拍品专文
En mai 1642, Berchem fut reçu dans la guilde de Haarlem. Il pratiquait alors essentiellement la peinture de paysages idéalisés, agrémentés de bergers ou de voyageurs. Au début des années 1650, un voyage en Italie, non documenté mais probable, fut pour lui décisif, lui apportant la lumière méridionale, une touche plus libre et des sujets plus variés. Désormais, l'allégorie, la mythologie et les scènes de genre allaient prendre une part sans cesse croissante. A cette époque, les oeuvres deviennent plus larges, plus volontairement plaisantes, ce qui traduirait les connaissances acquises au contact des immenses décors et du "grand style" italien. Les années 1650 constituent un tournant dans la carrière de l'artiste. Celui-ci avait été profondément influencé par les grands paysagistes de son temps, tels que van Goyen ou Ruisdael, mais aussi Jan Asselijn ou Jan Both. Il trouva alors un style propre, désormais caractéristique. Aux traditionnelles compositions horizontales succédèrent par ailleurs les formats verticaux ou carrés, plus "décoratifs". Après 1655, Berchem peignit de nombreuses scènes portuaires, proches de celles de son contemporain Jan Baptist Weenix, et fut l'un des pionniers d'une peinture aristocratique et raffinée qui correspondait aux goûts de la riche bourgeoisie néerlandaise. Berchem était de retour à Haarlem en 1653 et y demeura jusqu'en 1660, quand une crise économique l'obligea à s'installer dans la capitale, ville la plus riche du pays. Il resta à Amsterdam jusqu'en 1670 et termina sa vie dans sa ville natale.
Nicolaes Berchem est l'un des artistes hollandais italianisants les plus importants et sans conteste l'un des plus polyvalents. Il fut extrêmement fécond: cinq cents dessins, plus de six cents toiles et de cinquante eaux-fortes portent sa signature. Il s'agit pour la plupart de paysages "italiens" avec bergers et animaux domestiques. Au cours des dix-septième et dix-huitième siècles, de nombreuses gravures furent réalisées d'après les peintures de Berchem; son oeuvre devint à la fois très populaire - tout particulièrement en France - et extrêmement prisée, notamment des plus importants collectionneurs - là aussi notamment en France -; Crozat, Marigny, Louis XV et Louis XVI furent de fervents amateurs de son oeuvre, dont les prix atteignirent des sommets au milieu du XVIIIème siècle. Il est probable que le sens du décor, l'élégance de la mise en scène, l'utilisation de la lumière pour modeler volumes et espaces, la palette si équilibrée et si séduisante, trouvaient un écho particulier dans l'art français. Berchem rencontra donc un accueil très enthousiaste dans notre pays, ce qu'illustre le commentaire élogieux du peintre Jean-Baptiste Oudry sur le peintre: "un seul des tableaux de ce brillant artiste peut tenir lieu ... d'un cours complet de pratique" (J.B. Oudry, "Discours sur la pratique de la peinture adressé à l'Académie", 2 décembre 1752). Le collectionneur et critique Dezallier d'Argenville surenchérit quelques années plus tard: "rien n'est plus recherché aujourd'hui que les tableaux de Nicolaes Berchem"... Ainsi que le souligne le catalogue de l'exposition "Nicolaes Berchem in the light of Italy" qui se tint aux Pays-Bas en 2006-2007, seule une petite minorité des chefs d'oeuvre de l'artiste, dont la provenance remonte au XVIIIème siècle, ne sont pas documentés en France.
L'Enfance de Jupiter en constitue un bel exemple: le tableau appartint au peintre Joseph Aved, portraitiste réputé sous Louis XV et lui-même d'origine hollandaise comme le prouve son surnom, "Le Batave". Il fut inclus en 1766 dans sa vente après décès, où figuraient plusieurs oeuvres de Chardin dont Aved était le meilleur ami, mais aussi des tableaux de Rembrandt, Adriaen van Ostade ou Gerrit Dou.
