Lot Essay
La couverture du livre en ivoire provenant de la collection Marquet de Vasselot, présentée ici, alimente le débat selon lequel très peu d'autres cultures, à l'exception des réalisations de l'ère Byzantine entre le Xème et le XVème siècle, représentent l'image centrale de la foi chrétienne - la Crucifixion - avec une telle intensité et un tel pathos.
La composition de cette plaque suit les canons du modèle Byzantin où la totalité de la scène est contenue sous un baldaquin ajouré supporté par des colonnes torses. Le Christ en croix est placé au centre, ses pieds reposant sur un suppedaneum, et la croix est fixée avec des piquets dans une motte de terre sous laquelle une moitié d'un crâne stylisé est visible - faisant allusion au site de la Crucifixion comme étant également celui de la sépulture d'Adam. Le Christ est entouré à sa gauche par la Vierge, à sa droite par Saint Jean l'Evangéliste, et au-dessus par deux anges - fréquemment identifiés comme les archanges Gabriel et Michel - ainsi que par les symboles de la lune et du soleil. L'intensité de la scène est communiquée par les postures, les expressions des visages de chacun des personnages; leurs têtes sont baissées et leurs expressions chargées de détresse et de tension.
Un grand nombre de représentations de la Crucifixion en ivoire épousent cette forme de composition, et de qualité variable, cependant toutes ces représentations, y compris, la plaque de la collection Vasselot, semblent appartenir à ce qu'Adolph Goldschmidt et Kurt Weitzmann surnommaient le Groupe Nikephoros (Evans and Wixom, op. cit., p. 150, no. 96). Cette classification dérive de l'inscription de la plaque en ivoire représentant la Vierge et trois saints conservée à l'église Saint François à Cortone, citant l'empereur Nikephoros II Phoka et ses dates de règne (963-9) - bien que Cutler en 1991 ait avancé l'hypothèse selon laquelle l'inscription était probablement d'époque postérieure (Paris cat. exp., op. cit., p. 231). Néanmoins, une autre plaque représentant le Christ bénissant l'empereur Otto II et l'impératrice Téophano (musée National du Moyen Age, musée de Cluny Paris), sans doute sculpté en Italie ou en Allemagne par un artisan byzantin entre 982-3, très similaire dans le dessin aux ivoires Nikephorains, apporte, avec l'inscription, bien que débattue de l'ivoire de saint François, un indice quant à une datation autour de la deuxième moitié du Xème siècle pour les ivoires de Nikephoros. Quant-aux centres de production, il n'existe pratiquement aucune preuve documentaire sur les ateliers ou les artisans tout au long de l'empire qui ait survécu les âges -on ne peut donc rejeter l'hypothèse selon laquelle un artisan de talent aurait travaillé dans ces provinces - bien qu'il faille reconnaître que la destination finale d'objets précieux et coûteux tels les ivoires, ainsi que le lieu principal d'activité des sculpteurs de renom, aurait été la capitale de l'empire, à savoir Constantinople.
