Lot Essay
Ce meuble fait partie d’une série de cinq bureaux attribués à Cressent depuis plus d’un siècle (par Champeaux et Ballot), les autres étant tous conservés dans des musées : château de Versailles (VMB 14254), National Gallery, Washington, Cincinnati Art Museum, Huntington Collection, San Marino. Tous présentent les mêmes dimensions, les mêmes formes, le même placage d’amarante (à l’exception de celui de la collection Huntington replaqué par Duveen en bois de rose) et les mêmes bronzes. Plusieurs de ces bronzes sont caractéristiques de Cressent, notamment les masques de Bacchus sur les côtés, les plates-bandes entourant les tiroirs ou le grand cartouche central mosaïqué formant entrée de serrure. La principale caractéristique de Cressent, toutefois, sont les chutes en forme d’espagnolettes coiffées d’aigrettes, motif inventé par Cressent au début des années 1720, que l’on retrouve décrit dans la liste de bronzes saisis chez lui à la demande de la corporation des bronziers, en avril 1723 :
Plus quatre termes de moyenne grandeur avec des têtes de femmes coiffées de plumes et aigrettes dont le buste est en console. Deux autres pareils termes non finis, y ayant un lié de fil de fer [… ] Plus un terme en console représentant une femme coiffée ornée d’une aigrette de plume lequel est réparé [… ] Plus trois termes en consoles représentant des têtes de femmes coiffées en volute et en consoles, ornés de feuilles d’orfan [de refend] , lesquelles sont finies.
Ces motifs d’espagnolettes, en plus d’être utilisés sur les cinq bureaux mentionnés plus haut, furent employés dans les mêmes années par Cressent pour orner les angles de plusieurs commodes, dont celle autrefois au château de Condé-en-Brie et celle du musée de Meaux (Pradère, op.cit. p.273-274, nos 80-86). Avec ses espagnolettes aux bustes tournoyant et aux coiffures asymétriques, ses poignées sinueuses, ce modèle marque une avancée dans le style rocaille naissant, par rapport aux premiers modèles de bureaux directement influencés par André-Charles Boulle.
La présence de l’estampille de Carel est certainement liée à une restauration ultérieure du meuble par cet ébéniste dont l’œuvre, diverse et difficile à cerner, présente peu de rapport avec ce bureau
(voir Sylphide de Sonis, « Jacques-Philippe Carel », in L’Estampille L’Objet d’Art, n. 319, décembre 1997, pp. 62-82).
Bien que les bureaux plats de Cressent ne soient pas la dominante dans la production de son atelier (ce qui était le cas des bibliothèques et des commodes), ils sont restés la partie la mieux identifiée de son œuvre, déjà de son temps dans les catalogues de vente, mais aussi la plus recherchée, la plus copiée et la mieux représentée dans les musées. Particulièrement ce type de bureau, qui depuis l’acquisition sous le Second Empire de l’exemplaire de Versailles, a eu un succès considérable (il passe pour être le bureau sur lequel fut signé le traité de Versailles) et qui, de tout le mobilier français du XVIIIe siècle, a probablement été le plus copié.
Nous remercions Monsieur Alexandre Pradère pour la rédaction de cette notice.
This piece of furniture is part of a set of five bureaus attributed to Cressent for more than a century (by Champeaux and Ballot), the others being all kept in museums: Château de Versailles (VMB 14254), National Gallery, Washington, Cincinnati Art Museum, Huntington Collection, San Marino. All have the same dimensions, the same shapes, and the same amaranth veneer (except for the one in the Huntington Collection, which has been veneered by Duveen in rosewood) and the same bronzes. Several of these bronzes are characteristic of Cressent, notably the masks of Bacchus on the sides, the borders surrounding the drawers, or the large central mosaic cartouche forming a keyhole. The main characteristic of Cressent, however, is the espagnolette-shaped mouldings topped with aigrettes, a motif invented by Cressent in the early 1720s and described in the list of bronzes seized from him at the request of the guild of bronze makers in April 1723:
"Plus, four terms of medium size with women's heads crowned with feathers and aigrettes whose bust forms a console. Two other such terms unfinished, with a wire tie [… ] Plus a console term representing a woman with a headdress adorned with a feather aigrette, which has been repaired [… ] Plus three console terms representing women's heads with volute and console headdresses, decorated with orfan leaves, which are finished."
These espagnolette motifs, in addition to being used on the five bureaus mentioned above, were used in the same years by Cressent to decorate the corners of several commodes, including the one formerly in the Château de Condé-en-Brie and the one in the Musée de Meaux (Pradère, op. cit., pp. 273-274, nos. 80-86). With its espagnolettes with swirling busts and asymmetrical headdresses, and its sinuous handles, this model marks a step forward in the emerging Rocaille style, when compared with the first bureau models which were directly influenced by André-Charles Boulle.
The presence of Carel's stamp is probably linked to a later restoration of the piece of furniture by this cabinetmaker whose work, which was diverse and difficult to identify, bears little relation to this bureau (see Sylphide de Sonis, "Jacques-Philippe Carel", L’Estampille L’Objet d'Art, no. 319, December 1997, p.62-82).
