Lot Essay
En provenance de Russie
Ce bureau fit partie des collections impériales russes.
Datant des années 1745-1755, on ignore les circonstances qui le conduisirent en Russie. A cette époque, les souverains transportaient encore leur meubles d'une résidence à l'autre et le mobilier français représentait le sommet du luxe et du raffinement.
Le catalogue de la vente du 12 juin 1973, dans laquelle a figuré le présent bureau, évoque un cadeau de Louis XV. En effet, en 1745, Louis XV, sur les conseils de son ambassadeur, le marquis de la Chétardie, offrit à l'impératrice, un bureau en forme de secrétaire, espérant ainsi gagner son appui dans la guerre de succession d'Autriche. Ce bureau, dont on a aujourd'hui perdu la trace, fut livré par le marchand Thomas-Joachim Hébert et coûta 7255 livres. Il est décrit comme suit au moment de l'envoi: Un bureau de cabinet de six pieds de long sur trois de large, de bois violet à compartiments avec ses pieds de biche, quart de rond et autres ornements de bronze doré. Il était accompagné d'une petite armoire assortissante de trois pieds quatre pouces de largeur allant au bout du bureau ; un serre-papiers d'environ trois pieds de haut qui se place sur la petite armoire et d'une pendule traitée dans le même goût pour terminer le serre papiers. Le modèle et les dimensions écartent donc cette hypothèse.
De nombreux meubles français furent importés sous le règne d'Elisabeth I (1741- 1762), fille de Pierre le Grand. Ainsi, Louis XV offrit également des meubles au Comte Mikhaïl Illarionovitch Vorontsov (1714-1767), chancelier d'Elisabeth et très favorable à l'alliance française. C'était aussi un grand amateur de meubles français. A la fin de 1745, il fit un voyage en France, accompagné de sa femme Anna, cousine germaine de l'impératrice, sous le nom de comte de Maslow. Il fut reçu par la reine à Versailles. Le roi lui offrit meubles et tapisseries. Et, en 1758, il envoya en France son tapissier Corner pour y effectuer des achats destinés à son palais construit par Bartolomeo Rastrelli de 1749 à 1757. Dans ses mémoires, la princesse Dashkov, nièce de Vorontsov, présidente de l'Académie des Sciences sous Catherine II, témoigne de la politesse et l'élégance raffinée de la société qui fréquentait la maison de son oncle ainsi que du goût tout européen qui avait présidé à son ameublement et à sa décoration, assez magnifique pour lui assigner à juste titre, le rang de résidence princière.
Nous savons également que les ambassadeurs de France envoyés en Russie s'y rendaient avec un ameublement luxueux qu'il revendaient à leur départ.
Les ventes d'oeuvres d'art par les soviétiques
A la fin des années 1920 l'effondrement des réserves d'or de l'URSS et la baisse du prix des matières premières amenèrent les soviétiques à trouver de nouvelles sources de devises pour financer l'industrialisation et l'achat à l'étranger de biens d'équipement.
C'est alors que les ventes d'oeuvres d'art, commencées pratiquement dès l'arrivée au pouvoir des bolchéviques apparurent comme la solution. Elles s'intensifièrent donc à partir de 1928 avec la mise en place de l'Antikvariat, organe chargé de la sélection, l'estimation et la dispersion des oeuvres. Tandis que jusqu'alors les oeuvres majeures avaient été épargnées, on ordonna la vente des collections des palais et de celles exposées dans les musées soit aux étrangers, marchands et commissionnaires se rendant en Russie, soit par l'intermédiaire de maisons de ventes aux enchères et principalement Rudolf Lepke en Allemagne.
François and Pierre Garnier
L'initiale de l'estampille est très difficilement lisible et il pourrait s'agir autant d'un F que d'un P. Ainsi ce bureau a été attribué tantôt à François Garnier lors de la vente de Berlin, tantôt à Pierre Garnier par la suite. Selon François de Salverte, l'estampille du père est en un seul bloc tandis que nous trouvons une estampille F.GARNIER sur une commode passée en vente chez Christie's à New York, le 18 octobre 2002, lot 594. L'estampille FG peut lui être aussi attribuée. Un bureau en pente de belle qualité, estampillé FG, orné d'une marqueterie de bois de bout sur fond de satiné et de beaux bronzes ciselés et dorés est passée en vente à Paris, le 21 juin 1977, lot 97.