Les Crucifixions en ivoire se rapprochant le plus de par leur composition à la version de la collection Vasselot sont: deux représentations conservées au Kestner-Museum d'Hanovre (Paris. exp. cat., op. cit., p. 247, fig. 2 and Evans and Wixom, op. cit., cat. no. 92), une plaque conservée au Metropolitan Museum of Art de New York (ibid, cat. no. 304), une version détenue par le Liverpool Museum (Gibson, op. cit., cat. no. 17, pl. XVIIa) ainsi que le panneau central d'un triptyque exposé au British Museum de Londres (Buckton, op. cit., cat. no. 153). Ces ivoires partagent également beaucoup de similarités stylistiques, qui sont caractéristiques du vocabulaire des ivoires du groupe de Nikephoros. Le visage de chacun des personnages est caractérisé par des yeux profonds surmontés d'épaisses paupières, un nez large, d'étroites lèvres en 'cul-de-poule' et des oreilles exceptionnellement larges. Les proportions des corps sont aussi pratiquement identiques, avec des corps d'environ cinq têtes et demie en hauteur. La physionomie du Christ est particulièrement intéressante en ce qu'elle est marquée par de larges hanches et une cage thoracique stylisée représentée par de courtes et fines hachures symbolisant les côtes. Bien que les draperies varient en complexité de pièce en pièce, la forme générale est tout de même extrêment stylisée et composée de longs plis, anguleux et parallèles, parfois ornées de pompons et de décorations brodées sur le manteau de la Vierge. Enfin, l'on retrouve dans le modèle standard des ivoires Byzantins de cette époque, un fond non défini, les personnages se tenant toujours debout sur le devant de la scène représentée. Cependant, la majorité des plaques représentant la Crucifixion présente une motte de pierres, dans laquelle est plantée la croix, et de laquelle ressort le dessus d'un crâne à la lisière de la bordure.
Les ivoires de Nikephoros sont, dans les faits, très individualisés et les différences de qualités entre ceux-ci nous permettent d'établir une distinction entre les ivoires les plus fins réalisés pour les plus fortunés ou les plus importants mécènes et réalisés pour le marché courant. En raison de sa complexité, qualité et individualité, il est évident que la plaque de la collection Vasselot appartient à la première catégorie. La singularité est aussi marquée par un nombre important de particularités qui le définissent. Tout d'abord, grande attention est portée à la sculpture du cadre architectural. Seulement l'un des ivoires conservés au musée Kestner (Paris exp. cat., op. cit., p. 247, fig. 2) ainsi que l'ivoire de moindre qualité de Liverpool (Gibson, op. cit., cat. no. 18, pl. XVIII) suivent une composition identique à celle de la plaque de la collection Vasselot avec son baldaquin. Sur ces ivoires le baldaquin ajouré et reposant sur des colonnes torses contextualise la scène et place cette image centrale de l'art Chrétien dans un contexte byzantin ambiant reconnaissable de tous. Il crée aussi un instantané de cette scène telle qu'elle aurait pu être visible au sein d'une église, avec une grande croix d'autel portant l'effigie du Christ crucifié sous un baldaquin. Cela aurait par conséquent renforcé le pouvoir de recueillement du propriétaire de la plaque au moment de sa prière. La seconde particularité, qui est spécifique à la plaque de la collection Vasselot, est la posture du Christ. Aucune des représentations de la Crucifixion évoquées ci-dessus ne représentent un Christ avec une tête tant baissée et des coudes aussi courbés que sur notre ivoire. Par ailleurs, une autre caractéristique de cet ivoire est la façon dont les hanches du Christ ont été sculptées: celle-ci sont à la fois larges et pointues. Dans ce sens, sa posture préfigure les travaux plus tardifs tels que la croix d'autel par Cimabue à santa Croce à Florence et à Santo Domenico à Arezzo. Ce rapprochement avec Cimabue se retrouve également dans le troisième et dernier élèment caractérisant de la plaque de la collection Vasselot: la figure de Saint Jean l'évangéliste. Celle-ci est apparemment exclusive au groupe des ivoires de Nikephoros, en ce que celui-ci est représenté de face - fixant le spectateur et non les pieds du Christ - ses deux mains nues portant un livre à son sein gauche. Même la plaque du Kestner Museum, stylistiquement la plus proche de la plaque en ivoire de la collection Vasselot, ne représente pas Saint Jean ainsi. Parmi les autres ivoires du groupe Nikephoros un petit nombre seulement représente St Jean les mains libres, les autres le représentent portant un livre dans sa main gauche et levant sa main droite en signe d'acclamation ou touchant son visage ou sa poitrine avec une expression pleine de chagrin. Cette posture particulière ne se retrouve dans aucune autre représentation de la Crucifixion datant de cette époque n'apparaissent que dans une oeuvre par Cimabue la seule lui ayant été attribuée avec certitude: la mosaique partiellement restaurée de Saint Jean l'Evangéliste dans la cathédrale de Pise datant de 1301-2. D'autres éléments de cette même scènes se distingue comme la partie inférieure du drapé de saint Jean, bien que ces similitudes ne suggèrent une source iconographique commune parmi les modèles Byzantins pour les artistes italiens du début du XIVème siècle.