On retrouve le tableau dans une autre collection fameuse de tableaux hollandais et flamands, celle de l'homme d'affaires van Parys, dont la vente eut lieu à Bruxelles en 1853. Le chef d'oeuvre de la session fut sans doute le Portrait d'Hélène Fourment de Peter Paul Rubens, mais le tableau de Berchem y est lui aussi mis en valeur et fait l'objet d'un long commentaire, qui mérite d'être transcrit intégralement: "Saturne, contraint par son traité avec son frère Titan de faire disparaître ses enfants mâles dès leur naissance, les dévorait sans pitié pour remplir fidèlement ses promesses; Cybèle, se voyant sur le point de donner le jour à Jupiter, se retira dans l'île de Crète, où elle cacha soigneusement le fils qu'elle venait d'avoir; elle le fit élever par deux nymphes et le recommanda aux Corybantes. A la gauche de cette composition capitale est la chèvre Amalthée qui allaite Jupiter couché à terre sur une draperie bleue; à droite est sa mère qui le contemple avec amour; elle est à demi couchée près d'un groupe de nymphes et de jeunes enfants; devant elle sont deux chèvres et un chevreau.
Au fond, les Corybantes dansent et font du bruit pour que Saturne n'entende pas les cris poussés par le jeune dieu. On voit au fond la gondole qui a déposé Cybèle dans l'île de Crète. A droite, des amours sont dans des nuages et sèment des fleurs; à gauche, d'autres amours attachent une guirlande et relèvent une draperie à larges plis. Un grand vase sculpté sur un piédestal, et divers accessoires rendus avec beaucoup de finesse, ornent cette composition, qui est d'une touche facile et d'un beau coloris. Les oeuvres de ce maître, en ce genre, sont rares et recherchées."
Les années 1660 semblent constituer un apogée dans la carrière de l'artiste. L'Enfance de Jupiter est caractéristique de cette production, et il est possible de dater l'oeuvre au milieu de cette décennie. Les personnages, qui deviennent de plus en plus grands, prédominent souvent face au paysage. Un intérêt particulier est porté à la grâce des visages féminins, à l'élégance sinueuse des corps, à la beauté des étoffes. Berchem place alors dans ses compositions un nombre limité de statues, d'urnes et de colonnes afin de créer une atmosphère féerique, un décor sur lequel vient jouer la lumière. Celle-ci, qui scintille sur les pierres et révèle les formes, tient le rôle majeur, comme un éclair qui ferait briller une scène d'opéra. Dans L'Enfance de Jupiter, une urne monumentale, un buste priapique et un rideau baroque semblent plantés comme autant d'éléments du décor d'un théâtre. On peut remarquer que l'urne est la même que celle figurant sur le Joueur de guitare, qui fut vendu à Christie's Paris en 2003 et constitue à ce jour le record pour l'artiste (ancienne collection du Baron Hottinguer, vente Christie's Paris, 2 et 3 décembre 2003, lot 723, vendu 1 438 000 euros).
La palette est elle aussi propre à l'artiste, en particulier les trois couleurs primaires - jaune, rouge, bleu - dont il apprécie la complémentarité. La signature, d'une belle graphie déliée, montre - si besoin en est - la fierté que Berchem tira sans doute de ce tableau. Et aujourd'hui encore, L'Enfance de Jupiter peut être considérée comme un chef-d'oeuvre de Nicolaes Berchem, l'un des derniers toujours en mains privées.
Nous remercions Monsieur Pieter Biesboer pour son aide lors de la rédaction de cette notice.
For an English version of this note, please visit www.christies.com.
Nicolaes Berchem est l'un des artistes hollandais italianisants les plus importants et sans conteste l'un des plus polyvalents. Il fut extrêmement fécond: cinq cents dessins, plus de six cents toiles et de cinquante eaux-fortes portent sa signature. Il s'agit pour la plupart de paysages "italiens" avec bergers et animaux domestiques. Au cours des dix-septième et dix-huitième siècles, de nombreuses gravures furent réalisées d'après les peintures de Berchem; son oeuvre devint à la fois très populaire - tout particulièrement en France - et extrêmement prisée, notamment des plus importants collectionneurs - là aussi notamment en France -; Crozat, Marigny, Louis XV et Louis XVI furent de fervents amateurs de son oeuvre, dont les prix atteignirent des sommets au milieu du XVIIIème siècle. Il est probable que le sens du décor, l'élégance de la mise en scène, l'utilisation de la lumière pour modeler volumes et espaces, la palette si équilibrée et si séduisante, trouvaient un écho particulier dans l'art français. Berchem rencontra donc un accueil très enthousiaste dans notre pays, ce qu'illustre le commentaire élogieux du peintre Jean-Baptiste Oudry sur le peintre: "un seul des tableaux de ce brillant artiste peut tenir lieu ... d'un cours complet de pratique" (J.B. Oudry, "Discours sur la pratique de la peinture adressé à l'Académie", 2 décembre 1752). Le collectionneur et critique Dezallier d'Argenville surenchérit quelques années plus tard: "rien n'est plus recherché aujourd'hui que les tableaux de Nicolaes Berchem"... Ainsi que le souligne le catalogue de l'exposition "Nicolaes Berchem in the light of Italy" qui se tint aux Pays-Bas en 2006-2007, seule une petite minorité des chefs d'oeuvre de l'artiste, dont la provenance remonte au XVIIIème siècle, ne sont pas documentés en France.
