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Details
CLAUDEL, Paul (1868-1955). Correspondance entre Paul Claudel et l'abbé Jacques Douillet (1893-1974) comprenant 9 lettres autographes signées de Paul Claudel (dont 7 avec enveloppe) et 3 de l'abbé Douillet (minutes). Mai 1919 à août 1922.
12 lettres de divers formats, in-12 (210 x 133 mm) et in-4 ( 265 x 205 mm), de plusieurs pages chacune. Les lettres de Claudel sont écrites sur divers papiers à en-tête suivant ses affectations et ses voyages: légation de la République française au Danemark, Messageries maritimes et ambassade de France au Japon puis de Grenoble et Paris. (Rousseurs, la première lettre très jaunie, fragilité aux pliures, petites déchirures. Lettre du 24 septembre 1919 entièrement coupée aux pliures.) Provenance: abbé Jacques Douillet - M. Noël Douillet.
BELLE ET RICHE CORRESPONDANCE ENTRE PAUL CLAUDEL ET L'ABBÉ JACQUES DOUILLET DANS LAQUELLE L'ÉCRIVAIN ÉVOQUE À PLUSIEURS REPRISES SES OEUVRES DONT L'OTAGE QUI A SEMÉ LE TROUBLE CHEZ LE JEUNE SÉMINARISTE.
Jacques Douillet s'adresse pour la première fois à Paul Claudel, de Grenoble, le 10 mai 1919 (4 pages in-8): "Permettez moi de me présenter: Jacques Douillet, actuellement lieutenant d'Artillerie, plus tard si Dieu le permet prêtre de son Eglise. En partant en campagne j'avais emporté trois livres dont "L'Otage" que j'avais lu déjà, et qui me semblait le plus beau des drames. Je l'ai relu dix fois depuis, et médité. Je crois en avoir éprouvé chaque fois plus vivement la beauté, mais chaque fois s'est accru le trouble qu'avait produit en moi à la première lecture, le conflit des idées que vous y heurtez et dont je n'ai pu encore entrevoir l'accord [...]". Puis il s'interroge sur le sacrifice de Sygne, "mais alors comment expliquer cette fin douloureuse que je ne puis relire sans angoisse [...]".
Le 24 septembre suivant, en poste à Copenhague depuis le 5 août, Claudel le rassure sur ses inquiètudes dans une lettre (4 pages in-8) "Vous n'êtes pas le seul que la lecture de 'L'Otage' ait troublé, intrigué, pour ne pas dire scandalisé. Dernièrement, j'ai été attaqué avec une violence inouïe par un jésuite de Montréal qui m'a accusé d'avoir fait une attaque dangereuse et perfide contre la foi catholique !! [...] Je n'ai pas voulu représenter une sainte mais la victoire de la Grâce sur l'orgueil, précise-t-il. J'ai été entraîné non pas par une idée préconçue mais par une certaine logique artistique [...]".
Du séminaire d'Issy-les-Moulineaux, le 28 octobre suivant, Jacques Douillet le remercie vivement pour sa réponse mais s'interroge toujours. "[...] J'ai lu et fait lire vos oeuvres [...]. Chez tous l'admiration est entravée par l'obscurité de certains passages ou thèmes [...] dans Connaiss[ance] de l'Est plus d'une dizaine de morceaux échappent à ma pensée [...]."
Le 1er novembre Claudel l'éclaircit sur ce point. "Peut-être 'Le Pain dur' vous paraîtrait-il plus clair si je lui avais laissé l'un des titres que j'avais choisis d'abord 'Les Possédés' ou 'L'Etrangère' [...] J'ai voulu montrer une société dont Dieu s'est retiré [...]. Il y a du vrai dans ce que vous me reprochez sur l'impression de trouble, d'inquiétude que laissent mes livres [...]."
Les deux hommes semblent avoir interrompu leur correspondance en 1920. C'est l'abbé Douillet qui, le 11 juin 1921, reprend contact avec l'écrivain répondant ainsi au souhait de ce dernier.
Nommé ambassadeur au Japon, Paul Claudel s'embarque en septembre 1921. Le 16 novembre, "en mer devant les côtes du Japon", il livre au jeune sous-diacre ses préoccupations, la maladie de son petit garçon et s'étend longuemement sur l'apparente obscurité de son oeuvre. "[...] Je traverse un moment de dégoût et de tristesse, et je me pose de nouveau cette question que je m'adressais bien souvent: à quoi bon ? Pourquoi écrire ? Pourquoi tous ces livres qui sont utiles à si peu de gens et dont la fabrication m'a arrêté sur la voie de la perfection ? [...]"