L'importance de la Crucifixion de la collection Vasselot est donc multiple: elle fut réalisée par un graveur sur ivoire (tabletier) talentueux pendant l'âge d'or de l'art Byzantin. Stylistiquement et qualitativement parlant elle représente également une des pièces essentielles au sein de ce groupe d'ivoires célèbres des sculptures connues de ce groupe d'ivoires de Nikephoros - mais sa provenance demeurant inconnue des experts en la matière, celui-ci ne fut pas inclus dans les ouvrages récents sur le sujet. Bien qu'il appartienne, incontestablement à une série cet ivoire est suffisamment idiosyncrasique être considéré comme une oeuvre d'art unique et particulièrement remarquable.
Pour une discussion sur l'étiquette Stern voir la notice du lot 5.
The Marquet de Vasselot ivory book-cover offered here shows why it could be debated that very few other cultures better depicted the central image of the Christian faith - the Crucifixion - with the same psychological intensity and pathos than the works of Byzantine iconographists from the 10th -15th centuries. The composition of this plaque follows a common Byzantine model with the entire scene contained beneath a pierced canopy supported by spiral columns. The crucified Christ is at the centre, with his feet resting on a suppedaneum and with the cross pegged into a mound of earth beneath which half a stylised skull is visible - an allusion to the site of the crucifixion also being Adam's burial site. Christ is flanked by the Virgin on the left and St John the Evangelist on the right and by two angels above - frequently identified as the archangels Gabriel and Michael - as well as symbols of the Sun and Moon. The intensity of the scene is transmitted by the postures and facial expressions of each protagonist; their heads are lowered and their facial expressions are laden with anguish and tension.
A number of Crucifixion ivories following this compositional form, but of varying quality, exist and all, including the Vasselot plaque, seem to belong to what Adolph Goldschmidt and Kurt Weitzmann dubbed the Nikephoros group (Evans and Wixom, op. cit., p. 150, no. 96). This classification derives from an inscription citing emperor Nikephoros II Phokas' name and reigning dates (963-9) on an ivory plaque depicting the Virgin and three male saints in the church of San Francesco in Cortona - although Cutler proposed in 1991 that the inscription could be posterior (Paris exh. cat., op. cit., p. 231). Nevertheless, another ivory depicting Christ Blessing Emperor Otto II and Empress Theophano (Musée National de la Moyen Age et des Thermes de l'Hotel de Cluny, Paris) possibly carved in Italy or Germany by a Byzantine craftsman between 982-3, and seemingly drawing inspiration from Nikephorean ivories provides, in conjunction with the debated inscription on the Cortona ivory, a guideline in the dating of the Nikephoros ivories to the second half of the 10th century. With regard to the centres of production, little documentary evidence survives that discusses specific workshops or artisans throughout the empire - and one cannot dismiss the possibility that a talented craftsman was functioning in the provinces - however, in this instance one obvious assumption has to stand true, that the final destination for expensive and precious materials such as ivory and the greatest congregation of talented craftsmen would have been in the capital of the Empire, in this case: Constantinople.
