Lot Essay
Nous remercions François Laffanour, détenteur du droit moral et des archives de la galerie Steph Simon, pour son aide à la rédaction de cette notice.
Des meubles qui accompagnent une vie. Une vie familiale, une vie professionnelle. Des meubles de leur temps, pratiques, solides, fonctionnels, modernes. Un dessin minimum pour une efficacité maximale : une esthétique sous-jacente à nulle autre pareille. Un mobilier signé Charlotte Perriand et Jean Prouvé.
Renée Gailhoustet, est une femme, architecte, moderne et humaniste. Femme architecte : une gageure, un défi, un accomplissement. Après avoir obtenu une licence de philosophie à la Sorbonne, elle est admise en architecture à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris en 1952. C’est un univers exclusivement masculin : les enseignants bien sûr mais également la quasi-totalité des élèves … à l’instar de la profession. Alors que certains ateliers sont fermés aux femmes et ce, jusque dans les années 1970, elle opte pour l’atelier Lods, Hermant et Trezzini, celui des « modernes ». Elle est remarquée pour son diplôme qu’elle obtient en 1961. L’architecte Roland Dubrulle l’associe d’emblée à la rénovation urbaine du centre-ville d’Ivry-sur Seine. En 1964, elle ouvre son agence et dessine les bâtiments qu’elle y destine. La première tour, Raspail, est livrée en mai 1968. En septembre, elle sollicite Jean Renaudie pour intervenir et proposer une architecture s’intercalant entre l’ensemble des tours, 7 à l’origine. Point de dalle, point de barres comme il était en usage alors : Renaudie conçoit des immeubles en gradins avec des terrasses plantées. Les tours de Renée Gailhoustet et les immeubles en étoiles de Jean Renaudie sont désormais indissociables et emblématiques du renouveau de la Ville. Renée Gailhoustet fait dès lors sienne cette pensée urbaine et sa traduction architecturale, en particulier dans les opérations de logements sociaux qu’elle mène à Aubervilliers, Saint-Denis et Ivry-sur Seine. La tour appartient à un type décrié, l’architecture de béton est vite qualifiée de brutaliste mais les appartements ont un confort inédit. De plus, par la suite, les surfaces de vie seront accrues et les ambiances métamorphosées quand chaque logement sera prolongé par une terrasse de verdure. Renée Gailhoustet habite elle-même dans son architecture, d’abord dans la tour Raspail dès sa livraison, puis dans l’ensemble du Liégat à partir de 1982.
Renée Gailhoustet achète des meubles à la Galerie Steph Simon : en 1959-1960 pour son appartement parisien ; en 1965-1966 pour l’agence d’architecture qu’elle fonde alors. Une grande étagère de Charlotte Perriand, entre autre, pour son appartement parisien, rue des Fossés-Saint-Marcel, des bureaux compas de Jean Prouvé pour son agence, boulevard de Port-Royal. Acheter du mobilier dans une galerie du faubourg Saint-Germain peut paraître incongru pour une architecte attachée au logement social, c’est oublier que Steph Simon fut à partir de 1949 la personne chargée de la diffusion des créations des Ateliers Jean Prouvé avant que ce dernier ne perde son entreprise. Ce mobilier fonctionnel et résistant est destiné à équiper des collectivités : des écoles, des cantines d’entreprises, des chambres de cité universitaire, des bureaux de sociétés. L’architecte ne peut être que séduite par la similitude constructive entre un meuble et un bâtiment revendiquée par Prouvé - le piétement en « compas » des bureaux à l’instar des portiques des maisons métalliques. Elle ne peut être que sensible à l’inventivité créative et au savoir-faire, comme pour les plots de la bibliothèque en fine tôle d’acier plié, dont le prototype conçu et exécuté par Prouvé figure dans la collection du Centre Pompidou, pas loin des panneaux du diplôme de Renée Gailhoustet.
Des meubles qui lui survivent, comme son architecture.
Olivier Cinqualbre
Architecte et historien de l’architecture
We would like to thank François Laffanour, holder of the Steph Simon gallery's moral rights and archives, for his help with this notice.
Furniture designed to last a lifetime—suitable for both family and professional environments. Crafted to reflect the era, these pieces are practical, durable, functional, and modern. With a minimalist design that maximizes efficiency, they embody a unique aesthetic. This furniture is the work of Charlotte Perriand and Jean Prouvé.
Renée Gailhoustet was not just an architect; she was a pioneering woman who blended modernity with humanism. As a female designer, she embraced a bold challenge, defying norms and achieving remarkable success.