Du Japon, le 10 mai 1922, Claudel lui adresse une très longue lettre (4 pages in-quarto) qui "apporte un éclairage extrêmement précieux sur plusieurs aspects de l'oeuvre de Claudel et notamment sur la conception 'poëtique' de l'auteur" (Pierre Rézeau, Paul Claudel. Supplément aux oeuvres complètes). Il y précise en post-scritpum "comme cette lettre contient pas mal de choses assez importantes pour moi, je vous serais bien reconnaissant [...] de m'en envoyer une copie".
"Je pourrais dire d'abord qu'une bonne partie de mes oeuvres est parfaitement claire. Il me semble que L'Otage même, Le Pain dur, la Corona, Protée, Connaissance de l'Est sont accessibles à tous. Mais j'aime mieux être franc et j'avoue que même mes ouvrages les plus clairs doivent laisser dans l'esprit du lecteur une sourde inquiétude, le sentiment qu'il n'a pas épuisé le livre, que l'auteur ne s'est pas laissé parfaitement posséder [..] Il y a tout d'abord les raisons purement extérieures, superficielles, verbales. Je passe sur la forme du vers qui ne peut choquer que les pions. Il y a, en outre, les sautes brusques d'idées, les changements soudains d'atmosphère, provoqués par des images juxtaposées, sublimes et triviales. Mais pour moi tout est bon qui sert à m'exprimer [...]".
Le 24 janvier 1923, Claudel avoue être "profondément dégouté de la littérature". Vous savez sans doute qu'il y a une vingtaine d'années j'ai voulu entrer au monastère de Ligugé. J'ai une espèce d'espoir et de prémonition que le Bon Dieu ne me laissera pas crever comme un bourgeois dans le bien-être et la paresse [...]."
Le 5 mai et le 10 mai 1925, l'écrivain en séjour à Grenoble puis de retour à Paris regrette de n'avoir pu rencontrer l'abbé Douillet.
La dernière lettre de Claudel est envoyée de Paris le 19 août 1927, " [...] Quand je me regarde moi-même et que je vois la proportion d'efforts honteusement minimes que j'ai faite et ce que je dois aux affectations de toute nature qui m'ont entouré, je suis pénétré de confusion".
La correspondance entre l'écrivain et le jeune prêtre a duré huit ans. Dans son Journal Claudel ne mentionne nulle part l'abbé Douillet bien qu'il reconnaisse ici avoir trouvé en lui "l'aide sacerdotale" qui lui manquait depuis la mort de l'abbé Fontaine. Les lettres ici présentées ne témoignent que d'une partie de cette correspondance. Certaines lettres ont en effet disparu et quelques une sont conservées à la Bibliothèque nationale de France.
TRÈS INTÉRESSANT ENSEMBLE DÉVOILANT LA PERSONNALITÉ ET L'OEUVRE DE CLAUDEL. Paul Claudel. Supplément aux oeuvres complètes par Maryse Bazaud sous la direction de Michel Malicet. Collection du centre Jacques Petit de l'université de Besançon.
12 lettres de divers formats, in-12 (210 x 133 mm) et in-4 ( 265 x 205 mm), de plusieurs pages chacune. Les lettres de Claudel sont écrites sur divers papiers à en-tête suivant ses affectations et ses voyages: légation de la République française au Danemark, Messageries maritimes et ambassade de France au Japon puis de Grenoble et Paris. (Rousseurs, la première lettre très jaunie, fragilité aux pliures, petites déchirures. Lettre du 24 septembre 1919 entièrement coupée aux pliures.) Provenance: abbé Jacques Douillet - M. Noël Douillet.
BELLE ET RICHE CORRESPONDANCE ENTRE PAUL CLAUDEL ET L'ABBÉ JACQUES DOUILLET DANS LAQUELLE L'ÉCRIVAIN ÉVOQUE À PLUSIEURS REPRISES SES OEUVRES DONT L'OTAGE QUI A SEMÉ LE TROUBLE CHEZ LE JEUNE SÉMINARISTE.
Jacques Douillet s'adresse pour la première fois à Paul Claudel, de Grenoble, le 10 mai 1919 (4 pages in-8): "Permettez moi de me présenter: Jacques Douillet, actuellement lieutenant d'Artillerie, plus tard si Dieu le permet prêtre de son Eglise. En partant en campagne j'avais emporté trois livres dont "L'Otage" que j'avais lu déjà, et qui me semblait le plus beau des drames. Je l'ai relu dix fois depuis, et médité. Je crois en avoir éprouvé chaque fois plus vivement la beauté, mais chaque fois s'est accru le trouble qu'avait produit en moi à la première lecture, le conflit des idées que vous y heurtez et dont je n'ai pu encore entrevoir l'accord [...]". Puis il s'interroge sur le sacrifice de Sygne, "mais alors comment expliquer cette fin douloureuse que je ne puis relire sans angoisse [...]".