François Garnier fit partie des jurés de la communauté des menuisiers-ébénistes parisiens de 1742 à 1744. Il céda son fonds à son fils en 1754 et mourut en 1774.
Pierre Garnier, ébéniste parisien de renom, est surtout connu pour ses oeuvres caractéristiques du style à la grecque des années 1760 alors que l'un de ses principaux clients est le marquis de Marigny. Formé dans l'atelier de son père François Garnier, il fut reçu maître à la fin de l'année 1742, à l'âge de quinze ans. Notre bureau datant des années 1745-55 serait donc l'oeuvre d'un artisan au génie précoce, très inspiré des oeuvres de son père ou de celles livrées par Hébert et BVRB en 1745 pour l'appartement du Dauphin et de la Dauphine à Versailles. Notons cependant que la restauration et l'entretien des meubles constituaient une part importante de son activité, tandis qu'il était également qualifié de maître et marchand ébéniste en 1760.
Bien que l'essentiel de son oeuvre soit de style Louis XVI, on trouve son estampille sur plusieurs meubles de style Louis XV. Citons une table à écrire dont le plateau est marqueté de fleur en bois de bout sur fond de satiné (C. Huchet de Quénetain, Pierre Garnier, Paris, 2003, p. 91) et plusieurs bureaux plats:
- Collection Wrightsman, vente Sotheby's New York, le 5 mai 1984, lot 214, orné de bronze doré de style rocaille.
- Christie's New York, le 5 novembre 1986, lot 203.
- Collection Knud Abildgaard, vente Copenhague, Bruun Rasmussen, 22 avril 1987, lot 35 ; Sotheby's Londres, le 24 novembre 1988, lot 11 ; Sotheby's Londres, le 11 décembre 1992, lot 241 ; Christie's Londres, le 12 juin 1997, lot 93 ; Christie's Londres, le 2 décembre 1997, lot 73.
BVRB et la mode des Indiennes
Ce bureau est fortement inspiré des oeuvres de BVRB, contemporain de François Garnier, livrées en 1745 par l'intermédiaire du marchand-mercier Thomas-Joachim Hébert au Garde-meuble de la Couronne, dont le secrétaire en pente du Cabinet Intérieur de la dauphine Marie-Thérèse-Raphaelle d'Espagne à Versailles portant le numéro 1344 - Un secrétaire de bois satiné à fleur de placage de bois violet dans des compartiments de bois d'amarante, enrichi d'ornements, moulures, cartouches, encoignures, et pieds de bronze doré d'or moulu. Il est illustré dans Daniel Meyer, Le Mobilier de Versailles XVIIème et XVIIIe siècles, Tome 1, Dijon, 2002, pp. 108-111. Ce bureau présente un décor et une agrafe en forme de cartouche rocaille située au centre de la ceinture assez proches de ceux du bureau que nous vendons aujourd'hui.
Un autre bureau, estampillé de BVRB, passé en vente chez Christie's, New York, collection Alexander, le 30 avril 1999, lot 103, présente également de nombreuses similitudes: le décor de fleurs en marqueterie de bois de bout parmi des rinceaux et le motif de palmette au dos. En effet, BVRB utilisa plusieurs fois ce motif de côtes simulant une coquille sur des bureaux à pente comme celui vendu à Paris, Drouot Montaigne, le 6 novembre 1991, lot 35 provenant des collections Seligmann et Polès ou celui qui lui a été attribué vendu à Paris, le 20 décembre 2000, lot 235. Mais il ne fut pas le seul à employer ce motif simulant la matière rocaillée puisqu'il se retrouve sur une commode estampillée DF conservée au J.Paul Getty Museum à Malibu.
Ce secrétaire à pente présente un fin décor de rinceaux fleuris, à la manière des tissus d'indiennes, parmi des enroulements et réserves en volute. Le cartouche central presque en forme de coeur se mêle à des spirales légèrement "à la grecque". Parmi eux, se dissimulent, énigmatiques, les quatre couleurs des cartes à jouer, le trèfle, le coeur, le carreau, et le pique se dissimulent. Peut-être évoquent-ils la primauté du travail sur l'oisiveté.
Le motif de fleurs en marqueterie de bois de bout fut très à la mode dans les années 1745 et rappelle le motif des tissus d'indienne et d'ameublement. Ainsi les projets de tenture pour Choisy de 1743 présentent des branchages fleuris dans des bordures ou des réserves de volutes et coquilles ajourées.