Although Cressent's bureaux plats were not the most widely produced pieces from his workshop (which were the bibliothèques and commodes), they are the best-identified part of his work, already in his time being listed in the sales catalogues, and also the most sought after, copied and displayed in museums. Especially this type of bureau, which, since the acquisition of the Versailles example during the Second French Empire, has had considerable success - it is said to be the bureau on which the Treaty of Versailles was signed - and which, of all the French furniture of the 18th century, has probably been the most copied.
Alexandre Pradère
Plus quatre termes de moyenne grandeur avec des têtes de femmes coiffées de plumes et aigrettes dont le buste est en console. Deux autres pareils termes non finis, y ayant un lié de fil de fer [… ] Plus un terme en console représentant une femme coiffée ornée d’une aigrette de plume lequel est réparé [… ] Plus trois termes en consoles représentant des têtes de femmes coiffées en volute et en consoles, ornés de feuilles d’orfan [de refend] , lesquelles sont finies.
Ces motifs d’espagnolettes, en plus d’être utilisés sur les cinq bureaux mentionnés plus haut, furent employés dans les mêmes années par Cressent pour orner les angles de plusieurs commodes, dont celle autrefois au château de Condé-en-Brie et celle du musée de Meaux (Pradère, op.cit. p.273-274, nos 80-86). Avec ses espagnolettes aux bustes tournoyant et aux coiffures asymétriques, ses poignées sinueuses, ce modèle marque une avancée dans le style rocaille naissant, par rapport aux premiers modèles de bureaux directement influencés par André-Charles Boulle.
La présence de l’estampille de Carel est certainement liée à une restauration ultérieure du meuble par cet ébéniste dont l’œuvre, diverse et difficile à cerner, présente peu de rapport avec ce bureau
(voir Sylphide de Sonis, « Jacques-Philippe Carel », in L’Estampille L’Objet d’Art, n. 319, décembre 1997, pp. 62-82).
Bien que les bureaux plats de Cressent ne soient pas la dominante dans la production de son atelier (ce qui était le cas des bibliothèques et des commodes), ils sont restés la partie la mieux identifiée de son œuvre, déjà de son temps dans les catalogues de vente, mais aussi la plus recherchée, la plus copiée et la mieux représentée dans les musées. Particulièrement ce type de bureau, qui depuis l’acquisition sous le Second Empire de l’exemplaire de Versailles, a eu un succès considérable (il passe pour être le bureau sur lequel fut signé le traité de Versailles) et qui, de tout le mobilier français du XVIIIe siècle, a probablement été le plus copié.
Nous remercions Monsieur Alexandre Pradère pour la rédaction de cette notice.
This piece of furniture is part of a set of five bureaus attributed to Cressent for more than a century (by Champeaux and Ballot), the others being all kept in museums: Château de Versailles (VMB 14254), National Gallery, Washington, Cincinnati Art Museum, Huntington Collection, San Marino. All have the same dimensions, the same shapes, and the same amaranth veneer (except for the one in the Huntington Collection, which has been veneered by Duveen in rosewood) and the same bronzes. Several of these bronzes are characteristic of Cressent, notably the masks of Bacchus on the sides, the borders surrounding the drawers, or the large central mosaic cartouche forming a keyhole. The main characteristic of Cressent, however, is the espagnolette-shaped mouldings topped with aigrettes, a motif invented by Cressent in the early 1720s and described in the list of bronzes seized from him at the request of the guild of bronze makers in April 1723:
"Plus, four terms of medium size with women's heads crowned with feathers and aigrettes whose bust forms a console. Two other such terms unfinished, with a wire tie [… ] Plus a console term representing a woman with a headdress adorned with a feather aigrette, which has been repaired [… ] Plus three console terms representing women's heads with volute and console headdresses, decorated with orfan leaves, which are finished."
These espagnolette motifs, in addition to being used on the five bureaus mentioned above, were used in the same years by Cressent to decorate the corners of several commodes, including the one formerly in the Château de Condé-en-Brie and the one in the Musée de Meaux (Pradère, op. cit., pp. 273-274, nos. 80-86). With its espagnolettes with swirling busts and asymmetrical headdresses, and its sinuous handles, this model marks a step forward in the emerging Rocaille style, when compared with the first bureau models which were directly influenced by André-Charles Boulle.
The presence of Carel's stamp is probably linked to a later restoration of the piece of furniture by this cabinetmaker whose work, which was diverse and difficult to identify, bears little relation to this bureau (see Sylphide de Sonis, "Jacques-Philippe Carel", L’Estampille L’Objet d'Art, no. 319, December 1997, p.62-82).
Although Cressent's bureaux plats were not the most widely produced pieces from his workshop (which were the bibliothèques and commodes), they are the best-identified part of his work, already in his time being listed in the sales catalogues, and also the most sought after, copied and displayed in museums. Especially this type of bureau, which, since the acquisition of the Versailles example during the Second French Empire, has had considerable success - it is said to be the bureau on which the Treaty of Versailles was signed - and which, of all the French furniture of the 18th century, has probably been the most copied.
Alexandre Pradère