LUCIEN FALIZE (1839-1897)
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ATTRIBUÉ À JEAN-BAPTISTE GREUZE (1725-1805)

Le Lit défait

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ATTRIBUÉ À JEAN-BAPTISTE GREUZE (1725-1805)
Le Lit défait
huile sur panneau, sans cadre
35 x 25 cm (13 ¾ x 9 7⁄8 in.)
Provenance
Ernest May (1845-1925), Paris, en 1925 (comme Jean-Honoré Fragonard - selon le RKD — Nederlands Instituut voor Kunstgeschiedenis).
Famille Stern ;
Puis par descendance dans la famille Stern.
Literature
[Peut-être] M. Barroux, 'Procès-verbal d'apposition de scellés chez Greuze après son divorce (1793.)', Bulletin de la Société de l'Histoire de Paris et de l'Île-de-France, 1896, 23e année, p. 88 (comme '[...] deux lits composés chacun d'une paillasse, un matelas, un lit de plume et leur baldaquin en indienne [...]').
E. Munhall (dir.), Jean-Baptiste Greuze 1725-1805, [cat. exp.], Dijon, 1977 (traduit par E. Mornat), pp. 13-14 (comme Jean-Baptiste Greuze), reproduit en noir et blanc fig. 6.
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ATTRIBUTED TO JEAN-BAPTISTE GREUZE (1725-1805), THE UNMADE BED, OIL ON PANEL, UNFRAMED

The moralizing image of the painter Jean-Baptiste Greuze (1725-1805) and his innocent young girls praying conceals a less chaste side of his production. The artist, praised by the philosopher Diderot (1713-1784) as a 'preacher of good morals', in contrast to Pierre-Antoine Baudouin (1723-1769), a 'preacher of bad ones' (quoted in G. Faroult, L’Amour peintre, Paris, 2020, p. 295), was nevertheless not without a certain mischievousness and a pronounced taste for sensual painting.

Some of his ostensibly decent scenes contain thinly veiled subtexts, metaphors of lost innocence such as The Broken Pitcher (Louvre Museum, Paris, inv. 5036) or The Broken Mirror (Wallace Collection, London, inv. P442). Other genre scenes reveal a more subtle ambiguity, expressed in a tone less sternly moralizing. The Young Girl with Doves, a brown wash drawing (Musée des Beaux-Arts, Paris, inv. Ph 24639), for instance, depicts a young woman lost in a dreamlike, openly sensual reverie. The background, filled with doves in mating season, guides interpretation for those who might otherwise miss the rapturous expression of the young woman.

The depiction of an unmade bed with no occupant, however, takes the erotic suggestion even further. The emptiness of the scene, devoid of explicit symbolic cues, leaves the viewer alone to imagine what has just transpired. Yet this simplicity of composition makes the subject all the more uncommon. Few artists have granted the bed itself the leading role. Fragonard (1732-1806), in his famous Le Verrou (Louvre Museum, Paris, inv. RF 1974 2), relegates the disheveled bed to the background to foreshadow the consummation of an imminent embrace. Baudouin and Hogarth (1697-1764) likewise take pleasure in depicting lively beds, from rustic pallets to elaborate canopies, but their occupants are never far away. Even a drawing by Fragonard in the Musée de Besançon (inv. D.2940) that features a sumptuous, unmade canopy bed distances itself from reality through the presence of two winged cupids in the corner.

Here, by contrast, the direct simplicity of the depiction strikes the viewer. A freedom of brushwork matches the freedom of the subject: the painter’s spontaneous strokes evoke the movement of piled-up sheets. By revealing the essential while showing nothing, or nothing anymore, the artist expresses, with great sincerity, an eternal theme whose staging continues to inspire, from the voluptuous eighteenth century to the contemporary work of Sophie Calle (b.1953).

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Etienne de Couville
Etienne de Couville Specialist, Auctioneer

Lot Essay

L’image moraliste du peintre Greuze (1725-1805) et ses jeunes filles orantes aux traits innocents camoufle une partie moins chaste de sa production. Le peintre loué par le philosophe Diderot (1713-1784) comme ‘prédicateur des bonnes mœurs’, opposé à un Baudouin (1723-1769) ‘prédicateur des mauvaises’ (cité par G. Faroult, L’Amour peintre, Paris, 2020, p. 295), n’était pourtant pas dépourvu d’une certaine malice et d’un goût prononcé pour une peinture sensuelle.

D’abord certaines scènes convenables affichent un sous-texte peu déguisé, comme les métaphores de la perte de virginité dans La Cruche cassée (musée du Louvre, Paris, inv. 5036) ou Le Miroir brisé (Wallace collection, Londres, inv. P442). D’autres scènes de genre révèlent heureusement une ambiguïté plus diffuse et dans un ton moins gravement réprobateur. La Jeune fille aux colombes représente ainsi au lavis brun une jeune femme endormie dans une rêverie volontiers lascive (musée des Beaux-Arts, Paris, inv. Ph 24639). L’arrière-plan composé de colombes en pleine saison — occupées à s’accoupler — guide l’interprétation pour qui n’avait pas saisi pleinement l’expression pâmée de la jeune femme.

La représentation d’un lit défait sans occupant dans la pièce pousse cependant davantage l’évocation érotique. La vacuité de la scène n’offrant aucun symbole iconographique, le spectateur se charge seul d’interpréter les événements récents. Cette simplicité de la composition ne rend pourtant pas le motif courant. Peu d’artistes ont laissé au lit seul le premier rôle. Fragonard (1732-1806) préfère dans son célèbre Verrou (musée du Louvre, Paris, inv. RF 1974 2) reléguer au second plan le lit défait pour préfigurer la suite d’une étreinte sur le point d’aboutir. Baudouin ou Hogarth (1697-1764) ne boudent pas leur plaisir de chahuter des lits, tantôt paillasses rustiques ou baldaquins sophistiqués, mais leurs occupants ne sont jamais bien loin dans la pièce. Si un dessin du musée de Besançon par Fragonard met en majesté un lit à baldaquin défait (inv. D.2940), la présence de deux amours ailés dans le coin gauche du lit met à distance le réel.

Ici, la simplicité frontale de la description frappe le spectateur. Une liberté de facture accompagne également la liberté du sujet. Les coups de brosses spontanés du peintre évoquent le mouvement des draps empilés. En dévoilant l’essentiel tout en ne montrant rien, ou plus rien, l’artiste représente avec une grande sincérité un éternel sujet dont la mise en scène inspire encore et toujours du voluptueux XVIIIe siècle à Sophie Calle (née en 1953).

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