The Crucifixion ivories that are, compositionally, most closely comparable to the Vasselot version are: two in the Kestner-Museum, Hanover (Paris exh. cat., op. cit., p. 247, fig. 2 and Evans and Wixom, op. cit., cat. no. 92), one in the Metropolitan Museum of Art, New York (ibid, cat. no. 304), one in the Liverpool Museum (Gibson, op. cit., cat. no. 17, pl. XVIIa) and the central panel of a triptych in the British Museum, London (Buckton, op. cit., cat. no. 153). These ivories also share many stylistic similarities, which are typical for the vocabulary of the Nikephoros group. Each of the protagonist's facial features are composed of narrow-set eyes with heavy upper eyelids, broad noses, narrow pursed lips and remarkably large ears. The body proportions are also virtually identical, with each body approximately five and a half heads in height. Christ's physiognomy is particularly interesting in that he is depicted with disproportionately wide hips and a stylised ribcage composed of short narrow hatchings to define individual ribs. Although the draperies vary in complexity from piece to piece, the general form is still highly stylised and composed of long, angular, parallel folds with occasional tassels or embroidered decoration on the Virgin's cloak. Finally, the standard in Byzantine ivories of this period seems to be for the ground to be left undefined, with the figures standing on the lowest border of the scene. However, almost every Crucifixion plaque has a stylised mound of rubble into which the Cross is pegged and which also contains the top of a skull protruding from the bottom edge of the border.
The surviving Nikephoros Crucifixion ivories are, in actual fact, highly individual and the varying quality between them provides a clear division between the finest examples, made for the wealthiest or most important patrons, and the remaining ivories for the general market. By virtue of its complexity, quality and individuality, it is clear that the Vasselot Crucifixion belongs to the former category. Its uniqueness within this group is also further defined by a number of complex idiosyncrasies. Firstly, a great deal of attention is paid to the carving of the architectural framework. Only one of the Kestner-Museum ivories (Paris exh. cat., op. cit., p. 247, fig. 2) and the lesser quality Liverpool ivory (Gibson, op. cit., cat. no. 18, pl. XVIII) follow the identical compositional form of the Vasselot plaque with its baldachin. In these instances the pierced canopy and supporting columns contextualise the main scene, placing this central Christian image into a contemporary Byzantine context that is recognisable by all. It also creates a 'snapshot' of this image as it would have been viewed in an actual church, of a high altar with an effigy of the crucified Christ beneath a baldachin. This would therefore have enhanced the plaque's owner's religious experience when in prayer. The second idiosyncrasy, which is unique to the Vasselot ivory, is Christ's posture. None of the above-mentioned Crucifixion plaques depicts Christ with his head as sunken as it is seen here or with his elbows as acutely bent. In addition, a highly unusual feature of this ivory is the way in which Christ's hips have been carved: they are both broad and thrust to the left of the scene. In this sense, his posture foreshadows much later works such as Cimabue's altar Crucifixes in Santa Croce, Florence and San Domenico, Arezzo. This connection to Cimabue is also worth considering in connection with the third, and final, idiosyncrasy of the Vasselot plaque: the figure of St John the Evangelist. This figure is apparently unique in all the Nikephoros ivories in that he is depicted facing frontally - staring out at the viewer as opposed to Christ's feet - and with both his exposed hands holding a book to his left breast. Not even the Kestner-Museum Crucifixion, the most closely related plaque to the Vasselot ivory, represents St John in this manner. Of the remaining above-mentioned Nikephoros ivories a small number depict St John empty-handed, while the remainder depict him carrying a book in his left hand while either raising his right hand in a sign of acclamation or touching his face or chest in grief. This very specific posture does not appear to be known in any other surviving representation of the Crucifixion from the period, yet appears again in Cimabue's only securely documented work of art, the partly restored mosaic of St John the Evangelist in Pisa Cathedral, dated to 1301-2. Other elements of the scene are markedly different such as the lower sections of St John's drapery, however these similarities do suggest a possible iconographical source among Byzantine prototypes for Italian artists of the early quattrocento.
The importance of the Vasselot Crucifixion is, therefore, manifold: it was created by an exceptionally talented ivory carver operating during the 'golden era' of Byzantine creativity. In terms of style and quality it also represents one of the key pieces in a known group of carvings - the Nikophoros ivories - but because its location was unknown to modern scholars it has not been included in recent publications on the subject. And despite being, unquestionably, part of a series, the ivory is sufficiently idiosyncratic to be considered an individual and highly important work of art.