Ce bureau fit partie des collections impériales russes.
Datant des années 1745-1755, on ignore les circonstances qui le conduisirent en Russie. A cette époque, les souverains transportaient encore leur meubles d'une résidence à l'autre et le mobilier français représentait le sommet du luxe et du raffinement.
Le catalogue de la vente du 12 juin 1973, dans laquelle a figuré le présent bureau, évoque un cadeau de Louis XV. En effet, en 1745, Louis XV, sur les conseils de son ambassadeur, le marquis de la Chétardie, offrit à l'impératrice, un bureau en forme de secrétaire, espérant ainsi gagner son appui dans la guerre de succession d'Autriche. Ce bureau, dont on a aujourd'hui perdu la trace, fut livré par le marchand Thomas-Joachim Hébert et coûta 7255 livres. Il est décrit comme suit au moment de l'envoi: Un bureau de cabinet de six pieds de long sur trois de large, de bois violet à compartiments avec ses pieds de biche, quart de rond et autres ornements de bronze doré. Il était accompagné d'une petite armoire assortissante de trois pieds quatre pouces de largeur allant au bout du bureau ; un serre-papiers d'environ trois pieds de haut qui se place sur la petite armoire et d'une pendule traitée dans le même goût pour terminer le serre papiers. Le modèle et les dimensions écartent donc cette hypothèse.
De nombreux meubles français furent importés sous le règne d'Elisabeth I (1741- 1762), fille de Pierre le Grand. Ainsi, Louis XV offrit également des meubles au Comte Mikhaïl Illarionovitch Vorontsov (1714-1767), chancelier d'Elisabeth et très favorable à l'alliance française. C'était aussi un grand amateur de meubles français. A la fin de 1745, il fit un voyage en France, accompagné de sa femme Anna, cousine germaine de l'impératrice, sous le nom de comte de Maslow. Il fut reçu par la reine à Versailles. Le roi lui offrit meubles et tapisseries. Et, en 1758, il envoya en France son tapissier Corner pour y effectuer des achats destinés à son palais construit par Bartolomeo Rastrelli de 1749 à 1757. Dans ses mémoires, la princesse Dashkov, nièce de Vorontsov, présidente de l'Académie des Sciences sous Catherine II, témoigne de la politesse et l'élégance raffinée de la société qui fréquentait la maison de son oncle ainsi que du goût tout européen qui avait présidé à son ameublement et à sa décoration, assez magnifique pour lui assigner à juste titre, le rang de résidence princière.
Nous savons également que les ambassadeurs de France envoyés en Russie s'y rendaient avec un ameublement luxueux qu'il revendaient à leur départ.
Les ventes d'oeuvres d'art par les soviétiques
A la fin des années 1920 l'effondrement des réserves d'or de l'URSS et la baisse du prix des matières premières amenèrent les soviétiques à trouver de nouvelles sources de devises pour financer l'industrialisation et l'achat à l'étranger de biens d'équipement.
C'est alors que les ventes d'oeuvres d'art, commencées pratiquement dès l'arrivée au pouvoir des bolchéviques apparurent comme la solution. Elles s'intensifièrent donc à partir de 1928 avec la mise en place de l'Antikvariat, organe chargé de la sélection, l'estimation et la dispersion des oeuvres. Tandis que jusqu'alors les oeuvres majeures avaient été épargnées, on ordonna la vente des collections des palais et de celles exposées dans les musées soit aux étrangers, marchands et commissionnaires se rendant en Russie, soit par l'intermédiaire de maisons de ventes aux enchères et principalement Rudolf Lepke en Allemagne.
François and Pierre Garnier
L'initiale de l'estampille est très difficilement lisible et il pourrait s'agir autant d'un F que d'un P. Ainsi ce bureau a été attribué tantôt à François Garnier lors de la vente de Berlin, tantôt à Pierre Garnier par la suite. Selon François de Salverte, l'estampille du père est en un seul bloc tandis que nous trouvons une estampille F.GARNIER sur une commode passée en vente chez Christie's à New York, le 18 octobre 2002, lot 594. L'estampille FG peut lui être aussi attribuée. Un bureau en pente de belle qualité, estampillé FG, orné d'une marqueterie de bois de bout sur fond de satiné et de beaux bronzes ciselés et dorés est passée en vente à Paris, le 21 juin 1977, lot 97.
