拍品專文
"Qu'elles sont attachantes ces belles créatures qui, en consentant à se dévêtir devant lui, se sont montrées dans toute l'aisance de leurs libres gestes [...]. Il [Majorelle] a regardé ces femmes circulant dans sa propriété, longeant les hauts et frêles palmiers ou passant sous l'ample feuillage des bananiers".
Victor Prouvé, "Jacques Majorelle. Négresses nues", L'Est républicain, 27 octobre 1933.
D'après Chantal Destrez, "en 1932 [...], il [Majorelle] choisit d'abandonner l'aridité du grand Sud, la poussière des marchés, les lignes sèches et précises des architectures pour se consacrer, pendant près de quatre ans, aux "négresses nues"" (Jacques Majorelle - Rétrospective, article "Les Négresses nues - 1931-1935", p. 141). Alors qu'il apparaissait jusque là de loin, sous forme de silhouettes à peine esquissées, l'humain surgit brutalement comme thématique centrale de l'oeuvre de Majorelle, sous les traits de jeunes femmes noires originaires de la vallée de Sous ou du Draa.
On pourrait croire que ce changement est une conséquence de l'enthousiasme généré par le succès de la Revue Nègre au théâtre des Champs-Elysées à Paris, où brillent depuis 1925 Joséphine Baker et Sydney Bechet, et qui s'est propagé dans le reste de l'Europe. Mais cette approche similaire à une idéalisation de la femme noire, attrayante car exotique et déshinibée, paraît réductrice. Chantal Destrez suggère dans l'article "Les Négresses Nues - 1931-1935" qu'il y a aussi une volonté, dans le choix de cette thématique, de faire référence à l'Antiquité égyptienne. Les jambes allongées de la jeune femme animant Sous les Bananiers, posée sur ses talons, se tenant presque de profil, rappellent ces figures reproduites à l'infini sur les papyrus, bas-reliefs et sculptures parvenus jusqu'à nous. Le choix de ces jeunes femmes, pour la plupart descendantes d'esclaves amenés du Niger, sonne donc comme une belle revanche. Celle de Sous les Bananiers voit son corps parsemé d'or, ses bijoux berbères décorés d'argent et Majorelle la présente à nous telle une idole.
L'originalité de cette composition aux dimensions exceptionnelles tient au fait qu'il s'agit d'une scène nocturne. "J'ai bâti sur ses Nocturnes [...] des histoires aux aventures étranges. Des bleus de nuit, des verts glauques ou transparents, la chair dure des personnages cuivrés, les larges feuilles de bananiers ou la forme bizarre des plantes tropicales, réalisent une atmosphère enivrante où l'on croit respirer l'humide et pénétrante chaleur des forêts équatoriales", décrit Jean Ollivier dans son article inclus dans le Le Petit Marocain du 13 février 1939, "L'Exposition Jacques Majorelle à la galerie Derche". Majorelle a d'ailleurs apporté à Sous les Bananiers plus d'attention qu'à son habitude car il a pris soin de détailler le fonds. Cette flore abondante et fertile, cette femme nue dont la peau brille dans la nuit éveillent un imaginaire de paradis perdu, d'innocence retrouvée.
Victor Prouvé, "Jacques Majorelle. Négresses nues", L'Est républicain, 27 octobre 1933.
D'après Chantal Destrez, "en 1932 [...], il [Majorelle] choisit d'abandonner l'aridité du grand Sud, la poussière des marchés, les lignes sèches et précises des architectures pour se consacrer, pendant près de quatre ans, aux "négresses nues"" (Jacques Majorelle - Rétrospective, article "Les Négresses nues - 1931-1935", p. 141). Alors qu'il apparaissait jusque là de loin, sous forme de silhouettes à peine esquissées, l'humain surgit brutalement comme thématique centrale de l'oeuvre de Majorelle, sous les traits de jeunes femmes noires originaires de la vallée de Sous ou du Draa.
On pourrait croire que ce changement est une conséquence de l'enthousiasme généré par le succès de la Revue Nègre au théâtre des Champs-Elysées à Paris, où brillent depuis 1925 Joséphine Baker et Sydney Bechet, et qui s'est propagé dans le reste de l'Europe. Mais cette approche similaire à une idéalisation de la femme noire, attrayante car exotique et déshinibée, paraît réductrice. Chantal Destrez suggère dans l'article "Les Négresses Nues - 1931-1935" qu'il y a aussi une volonté, dans le choix de cette thématique, de faire référence à l'Antiquité égyptienne. Les jambes allongées de la jeune femme animant Sous les Bananiers, posée sur ses talons, se tenant presque de profil, rappellent ces figures reproduites à l'infini sur les papyrus, bas-reliefs et sculptures parvenus jusqu'à nous. Le choix de ces jeunes femmes, pour la plupart descendantes d'esclaves amenés du Niger, sonne donc comme une belle revanche. Celle de Sous les Bananiers voit son corps parsemé d'or, ses bijoux berbères décorés d'argent et Majorelle la présente à nous telle une idole.
L'originalité de cette composition aux dimensions exceptionnelles tient au fait qu'il s'agit d'une scène nocturne. "J'ai bâti sur ses Nocturnes [...] des histoires aux aventures étranges. Des bleus de nuit, des verts glauques ou transparents, la chair dure des personnages cuivrés, les larges feuilles de bananiers ou la forme bizarre des plantes tropicales, réalisent une atmosphère enivrante où l'on croit respirer l'humide et pénétrante chaleur des forêts équatoriales", décrit Jean Ollivier dans son article inclus dans le Le Petit Marocain du 13 février 1939, "L'Exposition Jacques Majorelle à la galerie Derche". Majorelle a d'ailleurs apporté à Sous les Bananiers plus d'attention qu'à son habitude car il a pris soin de détailler le fonds. Cette flore abondante et fertile, cette femme nue dont la peau brille dans la nuit éveillent un imaginaire de paradis perdu, d'innocence retrouvée.