For a discussion on the Stern paper label please see note to lot 5.
La composition de cette plaque suit les canons du modèle Byzantin où la totalité de la scène est contenue sous un baldaquin ajouré supporté par des colonnes torses. Le Christ en croix est placé au centre, ses pieds reposant sur un suppedaneum, et la croix est fixée avec des piquets dans une motte de terre sous laquelle une moitié d'un crâne stylisé est visible - faisant allusion au site de la Crucifixion comme étant également celui de la sépulture d'Adam. Le Christ est entouré à sa gauche par la Vierge, à sa droite par Saint Jean l'Evangéliste, et au-dessus par deux anges - fréquemment identifiés comme les archanges Gabriel et Michel - ainsi que par les symboles de la lune et du soleil. L'intensité de la scène est communiquée par les postures, les expressions des visages de chacun des personnages; leurs têtes sont baissées et leurs expressions chargées de détresse et de tension.
Un grand nombre de représentations de la Crucifixion en ivoire épousent cette forme de composition, et de qualité variable, cependant toutes ces représentations, y compris, la plaque de la collection Vasselot, semblent appartenir à ce qu'Adolph Goldschmidt et Kurt Weitzmann surnommaient le Groupe Nikephoros (Evans and Wixom, op. cit., p. 150, no. 96). Cette classification dérive de l'inscription de la plaque en ivoire représentant la Vierge et trois saints conservée à l'église Saint François à Cortone, citant l'empereur Nikephoros II Phoka et ses dates de règne (963-9) - bien que Cutler en 1991 ait avancé l'hypothèse selon laquelle l'inscription était probablement d'époque postérieure (Paris cat. exp., op. cit., p. 231). Néanmoins, une autre plaque représentant le Christ bénissant l'empereur Otto II et l'impératrice Téophano (musée National du Moyen Age, musée de Cluny Paris), sans doute sculpté en Italie ou en Allemagne par un artisan byzantin entre 982-3, très similaire dans le dessin aux ivoires Nikephorains, apporte, avec l'inscription, bien que débattue de l'ivoire de saint François, un indice quant à une datation autour de la deuxième moitié du Xème siècle pour les ivoires de Nikephoros. Quant-aux centres de production, il n'existe pratiquement aucune preuve documentaire sur les ateliers ou les artisans tout au long de l'empire qui ait survécu les âges -on ne peut donc rejeter l'hypothèse selon laquelle un artisan de talent aurait travaillé dans ces provinces - bien qu'il faille reconnaître que la destination finale d'objets précieux et coûteux tels les ivoires, ainsi que le lieu principal d'activité des sculpteurs de renom, aurait été la capitale de l'empire, à savoir Constantinople.
Les Crucifixions en ivoire se rapprochant le plus de par leur composition à la version de la collection Vasselot sont: deux représentations conservées au Kestner-Museum d'Hanovre (Paris. exp. cat., op. cit., p. 247, fig. 2 and Evans and Wixom, op. cit., cat. no. 92), une plaque conservée au Metropolitan Museum of Art de New York (ibid, cat. no. 304), une version détenue par le Liverpool Museum (Gibson, op. cit., cat. no. 17, pl. XVIIa) ainsi que le panneau central d'un triptyque exposé au British Museum de Londres (Buckton, op. cit., cat. no. 153). Ces ivoires partagent également beaucoup de similarités stylistiques, qui sont caractéristiques du vocabulaire des ivoires du groupe de Nikephoros. Le visage de chacun des personnages est caractérisé par des yeux profonds surmontés d'épaisses paupières, un nez large, d'étroites lèvres en 'cul-de-poule' et des oreilles exceptionnellement larges. Les proportions des corps sont aussi pratiquement identiques, avec des corps d'environ cinq têtes et demie en hauteur. La physionomie du Christ est particulièrement intéressante en ce qu'elle est marquée par de larges hanches et une cage thoracique stylisée représentée par de courtes et fines hachures symbolisant les côtes. Bien que les draperies varient en complexité de pièce en pièce, la forme générale est tout de même extrêment stylisée et composée de longs plis, anguleux et parallèles, parfois ornées de pompons et de décorations brodées sur le manteau de la Vierge. Enfin, l'on retrouve dans le modèle standard des ivoires Byzantins de cette époque, un fond non défini, les personnages se tenant toujours debout sur le devant de la scène représentée. Cependant, la majorité des plaques représentant la Crucifixion présente une motte de pierres, dans laquelle est plantée la croix, et de laquelle ressort le dessus d'un crâne à la lisière de la bordure.