François Garnier fit partie des jurés de la communauté des menuisiers-ébénistes parisiens de 1742 à 1744. Il céda son fonds à son fils en 1754 et mourut en 1774.
Pierre Garnier, ébéniste parisien de renom, est surtout connu pour ses oeuvres caractéristiques du style à la grecque des années 1760 alors que l'un de ses principaux clients est le marquis de Marigny. Formé dans l'atelier de son père François Garnier, il fut reçu maître à la fin de l'année 1742, à l'âge de quinze ans. Notre bureau datant des années 1745-55 serait donc l'oeuvre d'un artisan au génie précoce, très inspiré des oeuvres de son père ou de celles livrées par Hébert et BVRB en 1745 pour l'appartement du Dauphin et de la Dauphine à Versailles. Notons cependant que la restauration et l'entretien des meubles constituaient une part importante de son activité, tandis qu'il était également qualifié de maître et marchand ébéniste en 1760.
Bien que l'essentiel de son oeuvre soit de style Louis XVI, on trouve son estampille sur plusieurs meubles de style Louis XV. Citons une table à écrire dont le plateau est marqueté de fleur en bois de bout sur fond de satiné (C. Huchet de Quénetain, Pierre Garnier, Paris, 2003, p. 91) et plusieurs bureaux plats:
- Collection Wrightsman, vente Sotheby's New York, le 5 mai 1984, lot 214, orné de bronze doré de style rocaille.
- Christie's New York, le 5 novembre 1986, lot 203.
- Collection Knud Abildgaard, vente Copenhague, Bruun Rasmussen, 22 avril 1987, lot 35 ; Sotheby's Londres, le 24 novembre 1988, lot 11 ; Sotheby's Londres, le 11 décembre 1992, lot 241 ; Christie's Londres, le 12 juin 1997, lot 93 ; Christie's Londres, le 2 décembre 1997, lot 73.
BVRB et la mode des Indiennes
Ce bureau est fortement inspiré des oeuvres de BVRB, contemporain de François Garnier, livrées en 1745 par l'intermédiaire du marchand-mercier Thomas-Joachim Hébert au Garde-meuble de la Couronne, dont le secrétaire en pente du Cabinet Intérieur de la dauphine Marie-Thérèse-Raphaelle d'Espagne à Versailles portant le numéro 1344 - Un secrétaire de bois satiné à fleur de placage de bois violet dans des compartiments de bois d'amarante, enrichi d'ornements, moulures, cartouches, encoignures, et pieds de bronze doré d'or moulu. Il est illustré dans Daniel Meyer, Le Mobilier de Versailles XVIIème et XVIIIe siècles, Tome 1, Dijon, 2002, pp. 108-111. Ce bureau présente un décor et une agrafe en forme de cartouche rocaille située au centre de la ceinture assez proches de ceux du bureau que nous vendons aujourd'hui.
Un autre bureau, estampillé de BVRB, passé en vente chez Christie's, New York, collection Alexander, le 30 avril 1999, lot 103, présente également de nombreuses similitudes: le décor de fleurs en marqueterie de bois de bout parmi des rinceaux et le motif de palmette au dos. En effet, BVRB utilisa plusieurs fois ce motif de côtes simulant une coquille sur des bureaux à pente comme celui vendu à Paris, Drouot Montaigne, le 6 novembre 1991, lot 35 provenant des collections Seligmann et Polès ou celui qui lui a été attribué vendu à Paris, le 20 décembre 2000, lot 235. Mais il ne fut pas le seul à employer ce motif simulant la matière rocaillée puisqu'il se retrouve sur une commode estampillée DF conservée au J.Paul Getty Museum à Malibu.
Ce secrétaire à pente présente un fin décor de rinceaux fleuris, à la manière des tissus d'indiennes, parmi des enroulements et réserves en volute. Le cartouche central presque en forme de coeur se mêle à des spirales légèrement "à la grecque". Parmi eux, se dissimulent, énigmatiques, les quatre couleurs des cartes à jouer, le trèfle, le coeur, le carreau, et le pique se dissimulent. Peut-être évoquent-ils la primauté du travail sur l'oisiveté.
Le motif de fleurs en marqueterie de bois de bout fut très à la mode dans les années 1745 et rappelle le motif des tissus d'indienne et d'ameublement. Ainsi les projets de tenture pour Choisy de 1743 présentent des branchages fleuris dans des bordures ou des réserves de volutes et coquilles ajourées.