RARE SCULPTURE, 'CHAT POLYMORPHE'
PROVENANT DES COLLECTIONS DE MADAME CHARLOTTE AILLAUD "Cette maison fut non seulement une des plus belles de Paris, mais une des plus accueillantes. Elle fut aussi une des mieux habitées..." C'est par cette phrase que débute le reportage consacré - dans le numéro 12 du magazine L'Egoïste - au 10, rue du Dragon, le célèbre "Dragon", domicile parisien pendant plus de trente ans d'Emile et Charlotte Aillaud. Architecte réputé, Emile Aillaud débute sa carrière avant-guerre. Il se définit alors lui-même comme "un nègre adroit et assez bien payé". En 1939 il réalise le Pavillon Français de l'Exposition Universelle de New York, "l'apothéose de cette période légère..." Au début des années cinquante, il s'exerce avec succès à "faire des villes qui permettent à chacun d'être" : Les Courtillères à Pantin, le Grande Borne à Grigny, pour laquelle il commande à François-Xavier Lalanne ce qui sera sa première oeuvre monumentale : 'Deux pigeons' de 4,50 m de hauteur en béton peint, installée Place de la Treille. Après lui avoir dit : "Faites ce que vous voulez, mais arrangez-vous pour que ce soit trop grand", le chat polymorphe, surdimensionné, fait son entrée dans le grand salon du "Dragon". C'est un raminogrobis à mamelles, queue de poisson, cuisses de taureau et pieds ongulés de truie. Il tourne la tête et cligne de l'oeil, son ventre s'ouvre en bar muni de chauffe-plats et de cave à liqueurs... Quels sont ceux alors qui ne se sont pas pressés autour de lui, pour répondre à l'invitation de celle qui est une des plus brillantes hôtesses de Paris, passionnée de musique et de littérature, Charlotte Aillaud, épouse d'Emile Aillaud. "Elle est l'élégance personnifiée et possède avant tout celle du coeur" écrit d'elle Françoise Sagan, son amie. Tout ce que Paris compte alors d'artistes et de gens du monde, mélangés par la grâce de son imagination inventive et de sa délicatesse, se sont retrouvés aux fêtes mémorables du "Dragon". Joseph Losey évoquait ainsi la maîtresse de maison : "She is stylish, highly intelligent, deeply cultured". Autour du Poisson-Chat, témoin sans doute blasé de ces divertissements, se rencontraient Rudolph Noureev, Herbert von Karajan, Maria Callas, Marie-Hélène de Rothschild, Juliette Gréco et s'asseyaient à une même table Hélène Rochas, Yves Saint-Laurent, Truman Capote, Françoise Sagan, César, Alexis de Rédé, Madame Georges Pompidou, Brancho et Cristiana Brandolini, Clara Saint, Hugues Gall ou Pierre Combescot. Le chat possède un bar secret où Rolf Lieberman conduisait A. Kraus, Rostropovich et L. Bernstein après l'opéra. Le Poisson-Chat avait-il réellement envie de se résigner devant ces divertissements ?
RARE SCULPTURE, 'CHAT POLYMORPHE'

FRANÇOIS-XAVIER LALANNE, 1968

Details
RARE SCULPTURE, 'CHAT POLYMORPHE'
François-Xavier Lalanne, 1968
En tôle de laiton, soudure de laiton, bois et armature d'acier, formant bar, il ouvre sur les deux flancs latéraux par deux ailes dévoilant quatre tablettes mobiles, des casiers et seaux en tôle, la tête de chat mobile de droite à gauche comportant une paupière également mobile, le bas ventre agrémenté de mamelles, les pattes finissant à ergots et sabots, la queue de poisson profilée
Hauteur : 204 cm. (80½ in.) ; Longeur : 350 cm. (138 in.) ; Profondeur : 60 cm. (23¾ in.)
Signé sur chaque aile F X L et cachet FRANCOIS LALANNE, daté 68
Provenance
Collection privée Charlotte Aillaud.
Literature
Vogue Italie, ?????????????????, 1970

John Russel, Les Lalanne, catalogue d'exposition, Editions Centre d'Art et de Culture du Centre Pompidou, Musée d'Art Moderne, Paris, 1975, p. 16, 17 et 18 pour un dessin préparatoire et un détail de la tête.

Barbara Wirth et Pascal Hinous, Leurs Tables, Editions E.P.A, Paris, 1987, p. 181.

Charlotte Aillaud, Rue du Dragon, Revue Egoîste, Paris, no 12, tome II, 1992??, p. 197.

Daniel Marchessau, Les Lalannes, Flammarion, Paris, 1998, p. 110-111
Exhibited
CNAC (Centre National d'Art Contemporain), Les Lalanne, Paris, rue Berryer, 5 juin-13 juillet 1975.
Musée Boymans, Les Lalanne, Rotterdam, 1975.
Château de Chenonceau, Les Lalanne, 1991.
Jardins de Bagatelle, Les Lalanne à Bagatelle, Paris, 1998.
Further details
"Si l'on devait nous comparer à des musiciens, ma femme serait une improvisatrice et moi celui qui écrit totalement sa partition avant de la jouer."

A leurs débuts François-Xavier et Claude Lalanne réalisent des vitrines pour Jean-François Daigre chez Christian Dior (dont un grand dragon chinois en tuyau de poêle), des praticables pour la scène (notamment pour La Damnation de Faust par Maurice Béjart), des décors pour la télévision et le cinéma à la demande de Vadim, Dhéry ou Broca... Mais ces travaux en coulisses ne les satisfont pas.

