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CASSOLETTE D'EPOQUE LOUIS XVI
En bronze ciselé, doré à deux tons et argenté, le couvercle surmonté d'une graine et de feuilles d'acanthe, le col ajouré à décor de chutes de fleurs, le corps ceint d'une frise de rosaces dans des entrelacs, soutenu par des cygnes aux ailes déployées tenant dans leur bec des guirlandes de fleurs, perchés sur un socle circulaire décoré au centre d'une rosace, d'une frise de branchage de houx, de canaux et de rinceaux fleuris
Hauteur: 32 cm. (12½ in.), Largeur: 22 cm. (8¾ in.)
Provenance
Très probablement provenant des collections impériales russes.
Vente à Berlin, Rudolphe Lepke, le 6 novembre 1928, lot 152.
Collection Jacques Helft, selon la tradition familiale.
Ancienne collection Arthur Veil-Picard puis par descendance.
Further details
A LOUIS XVI ORMOLU TWO-TONE AND SILVERED CASSOLETTE

Lot Essay

Datant des années 1780, cette cassolette, bien que ne portant aucune marque, fit très probablement partie des collections impériales russes. Elle fut vendue aux enchères par les soviétiques, par l'intermédiaire de la maison Rudolph Lepke à Berlin, le 6 novembre 1928, parmi d'autres oeuvres provenant de l'Hermitage, du palais Michel et de Gatchina. S'agit-il d'un achat du futur Paul Ier, qui fit le tour de l'Europe de 1781 à 1785 sous le nom de comte du Nord, et qui visitant le 25 mai 1782 le marchand-mercier Dominique Daguerre, lui acheta de nombreux objets d'art et pièces de mobilier?


Le modèle

Au XVIIIème siècle, les cassolettes, ou brûle-parfums, servaient à brûler l'encens. Cette matière aromatique, liée aux cérémonies de culte et à laquelle on attribue des pouvoirs magiques a un caractère hautement symbolique, comme en témoigne un mot de Lady Montagu adressé à Madame du Deffand en 1778, Il ne me reste qu'une ressource, c'est de vous traiter comme une Divinité et de vous offrir simplement de l'encens: c'est le culte le plus pur et le moins téméraire. Je vous prie, madame, de me permettre de vous offrir deux cassolettes, où j'ai mis des aromatiques. Les ignorants et les barbares se servent de signes et de symboles au défaut de paroles; de l'encens que je vous présente puisse-t-il vous faire entendre tout le respect, l'attachement et la reconnaissance avec lesquels j'ai l'honneur d'être, [...] H. Henry, Dictionnaire de l'ameublement et de la décoration, Depuis le XIIIe siècle jusqu'à nos jours, Paris, s.d.).
Les cassolettes allaient souvent en paire.

La présence de deux cygnes soutenant le vase de leurs ailes déployées évoque le culte voué à l'Amour et l'Amitié. Voués à Vénus, les cygnes sont aussi le symbole du dieu Apollon, le dieu du Soleil et de la poésie, dont le char est tiré par des cygnes à la nuit tombée. Tandis que c'est sous la forme d'un cygne que Jupiter séduisit la princesse d'Etolie, Léda.

Plusieurs dessins reprennent le motif des cygnes adossés soutenant un vase.
Un dessin de vase d'après l'antique attribué à Hubert Robert, passé en vente chez Christie's à New York, le 11 janvier 1994, lot 312, représente un vase flanqué de deux cygnes au naturel. Ce même vase antique fut également dessiné par Jean-Guillaume Moitte (1746-1810), illustré dans Gisela Gramaccini, Jean-Guillaume Moitte (1746-1810) Leben und Werk, Berlin 1993, vol 2, p.161, daté 1771- 1773 et conservé à Paris à l'Ecole des Beaux Arts (Kat. Nr. 8.3.).

Le modèle s'inspire d'un projet de Charles de Wailly ( 1730-1798) publié en 1760 dans sa Première suite de Vases. illustré dans Svend Eriksen, Early Neoclassicism in France, Londres, 1974, fig. 330. Séjournant à Rome de 1754 à 1757, il étudia les monuments antiques dont il s'appliqua à faire le relevé. De retour à Paris il eut une activité de décorateur de théâtre et d'ornemaniste. Protégé du marquis de Marigny, frère de madame de Pompadour et Surintendant des bâtiments du Roi, il fut alors l'un des principaux précurseurs du nouveau goût "à la grecque". Il créa notamment des meubles en collaboration avec Pierre Garnier.
Son modèle de vase imaginaire présente deux cygnes soutenant une cassolette tandis qu'une figure de sirène se mêle au corps du cygne et soutient une guirlande de fleurs, proposant ainsi une variante. Wailly n'a sans doute pas oublié ses connaissances archéologiques en créant ce modèle.

Charles de Wailly créa plusieurs projets pour des aristocrates russes tels que le comte Stroganoff, dont il fit la connaisance à Rome en 1772, ou le comte Cheremetieff ainsi que pour Catherine II dont le secret désir était de posséder une maison "à la romaine". Le cabinet des dessins du musée de l'Hermitage possède les onze dessins pour le Pavillon des Sciences et des Arts sous l'emblême de Minerve susceptible d'être exécuté dans un jardin à l'anglaise. Les coupes des intérieurs du pavillon montrent un jeu de miroirs, un riche décor peint tandis que Wailly réutilise certaines de ses créations comme le vase flanqué de cygnes qui couronne la fontaine de la salle à manger (catalogue d'exposition, Charles de Wailly, peintre architecte dans l'Europe des Lumières, Paris, 1979, p. 99)


Le bronzier
Le marchand mercier Daguerre, successeur de Simon-Philippe Poirier, établi rue du faubourg Saint-Honoré, fournissait la Couronne en objets de luxe. Il faisait travailler les bronziers les plus importants de son époque tels que Pierre Gouthière (1732-1813), François Rémond (1747-1812) et Pierre-Philippe Thomire (1751-1843).

Vases similaires

Deux autres cassolettes de ce modèle existent, avec un socle différent et plus simple que celui du présent vase:

Ancienne collection Taylor, Christie's Londres, juillet 1912, lot 544 (adjugé 18.500 francs) ; Collection Sigismond Bardac, Vente Paris, le 9 décembre 1927, lot 79 ; acheté par Monsieur Founès 43.1000 francs). Il présente un socle orné de brettés.

Un autre, avec un socle de marbre rouge griotte, se trouvait à Gatchina en 1914. Ce palais fut construit à partir de 1766 par Antonio Rinaldi pour le favori de Catherine II, le comte Orlov. En 1783, il devint une des résidences du futur Paul Ier. En 1918, il fut transformé en musée, ouvrant les appartements officiels et privés au public.

Le modèle de cette cassolette fut repris sous forme de pendule à cercles tournants dont plusieurs exemplaires sont connus:
- Ancienne collection Au balancier de cristal, illustrée dans Tardy, La pendule française dans le monde, vol. 2, Paris, 1981, p. 91.
- Ancienne collection du vicomte de Bondy, vente Paris, le 21 mai 1895, lot 95.
- Collection privée, Paris, le socle formé d'une frise de putti.

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