PAIRE DE CABINETS D'EPOQUE LOUIS XV, VERS 1760
No VAT will be charged on the hammer price, but VA… Read more
PAIRE DE CABINETS D'EPOQUE LOUIS XV, VERS 1760

ESTAMPILLE DE JACQUES DUBOIS, SANS DOUTE REALISES SOUS LA DIRECTION DE CLAUDE-FRANCOIS JULLIOT

Details
PAIRE DE CABINETS D'EPOQUE LOUIS XV, VERS 1760
ESTAMPILLE DE JACQUES DUBOIS, SANS DOUTE REALISES SOUS LA DIRECTION DE CLAUDE-FRANCOIS JULLIOT
En placage d'ébène, marqueterie d'écaille, étain et laiton, ornementation de bronze ciselé et doré, à décor de rinceaux d'acanthe, ouvrant par une porte découvrant une étagère, un tiroir, muni de poignées sur les côtés, garni sur chaque côté de masques couronnés de laurier, la ceinture ouvrant par un tiroir orné au centre d'un cartouche, reposant sur des pieds en gaine réunis par une entretoise en H, chacun estampillé I.DUBOIS, l'un portant au dos une étiquette manuscrite " No. 190, M. Michel Ephrussi "
Hauteur : 94 cm. (37 in.) Largeur : 64,5 cm. (25¼ in.) Profondeur : 29 cm. (11½ in.)
Jacques Dubois, reçu maître en 1742 (2)
Provenance
Collection Harenc de Presle, sa vente le 16 avril 1792, lot 411 ; repassé en vente 30 avril 1795, lot 259
Collection baron Van Hoorn, sa vente en 1809, lot 586
Collection Ephrussi
Collection Guerlain
Galerie Segoura, Paris où acquis par la propriétaire actuelle.
Literature
Alexandre Pradère, Baron Van Hoorn, an amateur of boulle, antiquity and the middle ages, Furniture History Society Journal, 2007, p.216, fig.12
Special notice
No VAT will be charged on the hammer price, but VAT payable at 19.6% (5.5% for books) will be added to the buyer’s premium which is invoiced on a VAT inclusive basis
Further details
A PAIR OF LOUIS XV ORMOLU-MOUNTED BOULLE MARQUETRY CABINETS STAMPED BY JACQUES DUBOIS, CIRCA 1760

Lot Essay

Harenc de Presle: une grande collection de meubles Boulle à la fin du règne de Louis XV
Ces meubles appartinrent, et sans doute furent commandés, par un des grands collectionneurs de meubles de Boulle de la seconde moitié du XVIIIème siècle, Harenc de Presle. Sur ce personnage resté peu connu dans l'histoire du goût au XVIIIème siècle, nous disposons d'une mention dans l'Almanach des artistes de 1777("... autre banquier de la rue du sentier, Harenc de Presle, propriétaire d'une belle collection de tableaux des trois écoles. Il y a joint de précieux ouvrages du fameux Boulle"), d'une description détaillée de son cabinet dans le guide de Paris par Thierry en 1787 et d'un témoignage de Marmontel ("Mme Harenc avait un fils unique, aussi laid qu'elle est aussi aimable. C'est ce Mr de Presle qui, je crois, vit encore et qui s'est longtemps distingué par son goût et par ses lumières parmi les amateurs d'art", Mémoires, réed.1792, p.68). Et surtout nous disposons des catalogues de ses deux ventes, réalisées de son vivant, lorsque devenu aveugle, il décida d'offrir aux enchères ses collections en 1792 et en 1795.

