COMMODE A ENCOIGNURES D'EPOQUE LOUIS XVI ESTAMPILLE DE M. CARLIN ET DE A. WEISWEILER

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COMMODE A ENCOIGNURES D'EPOQUE LOUIS XVI
ESTAMPILLE DE M. CARLIN ET DE A. WEISWEILER
En placage d'bne, bois noirci, marqueterie de cuivre et d'tain, incrustations en relief de pietra-dura des Gobelins, tableaux florentins en marqueterie de pietra-dura, riche ornementation de bronze cisel et dor, le plateau de forme rectangulaire dcrochements concaves en marbre vert d'Egypte retaur, ceint d'une bordure godronne dcor de rosace, surmontant une frise motif de feuilles d'acanthe et entrelacs, la faade ressaut ouvrant trois vantaux, le panneau central dcor de paysage marin et navire dans un encadrement en relief reprsentant une guirlande de fruits et feuillages en pietra-dura rehausse d'une double bordure en bronze cisel et dor dcor d'acanthes et cannelures, flanque de quatre panneaux formant deux vantaux dcors de scnes de port dans un encadrement marquet de cuivre et d'tain motif de clochettes et arabesques, dissimulant quatre tiroirs en placage de bois de rose, filets d'bne dans une rserve d'amarante, les encoignures ouvertes ornes de panneaux marquets en cuivre et tain motif de rosace, tablette de marbre vert d'Egypte surmontant une bordure cannele, reposant sur des pieds fusels cannels; estampille M.CARLIN JME deux fois, M.CARLIN biffe, et A.WEISWEILER JME avec une inscription l'encre rouge B612 (?) et une tiquette inscrite X/249, probablement l'origine avec des gouttes de bronze encadrant le centre du tablier, aujourd'hui disparues Hauteur: 96,5 cm. (38 in.), Largeur: 167 cm. (65 in.), Profondeur: 49 cm. (19 in.)

A LOUIS XVI ORMOLU-MOUNTED EBONY AND BOULLE MARQUETRY COMMODE DECORATED WITH FLORENTINE AND GOBELINS PIETRA DURA PANELS, STAMPED M.CARLIN AND A.WEISWEILER
Provenance
- Collection Rothschild, Paris.
- Achete pour la collection Akram Ojjeh auprs de la galerie Segoura en 1983.
Literature
F.J.B. Watson, Louis XVI Furniture, Londres, 1960, no. 13.
P.Lemonnier, Weisweiler, Paris, 1983, pp.50-51.
K.Clark, Great Private collections, 1963, p.172.
A.Gonzlez-Palacios, Mosaques et pierres dures, Paris, 1991, p.49.

Lot Essay

George IV, roi d'Angleterre, possda trois commodes d'poque Louis XVI enrichies de pierres dures dont seules deux figurent encore dans les collections royales. Son dernier achat fut, en 1828, un meuble estampill de l'bniste Martin Carlin qui avait appartenu Mademoiselle Laguerre jusqu'en 1782, Besenval jusqu'en 1795, au marchand Julliot jusqu'en 1802 et enfin au receveur gnral des finances Lapeyriere jusqu'en 1825. Ce meuble resta donc en France au moins jusqu'en 1825 et fut achet par George IV pour meubler le chteau de Windsor.

Quant aux deux autres meubles en pierre dure que le prince possda, seul un document atteste leur prsence ds la fin du XVIIIme sicle. Le 14 fvrier 1793, l'inventaire dress par la banque Coutts de Londres des biens du prince de Galles, le futur George IV, signalait dans le salon du conseil de Carlton House
A Superb Commode of Inlaid Marble imitating Fruits enrich'd with Or Molu Ornaments,
Companion to Ditto
.
La "Council chamber" occupait l'emplacement de l'ancienne chambre du prince en 1784, avant de faire partie de l'appartement de Caroline de Brunswick en 1794. Il est donc probable que cette pice ait t amnage par Holland et le marchand-mercier Dominique Daguerre, ce dernier fournissant, par ailleurs, une chemine de marbre blanc.