Cest à l'initiative de Nikki de Saint-Phalle et Jean Tinguely qu'Alexandre Iolas découvre une de leurs premières expositions dans la galerie????, dirigée par la femme de Pierre Restany, rue Clément (ou Lobineau) à Saint-Germain-des-Prés. Il décide alors de les exposer dans sa propre galerie, bd du Montparnasse, où leurs oeuvres cotoient celles de Magritte, Max Ernst, Matta, Tinguely, Nikki de Saint-Phalle, Jean-Pierre Raynaud et Martial Raysse.

Dès ses premières sculptures, Lalanne privilégie le lisse et le plein qui l'avaient ému dans les salles archéologiques du Louvre comme chez Brancusi. Cette propension à la rondeur, le goût du modelé qui caractérisent déjà les Moutons à la toison moelleuse, sert la bonne humeur de son propos ; "Les gens ont des intérieurs ennuyeux. Il n'y a pas de raison et les artistes ne doivent pas l'être. Calder n'était pas ennuyeux (...) Cela m'amuse de mettre une dimension utilitaire dans la sculpture. On a trop sacralisé l'art en Occident. Le fait de donner un usage à une sculpture lui restitue une dimension familière et la descend un peu de son piédestal. Les anciens ne pouvaient pas penser à une oeuvre d'art sans penser à son utilité". A la fin des années 60, entrent donc dans quelques demeures, comme le cheval à Troie, les premiers animaux de Lalanne, sculptures à petits secrets et grandes transformations.

Pour l'exécution de ces grandes sculptures, la méthode n'a pas varié depuis ses débuts : François-Xavier dessine d'abord un esquisse, mise au carreau puis agrandie sur papier quadrillé. Il fabrique ensuite aux cotes une armature en volume avec du fil de fer et découpe des patrons de papier, qu'il dispose à l'emplacement des futures feuilles de métal. Il détoure alors ces formes sur des plaques de cuivre, fer, etc., qui sont découpées puis martelées, battues, forgées, jusqu'à complétion de la forme. L'assemblage minutieux par soudures précède la touche finale.

Marmottes et Mouflons, Moutons et Liserons, Choupattes et Petite chouette perchée, Pieds-Lotus et Gorille de sûreté, Centaure enfin (1985), autant de créatures hybrides qui portent la signature commune de Claude et François-Xavier Lalanne : leur monde apparie allègrement animal, végétal, humain, délié et plein, appartement et jardin, sculpture et ornement, mobilier, monument...au point que chaque chose sortie de leurs mains à tous deux apparaît d'une même espèce sans précédent. Il est ainsi peuplé de créatures qui ne seraient pas nées sans eux, mais savent bien vivre avec nous : peuplé des Lalannes - le meilleur mot, le seul capable d'évoquer ce qui ne saurait exister, s'ils ne l'avaient pas inventé.

Nous remercions infiniment Daniel Marchesseau, auteur de l'ouvrage Les Lalanne, Flammarion, Paris, 1998, de nous avoir autorisé à citer son texte.


A RARE SCULPTURE, 'POLYMORPHOUS CAT'
By François-Xavier Lalanne, 1968
A repoussé brass animal, ordered in 1968 by Emile Aillaud a famous French architect and his wife Charlotte Aillaud, one of the greatest Parisian hostesses, combining a fish's tail, bird's wings and a cat's head. So typical and indicative of François-Xavier Lalanne's poetic world, it introduces a fantastic and enchanting dimension to our daily life. The artist, well-known French sculptor largely inspired by the animal world, developed a bestiary, tinted with humour and a strange and fascinating charm.

Working very closely which each other, Claude and François-Xavier Lalanne started their carreer by setting up vitrines for Jea-François Daigre at Christian Dior, by creating decors for the theater, the television or the cinema in collaboration with Vadim, Dhéry or Brocca...
It is Nikki de Saint-Phalle and Jean Tinguely who pointed out their work to the contemporary art dealer Alexandre Iolas. The latter decided short after to exhibit their work in his own gallery, bld du Montparnasse, Paris, next to Magritte, Max Ernst, Matta, Tinguely, Nikki de Saint-Phalle, Jean-Pierre Raynaud and Martial Raysse.

The sculpture offered here was only executed in two examplars, at the same period: one for Charlotte and Emile Aillaud, one for Alexandre Iolas. Both were realised in the artist's studio, entirely by himself. The second piece, commissionned by Iolas, disseapered already many years ago and no one can trace it till today.

The cat was seated in Charlotte and Emile Aillaud's salon, in their house 10, rue du Dragon - Paris, very famous address in Paris for the magnifiscent feasts and diners they used to gave and which assembled the Tout Paris, seeing at the same table Rudolph Noureev, Herbert von Karajan, Maria Callas, Marie-Hélène de Rothschild, Hélène Rochas, Yves Saint-Laurent and so many others as Truman Capote, Françoise Sagan, César, Brancho and Cristiana Brandolini

Lot Essay

François-Xavier Lalanne réalisa deux sculptures du Chat Polymorphe, l'une pour Charlotte et Emile Aillaud, l'autre pour Alexandre Iolas. Les deux ont été exécutés dans l'atelier à la même période et ont été entièrement montées au marteau, à la main, par l'artiste lui-même. Ce sont les deux seuls exemplaires de cette sculpture existants.
L'exemplaire appartenant à Alexandre Iolas a été montré à deux reprises, dans la galerie milanaise de ce marchand en 1970 avant d'être exposé en 1972 dans sa galerie parisienne. Nous n'avons plus trace de cet exemplaire aujourd'hui

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