After earning a bachelor’s degree in literature from the Sorbonne, in 1952, she was admitted to study architecture at the École Nationale Supérieure des Beaux-Arts in Paris. At the time, this venue was an exclusively masculine world: the teachers, of course, but also almost all the students… much like the profession itself. While some workshops were still closed to women as late as the 1970s, Gailhoustet chose the Lods, Hermant and Trezzini studio, known for its modernist approach. Her graduation project, which she completed in 1961, made her stand out from the others. Right away, architect Roland Dubrulle asked her to participate in the urban renewal project for the city center of suburban Ivry-sur-Seine. In 1964, she opened her own studio and designed buildings she planned for the area. The first tower, Raspail, was completed in May 1968. That September, she asked Jean Renaudie to contribute and compose an architecture that would be in osmosis with the towers—seven were planned at first. No concrete slabs or linear blocks, as was common at the time: Renaudie designed tiered buildings with planted terraces. Renée Gailhoustet's towers and Jean Renaudie’s star-shaped buildings have since become inseparable and emblematic of the city’s innovative renewal. Particularly since Gailhoustet fully embraced this urban philosophy and its architectural expression, for her social housing projects in Aubervilliers, Saint-Denis, and Ivry-sur-Seine. Although the tower belongs to a criticized architectural style—its concrete architecture was quickly labeled as brutalist—the apartments offered unprecedented comfort. Furthermore, over time, living spaces were expanded and atmospheres transformed, as each unit was enhanced by a green terrace. Gailhoustet actually lived on the premises in her own personal architecture—first in the Raspail tower upon its completion, then in the Liégat compound starting in 1982.
Renée Gailhoustet purchased furniture from the Steph Simon Gallery: in 1959–1960 for her Paris apartment; and in 1965–1966 for the architectural firm she had recently founded. A large bookshelf by Charlotte Perriand, among other pieces, for her Paris apartment on the Rue des Fossés-Saint-Marcel, and “compass” desks by Jean Prouvé for her firm on Boulevard de Port-Royal. Buying furniture from a gallery in the fashionable Saint-Germain district might seem out of place for an architect dedicated to social housing, but one must remember that from 1949 onwards, Steph Simon was responsible for distributing creations from the Ateliers Jean Prouvé—until Prouvé lost his company. This functional and long-lasting sturdy furniture was originally intended for public institutions: schools, company canteens, university dorm rooms, office spaces. The architect could only be drawn to the structural similarities between furniture and buildings—a notion advocated by Prouvé—for example, the “compass” legs of his desks resembling the portals of metal-framed houses. She was no doubt moved by the creative inventiveness and craftsmanship—such as the thin sheet-steel supports of the bookshelf, a prototype conceived and built by Prouvé, now in the collection of the Centre Pompidou, not far from the diploma panels of Renée Gailhoustet which typically display her architectural philosophy and design process.
Furniture that has outlived her—just like her architecture.
Olivier Cinqualbre
Architect and architectural historian
Des meubles qui accompagnent une vie. Une vie familiale, une vie professionnelle. Des meubles de leur temps, pratiques, solides, fonctionnels, modernes. Un dessin minimum pour une efficacité maximale : une esthétique sous-jacente à nulle autre pareille. Un mobilier signé Charlotte Perriand et Jean Prouvé.
Renée Gailhoustet, est une femme, architecte, moderne et humaniste. Femme architecte : une gageure, un défi, un accomplissement. Après avoir obtenu une licence de philosophie à la Sorbonne, elle est admise en architecture à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris en 1952. C’est un univers exclusivement masculin : les enseignants bien sûr mais également la quasi-totalité des élèves … à l’instar de la profession. Alors que certains ateliers sont fermés aux femmes et ce, jusque dans les années 1970, elle opte pour l’atelier Lods, Hermant et Trezzini, celui des « modernes ». Elle est remarquée pour son diplôme qu’elle obtient en 1961. L’architecte Roland Dubrulle l’associe d’emblée à la rénovation urbaine du centre-ville d’Ivry-sur Seine. En 1964, elle ouvre son agence et dessine les bâtiments qu’elle y destine. La première tour, Raspail, est livrée en mai 1968. En septembre, elle sollicite Jean Renaudie pour intervenir et proposer une architecture s’intercalant entre l’ensemble des tours, 7 à l’origine. Point de dalle, point de barres comme il était en usage alors : Renaudie conçoit des immeubles en gradins avec des terrasses plantées. Les tours de Renée Gailhoustet et les immeubles en étoiles de Jean Renaudie sont désormais indissociables et emblématiques du renouveau de la Ville. Renée Gailhoustet fait dès lors sienne cette pensée urbaine et sa traduction architecturale, en particulier dans les opérations de logements sociaux qu’elle mène à Aubervilliers, Saint-Denis et Ivry-sur Seine. La tour appartient à un type décrié, l’architecture de béton est vite qualifiée de brutaliste mais les appartements ont un confort inédit. De plus, par la suite, les surfaces de vie seront accrues et les ambiances métamorphosées quand chaque logement sera prolongé par une terrasse de verdure. Renée Gailhoustet habite elle-même dans son architecture, d’abord dans la tour Raspail dès sa livraison, puis dans l’ensemble du Liégat à partir de 1982.