L'Enfance de Jupiter en constitue un bel exemple: le tableau appartint au peintre Joseph Aved, portraitiste réputé sous Louis XV et lui-même d'origine hollandaise comme le prouve son surnom, "Le Batave". Il fut inclus en 1766 dans sa vente après décès, où figuraient plusieurs oeuvres de Chardin dont Aved était le meilleur ami, mais aussi des tableaux de Rembrandt, Adriaen van Ostade ou Gerrit Dou.
On retrouve le tableau dans une autre collection fameuse de tableaux hollandais et flamands, celle de l'homme d'affaires van Parys, dont la vente eut lieu à Bruxelles en 1853. Le chef d'oeuvre de la session fut sans doute le Portrait d'Hélène Fourment de Peter Paul Rubens, mais le tableau de Berchem y est lui aussi mis en valeur et fait l'objet d'un long commentaire, qui mérite d'être transcrit intégralement: "Saturne, contraint par son traité avec son frère Titan de faire disparaître ses enfants mâles dès leur naissance, les dévorait sans pitié pour remplir fidèlement ses promesses; Cybèle, se voyant sur le point de donner le jour à Jupiter, se retira dans l'île de Crète, où elle cacha soigneusement le fils qu'elle venait d'avoir; elle le fit élever par deux nymphes et le recommanda aux Corybantes. A la gauche de cette composition capitale est la chèvre Amalthée qui allaite Jupiter couché à terre sur une draperie bleue; à droite est sa mère qui le contemple avec amour; elle est à demi couchée près d'un groupe de nymphes et de jeunes enfants; devant elle sont deux chèvres et un chevreau.
Au fond, les Corybantes dansent et font du bruit pour que Saturne n'entende pas les cris poussés par le jeune dieu. On voit au fond la gondole qui a déposé Cybèle dans l'île de Crète. A droite, des amours sont dans des nuages et sèment des fleurs; à gauche, d'autres amours attachent une guirlande et relèvent une draperie à larges plis. Un grand vase sculpté sur un piédestal, et divers accessoires rendus avec beaucoup de finesse, ornent cette composition, qui est d'une touche facile et d'un beau coloris. Les oeuvres de ce maître, en ce genre, sont rares et recherchées."
Les années 1660 semblent constituer un apogée dans la carrière de l'artiste. L'Enfance de Jupiter est caractéristique de cette production, et il est possible de dater l'oeuvre au milieu de cette décennie. Les personnages, qui deviennent de plus en plus grands, prédominent souvent face au paysage. Un intérêt particulier est porté à la grâce des visages féminins, à l'élégance sinueuse des corps, à la beauté des étoffes. Berchem place alors dans ses compositions un nombre limité de statues, d'urnes et de colonnes afin de créer une atmosphère féerique, un décor sur lequel vient jouer la lumière. Celle-ci, qui scintille sur les pierres et révèle les formes, tient le rôle majeur, comme un éclair qui ferait briller une scène d'opéra. Dans L'Enfance de Jupiter, une urne monumentale, un buste priapique et un rideau baroque semblent plantés comme autant d'éléments du décor d'un théâtre. On peut remarquer que l'urne est la même que celle figurant sur le Joueur de guitare, qui fut vendu à Christie's Paris en 2003 et constitue à ce jour le record pour l'artiste (ancienne collection du Baron Hottinguer, vente Christie's Paris, 2 et 3 décembre 2003, lot 723, vendu 1 438 000 euros).
La palette est elle aussi propre à l'artiste, en particulier les trois couleurs primaires - jaune, rouge, bleu - dont il apprécie la complémentarité. La signature, d'une belle graphie déliée, montre - si besoin en est - la fierté que Berchem tira sans doute de ce tableau. Et aujourd'hui encore, L'Enfance de Jupiter peut être considérée comme un chef-d'oeuvre de Nicolaes Berchem, l'un des derniers toujours en mains privées.
Nous remercions Monsieur Pieter Biesboer pour son aide lors de la rédaction de cette notice.
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