Les ivoires de Nikephoros sont, dans les faits, très individualisés et les différences de qualités entre ceux-ci nous permettent d'établir une distinction entre les ivoires les plus fins réalisés pour les plus fortunés ou les plus importants mécènes et réalisés pour le marché courant. En raison de sa complexité, qualité et individualité, il est évident que la plaque de la collection Vasselot appartient à la première catégorie. La singularité est aussi marquée par un nombre important de particularités qui le définissent. Tout d'abord, grande attention est portée à la sculpture du cadre architectural. Seulement l'un des ivoires conservés au musée Kestner (Paris exp. cat., op. cit., p. 247, fig. 2) ainsi que l'ivoire de moindre qualité de Liverpool (Gibson, op. cit., cat. no. 18, pl. XVIII) suivent une composition identique à celle de la plaque de la collection Vasselot avec son baldaquin. Sur ces ivoires le baldaquin ajouré et reposant sur des colonnes torses contextualise la scène et place cette image centrale de l'art Chrétien dans un contexte byzantin ambiant reconnaissable de tous. Il crée aussi un instantané de cette scène telle qu'elle aurait pu être visible au sein d'une église, avec une grande croix d'autel portant l'effigie du Christ crucifié sous un baldaquin. Cela aurait par conséquent renforcé le pouvoir de recueillement du propriétaire de la plaque au moment de sa prière. La seconde particularité, qui est spécifique à la plaque de la collection Vasselot, est la posture du Christ. Aucune des représentations de la Crucifixion évoquées ci-dessus ne représentent un Christ avec une tête tant baissée et des coudes aussi courbés que sur notre ivoire. Par ailleurs, une autre caractéristique de cet ivoire est la façon dont les hanches du Christ ont été sculptées: celle-ci sont à la fois larges et pointues. Dans ce sens, sa posture préfigure les travaux plus tardifs tels que la croix d'autel par Cimabue à santa Croce à Florence et à Santo Domenico à Arezzo. Ce rapprochement avec Cimabue se retrouve également dans le troisième et dernier élèment caractérisant de la plaque de la collection Vasselot: la figure de Saint Jean l'évangéliste. Celle-ci est apparemment exclusive au groupe des ivoires de Nikephoros, en ce que celui-ci est représenté de face - fixant le spectateur et non les pieds du Christ - ses deux mains nues portant un livre à son sein gauche. Même la plaque du Kestner Museum, stylistiquement la plus proche de la plaque en ivoire de la collection Vasselot, ne représente pas Saint Jean ainsi. Parmi les autres ivoires du groupe Nikephoros un petit nombre seulement représente St Jean les mains libres, les autres le représentent portant un livre dans sa main gauche et levant sa main droite en signe d'acclamation ou touchant son visage ou sa poitrine avec une expression pleine de chagrin. Cette posture particulière ne se retrouve dans aucune autre représentation de la Crucifixion datant de cette époque n'apparaissent que dans une oeuvre par Cimabue la seule lui ayant été attribuée avec certitude: la mosaique partiellement restaurée de Saint Jean l'Evangéliste dans la cathédrale de Pise datant de 1301-2. D'autres éléments de cette même scènes se distingue comme la partie inférieure du drapé de saint Jean, bien que ces similitudes ne suggèrent une source iconographique commune parmi les modèles Byzantins pour les artistes italiens du début du XIVème siècle.