Renée Gailhoustet achète des meubles à la Galerie Steph Simon : en 1959-1960 pour son appartement parisien ; en 1965-1966 pour l’agence d’architecture qu’elle fonde alors. Une grande étagère de Charlotte Perriand, entre autre, pour son appartement parisien, rue des Fossés-Saint-Marcel, des bureaux compas de Jean Prouvé pour son agence, boulevard de Port-Royal. Acheter du mobilier dans une galerie du faubourg Saint-Germain peut paraître incongru pour une architecte attachée au logement social, c’est oublier que Steph Simon fut à partir de 1949 la personne chargée de la diffusion des créations des Ateliers Jean Prouvé avant que ce dernier ne perde son entreprise. Ce mobilier fonctionnel et résistant est destiné à équiper des collectivités : des écoles, des cantines d’entreprises, des chambres de cité universitaire, des bureaux de sociétés. L’architecte ne peut être que séduite par la similitude constructive entre un meuble et un bâtiment revendiquée par Prouvé - le piétement en « compas » des bureaux à l’instar des portiques des maisons métalliques. Elle ne peut être que sensible à l’inventivité créative et au savoir-faire, comme pour les plots de la bibliothèque en fine tôle d’acier plié, dont le prototype conçu et exécuté par Prouvé figure dans la collection du Centre Pompidou, pas loin des panneaux du diplôme de Renée Gailhoustet.
Des meubles qui lui survivent, comme son architecture.
Olivier Cinqualbre
Architecte et historien de l’architecture
We would like to thank François Laffanour, holder of the Steph Simon gallery's moral rights and archives, for his help with this notice.
Furniture designed to last a lifetime—suitable for both family and professional environments. Crafted to reflect the era, these pieces are practical, durable, functional, and modern. With a minimalist design that maximizes efficiency, they embody a unique aesthetic. This furniture is the work of Charlotte Perriand and Jean Prouvé.
Renée Gailhoustet was not just an architect; she was a pioneering woman who blended modernity with humanism. As a female designer, she embraced a bold challenge, defying norms and achieving remarkable success.
After earning a bachelor’s degree in literature from the Sorbonne, in 1952, she was admitted to study architecture at the École Nationale Supérieure des Beaux-Arts in Paris. At the time, this venue was an exclusively masculine world: the teachers, of course, but also almost all the students… much like the profession itself. While some workshops were still closed to women as late as the 1970s, Gailhoustet chose the Lods, Hermant and Trezzini studio, known for its modernist approach. Her graduation project, which she completed in 1961, made her stand out from the others. Right away, architect Roland Dubrulle asked her to participate in the urban renewal project for the city center of suburban Ivry-sur-Seine. In 1964, she opened her own studio and designed buildings she planned for the area. The first tower, Raspail, was completed in May 1968. That September, she asked Jean Renaudie to contribute and compose an architecture that would be in osmosis with the towers—seven were planned at first. No concrete slabs or linear blocks, as was common at the time: Renaudie designed tiered buildings with planted terraces. Renée Gailhoustet's towers and Jean Renaudie’s star-shaped buildings have since become inseparable and emblematic of the city’s innovative renewal. Particularly since Gailhoustet fully embraced this urban philosophy and its architectural expression, for her social housing projects in Aubervilliers, Saint-Denis, and Ivry-sur-Seine. Although the tower belongs to a criticized architectural style—its concrete architecture was quickly labeled as brutalist—the apartments offered unprecedented comfort. Furthermore, over time, living spaces were expanded and atmospheres transformed, as each unit was enhanced by a green terrace. Gailhoustet actually lived on the premises in her own personal architecture—first in the Raspail tower upon its completion, then in the Liégat compound starting in 1982.
Renée Gailhoustet purchased furniture from the Steph Simon Gallery: in 1959–1960 for her Paris apartment; and in 1965–1966 for the architectural firm she had recently founded. A large bookshelf by Charlotte Perriand, among other pieces, for her Paris apartment on the Rue des Fossés-Saint-Marcel, and “compass” desks by Jean Prouvé for her firm on Boulevard de Port-Royal. Buying furniture from a gallery in the fashionable Saint-Germain district might seem out of place for an architect dedicated to social housing, but one must remember that from 1949 onwards, Steph Simon was responsible for distributing creations from the Ateliers Jean Prouvé—until Prouvé lost his company. This functional and long-lasting sturdy furniture was originally intended for public institutions: schools, company canteens, university dorm rooms, office spaces. The architect could only be drawn to the structural similarities between furniture and buildings—a notion advocated by Prouvé—for example, the “compass” legs of his desks resembling the portals of metal-framed houses. She was no doubt moved by the creative inventiveness and craftsmanship—such as the thin sheet-steel supports of the bookshelf, a prototype conceived and built by Prouvé, now in the collection of the Centre Pompidou, not far from the diploma panels of Renée Gailhoustet which typically display her architectural philosophy and design process.
Furniture that has outlived her—just like her architecture.
Olivier Cinqualbre
Architect and architectural historian