Fils d'un banquier de la Régence, François-Michel Harenc (v. 1710-1802), dont le nom était écrit parfois Harand, Aranc, Harant, Harent, ou encore Hareng, devint à son tour banquier et mit sa fortune au service de ses activités de collectionneur dans des domaines variés. Outre un beau cabinet de tableaux, sa collection comptait une vingtaine de terres-cuites, dont six par Clodion pour lequel il avait une prédilection et quantité de superbes meubles Boulle: une grande bibliothèque à fronton cintré, orné de renommées; une paire d'armoires à médailles de l'histoire de Louis XIV (analogues à celles vendues ici sous le lot 6); une paire de cabinets sur piétement à tiroirs latéraux, les nôtres, deux guéridons à têtes de béliers, un bureau fait à partir d'un piétement de cabinet.
A Paris, Harenc s'était installé dans un hôtel mitoyen de celui de sa mère, rue du Sentier. Le guide de Paris de 1787 par Thierry (Voyageurs Paris, pp. 443-447) décrit cette demeure, dont l'appartement principal se situait au premier étage et se composait de six pièces. Une première antichambre suivie d'une bibliothèque sur la cour donnait accès, côté jardin, à un salon suivi d'un grand cabinet rempli de meubles de Boulle. Le guide de Thierry n'indique pas avec précision l'emplacement des meubles de Boulle dans l'appartement, mais il est vraisemblable que le grand cabinet sur jardin contenait les meubles de grandes dimensions (armoire aux renommées, paire d'armoires médailles, cabinets), tandis que les plus petits meubles (dont nos petits cabinets) étaient abrités dans l'appartement privé qui se trouvait dans l'aile sur la cour, notamment dans la chambre à coucher et le petit cabinet qui terminait l'enfilade de pièces. La maison avait été acquise en 1753. On peut donc supposer que l'ameublement datait de son installation, dans les années 1755-1765, période pendant laquelle le mobilier Boulle revint à la mode avec des collectionneurs comme Randon de Boisset et surtout grâce au marchand-mercier Julliot. En tout état de cause, la collection de meubles de Boulle était déjà signalée (et donc en majorité constituée) dans l'Almanach de 1777.
Harenc, qui devenait aveugle, choisit de vendre sa collection de son vivant, en avril 1792 et les cabinets furent présentés au milieu d'une importante section de meubles Boulle, sous le numéro 411 :

" Deux petits meubles ouvrant à un battant, à tiroirs au dessous, & à quatre pieds avec entre-jambes, le grand panneau du milieu enrichi d'un masque de femme bandeau & quarderon feuilles de chêne, l'entre du tiroir, de genre singulier, trois masques dont deux de profil. Hauteur 35 p. largeur 24, profondeur 9 & demi [94 x 65 x 26cm] ".

On était en pleine Révolution, aussi ces cabinets, restés invendus, comme un certain nombre de lots de la vente, durent-ils repasser en vente trois ans plus tard, en avril 1795, sous le lot 259, avec la même description. Ils furent acquis alors (ou peu après) par un grand collectionneur d'origine hollandaise, le baron van Hoorn.

Le baron de Hoorn Originaire de Hollande et issu d'une riche dynastie commerçante d'Amsterdam, Pierre-Nicolas van Hoorn (1743-1808) fit un long voyage en Italie où il rassembla une importante collection de camées et d'intailles avant de venir se fixer Paris vers 1797. Profitant des dispersions qui eurent lieu sous la Révolution et sous le Directoire des grandes collections de l'Ancien Régime, van Hoorn rassembla alors une très importante collection de mobilier et d'objets d'art, notamment de bronzes d'après l'antique, de vases de porphyre, granit et marbres antiques. Sa curiosité le poussa aussi vers des centres d'intérêt proto-romantiques, tels que les objets du Moyen-Age et de la Renaissance, dont il fut l'un des premiers collectionneurs. Son mobilier consistait, non pas en mobilier meublant moderne, mais uniquement en pièces de collection, principalement en meubles Boulle dont il rassembla une des plus grandes collections (comptant pas moins de 39 pièces). Il y avait là plusieurs paires de bibliothèques basses ou mi-hauteur par Boulle et par ses suiveurs néoclassiques, ainsi que des oeuvres célèbres de Boulle (commode aux femmes ailées, coffre en sarcophage, coffres de toilette, torchères, tables de coin de la Ménagerie, piédestaux octogonaux du Grand Dauphin, bureau aux têtes de femmes). Outre la paire de cabinets présentés ici, Van Hoorn possédait un autre meuble provenant lui aussi de la vente de Harenc de Presle : il s'agissait d'une grande table à quatre gaines, qui était décrite comme un bureau plat dans la vente Harenc (lot 253) et avait été munie par la suite d'un dessus de marbre. Sur cette table, identifiée récemment dans la collection Wildenstein (vente Christie's Londres, le 15 décembre 2005, lot 190) est inscrit "Julliot au Curieux des Indes", avec la date 1761. Tous ces meubles étaient présentés, sans grand souci de décor, dans les résidences successives qu'il occupa entre 1797 et 1808. Car, plutôt que d'acheter une grande demeure, il préféra louer des appartements magnifiques dans plusieurs hôtels du faubourg Saint-Germain, d'abord rue de Varennes, puis dans l'hôtel Molé, rue Saint-Dominique et enfin dans l'hôtel de Chaulnes (ou de Vendôme), rue d'Enfer, où il décéda en 1808. Ses collections furent mises en vente un an plus tard avec un catalogue préparé par le Brun et nos cabinets y sont décrits sous le lot 586 :

