Lot Essay
Louyse Moillon (1610-1696) n’avait que dix-neuf ans quand elle a peint ce tableau majestueux daté 1629, considéré comme seulement la deuxième nature morte signée et datée dans l'histoire de la peinture française – la première étant celle de Jacques Linard (1597-1645), datée de 1627, dédié au cardinal Richelieu (1585-1642) et actuellement conservée au Louvre (Paris, inv. DL 1970 12). L’importance immense de cette œuvre dans l’histoire de la peinture française est surlignée en 1974 quand Michel Faré, le célèbre historien de la nature morte française, la choisit pour orner la couverture de son livre Le Grand Siècle de la Nature morte en France, le XVIIe siècle, étude du sujet faisant encore toujours autorité dans le monde de l’art.
Cette peinture précoce, extraordinairement frappante par l’ambition de sa composition, s’inscrit dans la tradition de la nature morte hollandaise et flamande des premières années du XVIIe siècle. On peut citer les noms d’artistes comme Jacob van Husldonck (1582-1647), Osias Beerts (mort en 1623) ou, pour nommer une autre femme peintre, Clara Peeters (? 1589-après 1657), avec qui Moillon partage l’angle de plongée et une lumière uniformément repartie qui fait baigner leurs tableaux dans une atmosphère chaleureuse. La Marchande de fruits témoigne de 'l’absolue sincérité de [son] auteur', qui nous 'touche par son talent scrupuleux soumis à la vérité de l’objet' (M. Faré, 1974, op. cit., p. 56). Effectivement, Moillon offre aux spectateurs une abondance de fruits dont le réalisme nous donne envie de saisir une pomme, une prune ou une pêche du panier et de la croquer à pleines dents.
Nous ne connaissons que huit tableaux de l’artiste qui mettent en scène des personnages, presque exclusivement des femmes. Ces œuvres, toutes d’un format imposant, représentent des fruits et des légumes dans un contexte lié à leur commerce ; ce sont des marchandes qui offrent la richesse de la campagne aux spectateurs, pour la plupart des bourgeois parisiens. Dans une mise en abîme du spectateur et du sujet, un de ces tableaux, À la marchande de fruits, présente une jeune bourgeoise en train d’acheter des fruit auprès d'une marchande, tout comme elle aurait pu acheter une nature morte auprès de Moillon elle-même (Fig. 1, musée du Louvre, Paris, inv. 1955-19).
Ces sujets rappellent ceux des peintres flamands comme Joachim Beuckelaer (vers 1530-1573) ou Pieter Aertsen (1508-1575), et Frans van Snyders (1579-1657) de la génération suivante, que la petite Louyse a pu voir dans la boutique de son père Nicholas (1555-1619), portraitiste et marchand de tableaux. Cependant, à la différence de ses précurseurs nordiques, Moillon n’inclut pas des paysages ou des éléments architecturaux – prêtant aux compositions une ambiance narrative – en arrière-plan. Elle choisit plutôt de garder le fond noir traditionnel des natures mortes. L’artiste souligne ainsi la suprématie des fruits et des légumes, qui restent le sujet du tableau. Accordant aux fruits, aux raisins une sorte de spiritualité intense, elle inspirera durablement les peintres à venir.
Cette peinture précoce, extraordinairement frappante par l’ambition de sa composition, s’inscrit dans la tradition de la nature morte hollandaise et flamande des premières années du XVIIe siècle. On peut citer les noms d’artistes comme Jacob van Husldonck (1582-1647), Osias Beerts (mort en 1623) ou, pour nommer une autre femme peintre, Clara Peeters (? 1589-après 1657), avec qui Moillon partage l’angle de plongée et une lumière uniformément repartie qui fait baigner leurs tableaux dans une atmosphère chaleureuse. La Marchande de fruits témoigne de 'l’absolue sincérité de [son] auteur', qui nous 'touche par son talent scrupuleux soumis à la vérité de l’objet' (M. Faré, 1974, op. cit., p. 56). Effectivement, Moillon offre aux spectateurs une abondance de fruits dont le réalisme nous donne envie de saisir une pomme, une prune ou une pêche du panier et de la croquer à pleines dents.
Nous ne connaissons que huit tableaux de l’artiste qui mettent en scène des personnages, presque exclusivement des femmes. Ces œuvres, toutes d’un format imposant, représentent des fruits et des légumes dans un contexte lié à leur commerce ; ce sont des marchandes qui offrent la richesse de la campagne aux spectateurs, pour la plupart des bourgeois parisiens. Dans une mise en abîme du spectateur et du sujet, un de ces tableaux, À la marchande de fruits, présente une jeune bourgeoise en train d’acheter des fruit auprès d'une marchande, tout comme elle aurait pu acheter une nature morte auprès de Moillon elle-même (Fig. 1, musée du Louvre, Paris, inv. 1955-19).
Ces sujets rappellent ceux des peintres flamands comme Joachim Beuckelaer (vers 1530-1573) ou Pieter Aertsen (1508-1575), et Frans van Snyders (1579-1657) de la génération suivante, que la petite Louyse a pu voir dans la boutique de son père Nicholas (1555-1619), portraitiste et marchand de tableaux. Cependant, à la différence de ses précurseurs nordiques, Moillon n’inclut pas des paysages ou des éléments architecturaux – prêtant aux compositions une ambiance narrative – en arrière-plan. Elle choisit plutôt de garder le fond noir traditionnel des natures mortes. L’artiste souligne ainsi la suprématie des fruits et des légumes, qui restent le sujet du tableau. Accordant aux fruits, aux raisins une sorte de spiritualité intense, elle inspirera durablement les peintres à venir.