Le 24 septembre suivant, en poste à Copenhague depuis le 5 août, Claudel le rassure sur ses inquiètudes dans une lettre (4 pages in-8) "Vous n'êtes pas le seul que la lecture de 'L'Otage' ait troublé, intrigué, pour ne pas dire scandalisé. Dernièrement, j'ai été attaqué avec une violence inouïe par un jésuite de Montréal qui m'a accusé d'avoir fait une attaque dangereuse et perfide contre la foi catholique !! [...] Je n'ai pas voulu représenter une sainte mais la victoire de la Grâce sur l'orgueil, précise-t-il. J'ai été entraîné non pas par une idée préconçue mais par une certaine logique artistique [...]".
Du séminaire d'Issy-les-Moulineaux, le 28 octobre suivant, Jacques Douillet le remercie vivement pour sa réponse mais s'interroge toujours. "[...] J'ai lu et fait lire vos oeuvres [...]. Chez tous l'admiration est entravée par l'obscurité de certains passages ou thèmes [...] dans Connaiss[ance] de l'Est plus d'une dizaine de morceaux échappent à ma pensée [...]."
Le 1
Les deux hommes semblent avoir interrompu leur correspondance en 1920. C'est l'abbé Douillet qui, le 11 juin 1921, reprend contact avec l'écrivain répondant ainsi au souhait de ce dernier.
Nommé ambassadeur au Japon, Paul Claudel s'embarque en septembre 1921. Le 16 novembre, "en mer devant les côtes du Japon", il livre au jeune sous-diacre ses préoccupations, la maladie de son petit garçon et s'étend longuemement sur l'apparente obscurité de son oeuvre. "[...] Je traverse un moment de dégoût et de tristesse, et je me pose de nouveau cette question que je m'adressais bien souvent: à quoi bon ? Pourquoi écrire ? Pourquoi tous ces livres qui sont utiles à si peu de gens et dont la fabrication m'a arrêté sur la voie de la perfection ? [...]"
Du Japon, le 10 mai 1922, Claudel lui adresse une très longue lettre (4 pages in-quarto) qui "apporte un éclairage extrêmement précieux sur plusieurs aspects de l'oeuvre de Claudel et notamment sur la conception 'poëtique' de l'auteur" (Pierre Rézeau, Paul Claudel. Supplément aux oeuvres complètes). Il y précise en post-scritpum "comme cette lettre contient pas mal de choses assez importantes pour moi, je vous serais bien reconnaissant [...] de m'en envoyer une copie".
"Je pourrais dire d'abord qu'une bonne partie de mes oeuvres est parfaitement claire. Il me semble que L'Otage même, Le Pain dur, la Corona, Protée, Connaissance de l'Est sont accessibles à tous. Mais j'aime mieux être franc et j'avoue que même mes ouvrages les plus clairs doivent laisser dans l'esprit du lecteur une sourde inquiétude, le sentiment qu'il n'a pas épuisé le livre, que l'auteur ne s'est pas laissé parfaitement posséder [..] Il y a tout d'abord les raisons purement extérieures, superficielles, verbales. Je passe sur la forme du vers qui ne peut choquer que les pions. Il y a, en outre, les sautes brusques d'idées, les changements soudains d'atmosphère, provoqués par des images juxtaposées, sublimes et triviales. Mais pour moi tout est bon qui sert à m'exprimer [...]".
Le 24 janvier 1923, Claudel avoue être "profondément dégouté de la littérature". Vous savez sans doute qu'il y a une vingtaine d'années j'ai voulu entrer au monastère de Ligugé. J'ai une espèce d'espoir et de prémonition que le Bon Dieu ne me laissera pas crever comme un bourgeois dans le bien-être et la paresse [...]."
Le 5 mai et le 10 mai 1925, l'écrivain en séjour à Grenoble puis de retour à Paris regrette de n'avoir pu rencontrer l'abbé Douillet.
La dernière lettre de Claudel est envoyée de Paris le 19 août 1927, " [...] Quand je me regarde moi-même et que je vois la proportion d'efforts honteusement minimes que j'ai faite et ce que je dois aux affectations de toute nature qui m'ont entouré, je suis pénétré de confusion".
La correspondance entre l'écrivain et le jeune prêtre a duré huit ans. Dans son Journal Claudel ne mentionne nulle part l'abbé Douillet bien qu'il reconnaisse ici avoir trouvé en lui "l'aide sacerdotale" qui lui manquait depuis la mort de l'abbé Fontaine. Les lettres ici présentées ne témoignent que d'une partie de cette correspondance. Certaines lettres ont en effet disparu et quelques une sont conservées à la Bibliothèque nationale de France.
TRÈS INTÉRESSANT ENSEMBLE DÉVOILANT LA PERSONNALITÉ ET L'OEUVRE DE CLAUDEL. Paul Claudel. Supplément aux oeuvres complètes par Maryse Bazaud sous la direction de Michel Malicet. Collection du centre Jacques Petit de l'université de Besançon.
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Christoph Auvermann
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