Lot Essay
Ce spectaculaire dessin est, selon Alastair Laing qui l'a examiné de visu, probablement la meilleure des versions connues de cette composition d'une Femme marchant dans un parc. Alastair Laing en dénombre neuf parmi lesquelles on peut citer: vente Christie's, 27 novembre 1974, lot 168, sur papier bleu, 42,2 x 30,6 cm, dessin aujourd'hui admis comme une copie (mais publié par Ananoff comme un original, op. cit., no. 321/2); collection Van Parys à Bruxelles en 1800, puis à la galerie Cailleux à Paris en 1932, 52 x 39 cm., signé et sur papier gris; Nationalmuseum de Stockholm, sur papier marron gris, 50,7 x 37,3 cm.; Musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg; Städelschen Kunstinstitut de Francfort, sur papier beige, signé et daté 1752, 52,9 x 40,6 cm.
Certains de ces dessins (notamment celui de Francfort) sont associés à un dessin formant un pendant représentant Une jeune femme vue de dos tenant un éventail, figure qui se retrouve dans le tableau de La Fontaine d'Amour de 1748 (Musée Getty de Malibu) première des six tapisseries de la tenture de la Noble Pastorale tissée par la Manufacture de Beauvais d'après Boucher en 1755 (voir Ananoff, op.cit., no. 321 et sqq.). Notre dessin pourrait donc être, lui aussi, une étude de Boucher pour ces compositions, l'artiste décidant finalement de ne pas l'employer. Le côté très achevé du dessin de la Femme marchant dans un parc pourrait aussi indiquer que Boucher a voulu transformer celui-ci en une 'oeuvre d'art en soi' et en faire un 'dessin encadré', le signant et multipliant dans son atelier sa diffusion en différentes versions pour satisfaire les demandes des amateurs.
Sans que les différentes feuilles puissent être mises côte à côté il est difficile de dire laquelle est la première version de l'artiste mais la feuille Veil-Picard est une des plus abouties. Parmi les versions connues le présent dessin est aussi le seul qui possède une trace au XIXème siècle puisqu'il fit partie de la célèbre vente du marquis de Cypierre (dont la famille avait acquis le château d'Auvilliers, autrefois propriété de Madame de Pompadour) qui ne comportait pas moins de vingt-sept dessins et pastels et huit tableaux de Boucher (le dessin Veil-Picard y fut adjugé 264 francs, prix le plus élevé de la section des dessins).
Boucher devint en 1751 le professeur de dessin et de gravure de la favorite du roi, Jeanne-Antoinette Poisson, marquise d'Etioles puis marquise de Pompadour (1721-1764). Pierre de Nolhac (op. cit., 1905, pp. 57-58) fut le premier à considérer ce dessin comme un portrait de Madame de Pompadour. Identification plausible dans la mesure où, à la date de notre dessin, Boucher travaille essentiellement pour la marquise qui lui commande de nombreux tableaux. Sa physionomie et son vêtement sont aussi très proches de ceux des portraits qu'en fit Boucher. Elle porte en effet ici le costume à l'Espagnole avec robe à manches bouffantes et collerette-ruche autour du cou avec laquelle la favorite fut par exemple représentée dans le célèbre portrait du Louvre. Ce costume semble d'ailleurs très en vogue chez Boucher au début des années 1750, on le retrouve notamment sur le pastel de technique comparable au nôtre daté de 1750, Jeune femme assise tenant un éventail de la collection Goncourt aujourd'hui au Louvre et daté de 1750 (inv. no. 4028).
Arthur Georges Veil-Picard (1854-1944) collectionna avec passion les tableaux, pastels, dessins et miniatures du XVIIIème siècle. Dans son hôtel particulier de la plaine Monceau, au 63 rue de Courcelles, il avait assemblé, seul, sans l'aide d'aucun marchand ou conseiller une extraordinaire collection au fil de près de quarante années. Ses artistes de prédilection étaient Fragonard, dont il posséda jusqu'à seize oeuvres, Maurice Quentin de La Tour et bien entendu Boucher. Certaines des oeuvres de la collection Veil-Picard sont aujourd'hui au Louvre et à Versailles, au Metropolitan Museum de New York. Quelques oeuvres furent dispersées par ses descendants lors d'une vente chez Christie's à Paris, le 23 juin 2010.
La description par Nolhac de notre dessin est des plus poétiques:
'L'artiste a marqué, comme en se jouant, mais avec une précision singulière, la silhouette menue de la favorite, en cette jeune femme marchant dans un parc d'un pas de reine. Le dessin est harmonieux et serré; la lumière matinale vibre, on sent la fraîcheur du printemps, la dame est fine, légère, souriante. De sa lourde jupe se détache fluet le buste de profil de la promeneuse. C'est bien la grâce enchanteresse, l'élégance un peu bourgeoise, mais si personnelle, de la marquise de Pompadour, avec les airs autoritaires de l'élue du souverain...Quel art faut-il pour rendre tout cela, ou du moins l'évoquer, par les trois crayons d'un simple dessin'.
