously used colours: ''Sand, putty, string and champagne tones, shades of white and chestnut'' (Jean Dubuffet quoted in M. Loreau, Catalogue des travaux de Jean Dubuffet. Fascicule XIII: Célébrations du sol I, lieux cursifs, texturologies, topographies, Lausanne, 1970, p. 130).

La vie sans l’homme I (Life without Man I) (1959-1960) belongs to Dubuffet’s subsequent series of Matériologies, made in 1959-1960. Like the Texturologies, these works are suggestive of topographical elements—earth, water, starry skies—with a still greater emphasis on material. The present work is composed of papier-mâché, plastic paste and oil mixed with sawdust on masonite, assembling a sculptural relief that seems to oscillate between the micro and the macro: it could be a close-up of cracked mud, or an aerial view of a distant planet. Without figures or descriptive images, the viewer’s mind is left to wander over the surface Dubuffet’s new world, where the realities of nature are evoked through ingenious artifice and illusion.

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