Ces deux commodes provenaient certainement du magasin de Daguerre, cependant nous ignorons si le prince les avaient commandes Daguerre ou s'il les avait achetes lors de la vente qu'organisa James Christie, les 25 et 26 mars 1791, du stock de ce marchand Londres. Fait trange, cette vente comportait justement trois commodes enrichies de pierres dures. Le premier jour de la vente, sous le numro 59 figurait: an elegant ebony cabinet, the front curiously and beautifully inlaid with gems, comprised of precious stones from Florence, brocadella marble top. superbly mounted in ormolu 115L.
Cette description correspond davantage la commode conserve dans la collection royale britannique. Estampille Adam Weisweiler, elle tait dj documente ds 1807, date laquelle Benjamin Vulliamy redora ses bronzes (Windsor Castle, inv.RA.25247), reproduite dans Carlton House, The Queen's Gallery, Londres, 1991, pp.76-77, no.28.

La seconde commode de la vente de 1791 tait dcrite sous le lot 42 an elegant ebony cabinet, the front curiously and beautifully inlaid with gems, comprised of precious stones from Florence and brocadella marble top superbly mounted in ormoulu 110L.
Cette commode fut achete par un certain GW que Collin Streeter a rapproch de 'George Prince of Wales'.
La dernire commode fut vendue sous le numro 44 A superb and singularly elegant ebony commode curiously inlaid with metals enriched with scarce valuable gems of fruits, flowers and statuary marble top and richly mounted in ormolu. The tout ensemble superlatively fine 225 L.

Le sort de l'une des deux commodes de Carlton House demeure inconnu. Fut-elle vendue? Ou plus certainement offerte un des amis du prince. Dans tous les cas, elle quitta la collection du prince avant 1806 date laquelle le Journal des sorties, conserv dans les archives anglaises, ne mentionne aucun meuble de ce type.
Un autre lment vient renforcer l'hypothse d'une commande ou d'un achat du prince de Galles: les deux commodes, celle conserve dans la collection royale et celle de la collection Akram Ojjeh, prsentent un frise identique de feuilles d'acanthe. Cet lment peut tre rapproch de l'inventaire Coutts de 1793 o il est prcis que la seconde commode tait companion la premire et non formant paire.

Julliot ou Daguerre
En novembre et dcembre 1777, la vente qui suivit le dcs de l'pouse du marchand-mercier Claude-Franois Julliot comportait quinze plaques, montes en tableaux. Leur fils, Philippe-Franois signa et data de 1784 le dessin d'un meuble en pierre dure, conserv au muse des Arts Dcoratifs.
Ce meuble ne fut jamais excut mais la plaque centrale fut utilise sur une commode non estampille datable des annes 1785-1787, conserve au moins depuis 1818 au palais royal de Stockholm. Quant aux plaques latrales, d'autres similaires se retrouvent sur la commode de Mademoiselle Laguerre, attribue Daguerre ds 1795 dans le catalogue de la vente Besenval.

Les Julliot, semble-t-il, ne travaillrent pas avec Carlin et Weisweiler mais plutt avec Joseph, Montigny, Delorme et surtout Levasseur.
Carlin travailla essentiellement pour les marchands-merciers associs Poirier et Daguerre, mais galement avec les frres Darnault.
Quant Weisweiler, sa collaboration constante avec Daguerre est abondamment dmontre.
Ces lments, ainsi que par le dessin gnral du meuble, plus moderne et plus conforme l'esthtique de Daguerre, permettent de conclure avec vraisemblance que la commode de la collection Akram Ojjeh provient des magasins de Daguerre.