L'importance de la Crucifixion de la collection Vasselot est donc multiple: elle fut réalisée par un graveur sur ivoire (tabletier) talentueux pendant l'âge d'or de l'art Byzantin. Stylistiquement et qualitativement parlant elle représente également une des pièces essentielles au sein de ce groupe d'ivoires célèbres des sculptures connues de ce groupe d'ivoires de Nikephoros - mais sa provenance demeurant inconnue des experts en la matière, celui-ci ne fut pas inclus dans les ouvrages récents sur le sujet. Bien qu'il appartienne, incontestablement à une série cet ivoire est suffisamment idiosyncrasique être considéré comme une oeuvre d'art unique et particulièrement remarquable.
Pour une discussion sur l'étiquette Stern voir la notice du lot 5.
The Marquet de Vasselot ivory book-cover offered here shows why it could be debated that very few other cultures better depicted the central image of the Christian faith - the Crucifixion - with the same psychological intensity and pathos than the works of Byzantine iconographists from the 10th -15th centuries. The composition of this plaque follows a common Byzantine model with the entire scene contained beneath a pierced canopy supported by spiral columns. The crucified Christ is at the centre, with his feet resting on a suppedaneum and with the cross pegged into a mound of earth beneath which half a stylised skull is visible - an allusion to the site of the crucifixion also being Adam's burial site. Christ is flanked by the Virgin on the left and St John the Evangelist on the right and by two angels above - frequently identified as the archangels Gabriel and Michael - as well as symbols of the Sun and Moon. The intensity of the scene is transmitted by the postures and facial expressions of each protagonist; their heads are lowered and their facial expressions are laden with anguish and tension.
A number of Crucifixion ivories following this compositional form, but of varying quality, exist and all, including the Vasselot plaque, seem to belong to what Adolph Goldschmidt and Kurt Weitzmann dubbed the Nikephoros group (Evans and Wixom, op. cit., p. 150, no. 96). This classification derives from an inscription citing emperor Nikephoros II Phokas' name and reigning dates (963-9) on an ivory plaque depicting the Virgin and three male saints in the church of San Francesco in Cortona - although Cutler proposed in 1991 that the inscription could be posterior (Paris exh. cat., op. cit., p. 231). Nevertheless, another ivory depicting Christ Blessing Emperor Otto II and Empress Theophano (Musée National de la Moyen Age et des Thermes de l'Hotel de Cluny, Paris) possibly carved in Italy or Germany by a Byzantine craftsman between 982-3, and seemingly drawing inspiration from Nikephorean ivories provides, in conjunction with the debated inscription on the Cortona ivory, a guideline in the dating of the Nikephoros ivories to the second half of the 10th century. With regard to the centres of production, little documentary evidence survives that discusses specific workshops or artisans throughout the empire - and one cannot dismiss the possibility that a talented craftsman was functioning in the provinces - however, in this instance one obvious assumption has to stand true, that the final destination for expensive and precious materials such as ivory and the greatest congregation of talented craftsmen would have been in the capital of the Empire, in this case: Constantinople.