"586. Deux petits meubles ouvrant chacun à un battant, l'intérieur garni de six tiroirs, au dessus desquels est un tiroir décoré dans la façade de bronze et marqueterie de cuivre doré et étain mat. Ces deux petits meubles, élevés sur 4 gaines, avec entre-jambes et pieds godron ; le dessus aussi en marqueterie avec moulure à feuilles de laurier en bronze doré. Hauteur 35 po., larg. 24 po. 9 lig., prof.11 po.[94 x 66 x 29,7cm] ".

On note qu'entre la vente de 1795 et celle de 1809, ces cabinets ont été munis à l'intérieur de petits tiroirs (sans doute rajoutés sans abîmer la structure, au moyen d'un caisson amovible qui aura été enlevé par la suite).

Une commande de Julliot

Comme beaucoup de meubles Boulle créés (ou modifiés) dans le troisième quart du XVIIIe siècle, ces cabinets semblent être la création (ou le résultat de l'intervention) du marchand Claude-François Julliot (1727-1794). On peut les rapprocher notamment d'une paire de cabinets de forme analogue qui figurèrent sous le lot 719 dans la vente du stock de Julliot en 1777 ( à la suite du décès de son épouse):
"719. Deux corps d'armoire, à quatre pieds carrés à gaine & entre-jambe, de marqueterie de Boule , première partie, ouvrant un battant quarré long, fermant trois tiroirs plaqués en ébène & bandes de cuivre lisse ; l'entablement est garni de moulures à feuilles de persil, les panneaux de cadres avec mascaron à support sur ceux du devant & autres accessoires de bronze doré, avec leur dessus de marbre griotte d'Italie ; longueur 25 pouces 6 lignes, hauteur 33 pouces 2 lignes, profondeur 15 pouces 3 lignes [68,8 x 86 x 42cm] ".
Ces cabinets à une porte, perchés sur de hauts pieds en gaines, reliés par des entretoises, repassèrent dans la vente du comte de Merle en 1784 (lot 213) et réapparurent sur le commerce parisien dans les années 1970. Comme les meubles présentés ici, les cabinets Julliot/de Merle se présentent comme les caissons latéraux d'un bureau Mazarin, qui auraient été séparés de la partie centrale. Les panneaux de marqueterie sont composés comme des oeuvres de Boulle, sans qu'on puisse dire s'il s'agit du réemploi d'éléments anciens ou de pastiches.
Julliot ne se contentait pas de faire le commerce de meubles de Boulle qu'il faisait remettre en état par ses équipes d'ébénistes (Joseph Baumhauer, Etienne Levasseur, Philippe-Claude Montigny, Weisweiler), mais il faisait adapter ou transformer par les mêmes artisans certains meubles de grandes dimensions en cabinets ou bibliothèques basses, plus adaptés aux normes de la décoration intérieure dans les années 1770. On sait que les Dubois, père et fils (Jacques et René) restaurèrent à l'occasion des meubles de Boulle, puisqu'on retrouve leur estampille sur divers meubles Louis XIV comme la grande armoire ou la paire de consoles à six pieds de la collection Wallace (cat. N160, 172) ou encore le bureau plat de l'ancienne collection Ashburnham. René Dubois créa aussi des pastiches de meubles de Boulle, comme les armoires de Calonne (Wallace Collection, cat. N123) et un certain nombre de meubles en ébène associant le retour à l'antique et le Boulle revival. Lors de la vente du stock de l'atelier familial René Dubois par sa mère en 1772, plusieurs meubles de ce type sont décrits ("deux gaines à l'antique deux encoignures en colonne en ébène commode et deux coins en ébène bureau l'antique avec son serre-papiers en ébène "). L'absence de mention de marqueterie d'écaille dans ce stock suggère que Dubois fils, moins familier que d'autres avec ce type de marqueterie, les restaurait ou les transformait à l'occasion (la commande d'un marchand-mercier comme Julliot ?), mais réservait à ses propres créations la technique du placage uni d'ébène.

More from Chefs-d'oeuvre provenant d'une Collection Privée Française

View All
View All