La premire partie du rgne de Louis XIV avait t profondment influence par l'Italie: un luxe extrme, presque tapageur, une abondance de couleurs, de matriaux prcieux glorifaient le jeune roi. Ce style flamboyant prit fin avec la disgrce de Madame de Montespan et les revers militaires que connut la seconde partie du rgne.
Les grands cabinets se dmodrent peu peu. Ils furent relgus puis oublis, et l'administration du Garde Meuble entreprit ds 1741 de s'en dbarrasser. Les vacations s'chelonnrent jusqu'en 1752. Ainsi un cabinet d'bne dont la faade tait couverte de tableaux de pierres de rapport qui reprsentaient des paysages fut vendu en 1751 au marchand La Hoguette.
En 1772, la duchesse de Choiseul confiait Walpole le soin de vendre en Angleterre un bureau orn de tableaux en mosaque de Florence achet en Italie par son beau-frre l'archevque de Cambrai et que ce dernier lui avait offert. Cette ngociation choua et la duchesse dut vendre son bureau en France peu de temps aprs puisqu'il n'est pas mentionn dans l'inventaire aprs-dcs du duc en 1785.

C'est d'un meuble plus ancien que proviennent les plaques de pierres dures. En effet, au dmontage des six plaques subsiste sur l'envers un trou ayant certainement servi la fixation de l'anneau de tirage d'un tiroir de cabinet. Les trous ont t grossirement obturs sur l'envers quand les plaques furent mises en place sur la commode et sur l'endroit afin que le travail soit plus parfait, un morceau de pierre fut ajout: navire, nuage, voile, etc.
Les trous de fixation se retrouvent sur des plaques du mme sujet garnissant un autre meuble.

Le secrtaire estampill Carlin, entr au Louvre en 1988 (OA 11176), est orn en faade de quatre plaques sujet de marines. Ces plaques portent des traces de trous de fixation de poignes. Ce secrtaire appartint au XVIIIme sicle au marquis de Nesles et fut probablement achet chez Daguerre en 1786 pour 1798 livres.
Une table galement estampille Carlin, conserve au Muse National du chteau de Versailles (inv.Vmb 13753), parat porter trace de ces trous de fixation, mais hlas, les plaques n'ont pu tre dmontes. Cette table appartenait en 1774 Madame du Barry qui l'avait probablement reue en prsent avant de l'offrir au duc de Brissac chez qui elle fut saisie en 1793.
Les onze plaques garnissant la commode de la collection Akram Ojjeh et les deux meubles du Louvre et de Versailles proviennent certainement du mme meuble; probablement un cabinet garni de plaques sujet de marines, faites Florence la fin du XVIIme sicle ou au tout dbut du XVIIIme sicle dans les ateliers grands ducaux dirigs par Giovanni Battista Foggini.

La dcouverte de trois estampilles de Martin Carlin sur ce meuble permet de retracer la cration de cette commode aux environs de 1786. Carlin mourut le 6 mars 1785 et la commode n'est pas mentionne dans l'inventaire aprs dcs dress le 20 avril suivant. Comme le prvoyaient les rglements de la corporation des matres-bnistes, la veuve de Carlin conserva le droit d'utiliser l'estampille de son dfunt mari, tout au moins jusqu' son remariage avec l'bniste Gaspard Schneider. L'accession la matrise de ce dernier eut lieu le 15 mars 1786.

Quant aux bronzes, les chutes des cts figurent sur de nombreux meubles estampills Carlin:
- Secrtaire en cabinet du Muse du Louvre (OA 10419)
- Commode du Muse du Louvre, dation E. de Rothschild (OA 11294)

La frise d'acanthes se retrouve sur la commode du Muse du Louvre, donation Grog-Carven (OA 10481), illustre dans la Revue du Louvre, 1974, no.2, p.127, fig.6, mais aussi sur le secrtaire estampill de Weisweiler provenant de Pavlovsk, vente Sotheby's Londres, le 24 novembre 1988, lot 33.

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