Nous remercions Alastair Laing et Françoise Joulie pour leur aide apportée à la rédaction de cette notice.
Certains de ces dessins (notamment celui de Francfort) sont associés à un dessin formant un pendant représentant Une jeune femme vue de dos tenant un éventail, figure qui se retrouve dans le tableau de La Fontaine d'Amour de 1748 (Musée Getty de Malibu) première des six tapisseries de la tenture de la Noble Pastorale tissée par la Manufacture de Beauvais d'après Boucher en 1755 (voir Ananoff, op.cit., no. 321 et sqq.). Notre dessin pourrait donc être, lui aussi, une étude de Boucher pour ces compositions, l'artiste décidant finalement de ne pas l'employer. Le côté très achevé du dessin de la Femme marchant dans un parc pourrait aussi indiquer que Boucher a voulu transformer celui-ci en une 'oeuvre d'art en soi' et en faire un 'dessin encadré', le signant et multipliant dans son atelier sa diffusion en différentes versions pour satisfaire les demandes des amateurs.
Sans que les différentes feuilles puissent être mises côte à côté il est difficile de dire laquelle est la première version de l'artiste mais la feuille Veil-Picard est une des plus abouties. Parmi les versions connues le présent dessin est aussi le seul qui possède une trace au XIXème siècle puisqu'il fit partie de la célèbre vente du marquis de Cypierre (dont la famille avait acquis le château d'Auvilliers, autrefois propriété de Madame de Pompadour) qui ne comportait pas moins de vingt-sept dessins et pastels et huit tableaux de Boucher (le dessin Veil-Picard y fut adjugé 264 francs, prix le plus élevé de la section des dessins).
Boucher devint en 1751 le professeur de dessin et de gravure de la favorite du roi, Jeanne-Antoinette Poisson, marquise d'Etioles puis marquise de Pompadour (1721-1764). Pierre de Nolhac (op. cit., 1905, pp. 57-58) fut le premier à considérer ce dessin comme un portrait de Madame de Pompadour. Identification plausible dans la mesure où, à la date de notre dessin, Boucher travaille essentiellement pour la marquise qui lui commande de nombreux tableaux. Sa physionomie et son vêtement sont aussi très proches de ceux des portraits qu'en fit Boucher. Elle porte en effet ici le costume à l'Espagnole avec robe à manches bouffantes et collerette-ruche autour du cou avec laquelle la favorite fut par exemple représentée dans le célèbre portrait du Louvre. Ce costume semble d'ailleurs très en vogue chez Boucher au début des années 1750, on le retrouve notamment sur le pastel de technique comparable au nôtre daté de 1750, Jeune femme assise tenant un éventail de la collection Goncourt aujourd'hui au Louvre et daté de 1750 (inv. no. 4028).
Arthur Georges Veil-Picard (1854-1944) collectionna avec passion les tableaux, pastels, dessins et miniatures du XVIIIème siècle. Dans son hôtel particulier de la plaine Monceau, au 63 rue de Courcelles, il avait assemblé, seul, sans l'aide d'aucun marchand ou conseiller une extraordinaire collection au fil de près de quarante années. Ses artistes de prédilection étaient Fragonard, dont il posséda jusqu'à seize oeuvres, Maurice Quentin de La Tour et bien entendu Boucher. Certaines des oeuvres de la collection Veil-Picard sont aujourd'hui au Louvre et à Versailles, au Metropolitan Museum de New York. Quelques oeuvres furent dispersées par ses descendants lors d'une vente chez Christie's à Paris, le 23 juin 2010.
La description par Nolhac de notre dessin est des plus poétiques:
'L'artiste a marqué, comme en se jouant, mais avec une précision singulière, la silhouette menue de la favorite, en cette jeune femme marchant dans un parc d'un pas de reine. Le dessin est harmonieux et serré; la lumière matinale vibre, on sent la fraîcheur du printemps, la dame est fine, légère, souriante. De sa lourde jupe se détache fluet le buste de profil de la promeneuse. C'est bien la grâce enchanteresse, l'élégance un peu bourgeoise, mais si personnelle, de la marquise de Pompadour, avec les airs autoritaires de l'élue du souverain...Quel art faut-il pour rendre tout cela, ou du moins l'évoquer, par les trois crayons d'un simple dessin'.
Nous remercions Alastair Laing et Françoise Joulie pour leur aide apportée à la rédaction de cette notice.