The Crucifixion ivories that are, compositionally, most closely comparable to the Vasselot version are: two in the Kestner-Museum, Hanover (Paris exh. cat., op. cit., p. 247, fig. 2 and Evans and Wixom, op. cit., cat. no. 92), one in the Metropolitan Museum of Art, New York (ibid, cat. no. 304), one in the Liverpool Museum (Gibson, op. cit., cat. no. 17, pl. XVIIa) and the central panel of a triptych in the British Museum, London (Buckton, op. cit., cat. no. 153). These ivories also share many stylistic similarities, which are typical for the vocabulary of the Nikephoros group. Each of the protagonist's facial features are composed of narrow-set eyes with heavy upper eyelids, broad noses, narrow pursed lips and remarkably large ears. The body proportions are also virtually identical, with each body approximately five and a half heads in height. Christ's physiognomy is particularly interesting in that he is depicted with disproportionately wide hips and a stylised ribcage composed of short narrow hatchings to define individual ribs. Although the draperies vary in complexity from piece to piece, the general form is still highly stylised and composed of long, angular, parallel folds with occasional tassels or embroidered decoration on the Virgin's cloak. Finally, the standard in Byzantine ivories of this period seems to be for the ground to be left undefined, with the figures standing on the lowest border of the scene. However, almost every Crucifixion plaque has a stylised mound of rubble into which the Cross is pegged and which also contains the top of a skull protruding from the bottom edge of the border.
The surviving Nikephoros Crucifixion ivories are, in actual fact, highly individual and the varying quality between them provides a clear division between the finest examples, made for the wealthiest or most important patrons, and the remaining ivories for the general market. By virtue of its complexity, quality and individuality, it is clear that the Vasselot Crucifixion belongs to the former category. Its uniqueness within this group is also further defined by a number of complex idiosyncrasies. Firstly, a great deal of attention is paid to the carving of the architectural framework. Only one of the Kestner-Museum ivories (Paris exh. cat., op. cit., p. 247, fig. 2) and the lesser quality Liverpool ivory (Gibson, op. cit., cat. no. 18, pl. XVIII) follow the identical compositional form of the Vasselot plaque with its baldachin. In these instances the pierced canopy and supporting columns contextualise the main scene, placing this central Christian image into a contemporary Byzantine context that is recognisable by all. It also creates a 'snapshot' of this image as it would have been viewed in an actual church, of a high altar with an effigy of the crucified Christ beneath a baldachin. This would therefore have enhanced the plaque's owner's religious experience when in prayer. The second idiosyncrasy, which is unique to the Vasselot ivory, is Christ's posture. None of the above-mentioned Crucifixion plaques depicts Christ with his head as sunken as it is seen here or with his elbows as acutely bent. In addition, a highly unusual feature of this ivory is the way in which Christ's hips have been carved: they are both broad and thrust to the left of the scene. In this sense, his posture foreshadows much later works such as Cimabue's altar Crucifixes in Santa Croce, Florence and San Domenico, Arezzo. This connection to Cimabue is also worth considering in connection with the third, and final, idiosyncrasy of the Vasselot plaque: the figure of St John the Evangelist. This figure is apparently unique in all the Nikephoros ivories in that he is depicted facing frontally - staring out at the viewer as opposed to Christ's feet - and with both his exposed hands holding a book to his left breast. Not even the Kestner-Museum Crucifixion, the most closely related plaque to the Vasselot ivory, represents St John in this manner. Of the remaining above-mentioned Nikephoros ivories a small number depict St John empty-handed, while the remainder depict him carrying a book in his left hand while either raising his right hand in a sign of acclamation or touching his face or chest in grief. This very specific posture does not appear to be known in any other surviving representation of the Crucifixion from the period, yet appears again in Cimabue's only securely documented work of art, the partly restored mosaic of St John the Evangelist in Pisa Cathedral, dated to 1301-2. Other elements of the scene are markedly different such as the lower sections of St John's drapery, however these similarities do suggest a possible iconographical source among Byzantine prototypes for Italian artists of the early quattrocento.
The importance of the Vasselot Crucifixion is, therefore, manifold: it was created by an exceptionally talented ivory carver operating during the 'golden era' of Byzantine creativity. In terms of style and quality it also represents one of the key pieces in a known group of carvings - the Nikophoros ivories - but because its location was unknown to modern scholars it has not been included in recent publications on the subject. And despite being, unquestionably, part of a series, the ivory is sufficiently idiosyncratic to be considered an individual and highly important work of art.
For a discussion on the Stern paper label please see note to lot 5.