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"Du point de vue où je me trouvais, en contre-bas, le spectacle était prodigieux: l'ahouache de Telouët sur le sol gris, rose orangé des dalles, la partie du cercle au fond, couronné par les femmes d'Animiter [...]. Toutes ces femmes en jaune, orange, rouge et vert..."
Edy Legrand, Journal du voyage au Maroc, 15 août 1943.
En 1933, Edy Legrand pourrait se considérer comme étant un artiste comblé. Après une première expérience déjà prolifique dans le domaine de l'illustration publicitaire, sa réputation de peintre n'est plus à faire. Marie Steiner, ex-directrice de la galerie Knoedler à New York, a été introduite à son oeuvre par Pierre Bonnard en 1928 et a décidé d'exposer fréquemment ses tableaux dans ses nouveaux locaux. En 1932, il a participé à la première exposition universelle d'oeuvres gravées à l'Art Institute de Chicago. Il y a représenté la France aux côtés de Picasso, Matisse et Derain et a été le seul à y recevoir une mention honorable.
Quelle est la raison qui le pousse à partir, tout abandonner, voyager un long moment puis poser ses valises à Rabat? Est-ce un besoin d'évasion, un sentiment de doute devant le travail déjà accompli, ou le "dérèglement de tous les sens" - comme dirait Rimbaud - que suscite en lui son premier voyage au Maroc? Toutes ces réponses sont valables mais ne sauraient à elles seules expliquer les motivations d'un être aussi complexe qu'Edy Legrand, toujours poussé vers la remise en question.
Avide de découvrir les spécificités géographiques du Maroc et les rites et coutumes de ses habitants, l'artiste va mettre sa peinture au service de cette quête pour les deux décennies qui vont suivre. Fasciné par le travail de Majorelle, dont il sera un proche dès son arrivée, il se laissera d'abord séduire par les Kasbah du Haut Atlas et leurs vastes paysages où l'humain n'a pas sa place. Puis, très vite, la population va devenir son unique préoccupation. Claude Lebranche-Boulé décrit cette découverte sous ces termes: "Au Maroc, Edy Legrand est fasciné par les éléments de vie qu'il découvre dans le mouvement incessant des foules et dans la mise en vibration de la couleur par les jeux de la lumière sur les costumes et le décor. Le spectacle est si totalement pictural qu'il se plaint, dans un premier temps, d'être obligé de lutter contre la tentation de reproduire fidèlement la réalité extérieure [...]. Plus il peint, plus il affirme nettement son indépendance vis-à-vis du spectacle de la nature. Ce qu'il aime par-dessus tout, c'est recréer le frémissement de la matière par les infinies combinaisons des masses colorées" (Edy-Legrand, Voyage au Maroc, "Itinéraire d'un peintre", Paris, 1993, p. 11).
La scène d'Ahouache présentée ici témoigne de cet émerveillement et des préoccupations d'ordre pictural qu'il suscite. A travers un thème typiquement marocain, populaire auprès d'artistes tels que Jacques Majorelle (Fig. 1) ou Hassan el Glaoui, Edy Legrand diffuse l'essence de son art: "Sans altérer jamais la nature, [la faire mieux] apparaître dans ce qu'elle a de permanent, en la désencombrant de tout l'accidentel" (Jérôme et Jean Tharaud, préface du catalogue de l'exposition Edy Legrand à la galerie Charpentier, Paris, 1936). Cette oeuvre a fait partie jusqu'à aujourd'hui d'un ensemble de tableaux et études dont Edy Legrand fit cadeau à un couple d'amis habitant à Rabat, qui soutint son oeuvre avec ferveur.
Nous remercions Madame Cécile Ritzenthaler et Monsieur Jean-Pierre Chalon qui ont confirmé l'authenticité de ce tableau.
Edy Legrand, Journal du voyage au Maroc, 15 août 1943.
En 1933, Edy Legrand pourrait se considérer comme étant un artiste comblé. Après une première expérience déjà prolifique dans le domaine de l'illustration publicitaire, sa réputation de peintre n'est plus à faire. Marie Steiner, ex-directrice de la galerie Knoedler à New York, a été introduite à son oeuvre par Pierre Bonnard en 1928 et a décidé d'exposer fréquemment ses tableaux dans ses nouveaux locaux. En 1932, il a participé à la première exposition universelle d'oeuvres gravées à l'Art Institute de Chicago. Il y a représenté la France aux côtés de Picasso, Matisse et Derain et a été le seul à y recevoir une mention honorable.
Quelle est la raison qui le pousse à partir, tout abandonner, voyager un long moment puis poser ses valises à Rabat? Est-ce un besoin d'évasion, un sentiment de doute devant le travail déjà accompli, ou le "dérèglement de tous les sens" - comme dirait Rimbaud - que suscite en lui son premier voyage au Maroc? Toutes ces réponses sont valables mais ne sauraient à elles seules expliquer les motivations d'un être aussi complexe qu'Edy Legrand, toujours poussé vers la remise en question.
Avide de découvrir les spécificités géographiques du Maroc et les rites et coutumes de ses habitants, l'artiste va mettre sa peinture au service de cette quête pour les deux décennies qui vont suivre. Fasciné par le travail de Majorelle, dont il sera un proche dès son arrivée, il se laissera d'abord séduire par les Kasbah du Haut Atlas et leurs vastes paysages où l'humain n'a pas sa place. Puis, très vite, la population va devenir son unique préoccupation. Claude Lebranche-Boulé décrit cette découverte sous ces termes: "Au Maroc, Edy Legrand est fasciné par les éléments de vie qu'il découvre dans le mouvement incessant des foules et dans la mise en vibration de la couleur par les jeux de la lumière sur les costumes et le décor. Le spectacle est si totalement pictural qu'il se plaint, dans un premier temps, d'être obligé de lutter contre la tentation de reproduire fidèlement la réalité extérieure [...]. Plus il peint, plus il affirme nettement son indépendance vis-à-vis du spectacle de la nature. Ce qu'il aime par-dessus tout, c'est recréer le frémissement de la matière par les infinies combinaisons des masses colorées" (Edy-Legrand, Voyage au Maroc, "Itinéraire d'un peintre", Paris, 1993, p. 11).
La scène d'Ahouache présentée ici témoigne de cet émerveillement et des préoccupations d'ordre pictural qu'il suscite. A travers un thème typiquement marocain, populaire auprès d'artistes tels que Jacques Majorelle (Fig. 1) ou Hassan el Glaoui, Edy Legrand diffuse l'essence de son art: "Sans altérer jamais la nature, [la faire mieux] apparaître dans ce qu'elle a de permanent, en la désencombrant de tout l'accidentel" (Jérôme et Jean Tharaud, préface du catalogue de l'exposition Edy Legrand à la galerie Charpentier, Paris, 1936). Cette oeuvre a fait partie jusqu'à aujourd'hui d'un ensemble de tableaux et études dont Edy Legrand fit cadeau à un couple d'amis habitant à Rabat, qui soutint son oeuvre avec ferveur.
Nous remercions Madame Cécile Ritzenthaler et Monsieur Jean-Pierre Chalon qui ont confirmé l'authenticité de ce tableau.