拍品专文
Chef d'oeuvre de bronze doré, ce spectaculaire miroir se singularise tant par sa taille que par la profusion d'ornements et par la qualité de ciselure et de dorure.
UNE STYLISTIQUE LOUIS-QUATORZIENNE
Stylistiquement, ce miroir illustre le répertoire décoratif du style Louis XIV. Le fronton est centré d'un trophée martial composé d'une cuirasse maintenue par une massue et flanquée d'un carquois, de lances, d'un faisceau de licteur, de sabres, de boucliers,... Ce trophée n'est pas sans rappeler ceux de Ladoireau qui, à partir de 1682, exécute les pentes de trophées de bronze doré destinées à être appliquées sur les panneaux de marbre du Salon de la Guerre au château de Versailles.
Le trophée martial est flanqué de deux enfants sur des cornes d'abondance tenant des palmes et des branches de laurier. Le fronton est encadré par deux chimères allongées regardant vers l'extérieur. Les écoinçons de la partie supérieure sont à décor de masques de satyres couronnés de coquille. Les chutes en enroulement terminées par un décor de fleurs. L'encadrement à motif de peltes stylisés, motifs réemployés au milieu des montants et centrés d'un masque de gorgone flanqué de deux têtes d'aigles sur un trophée militaire agrémenté d'une étonnante tête de canard. Les écoinçons de la partie inférieure sont à motif de feuilles d'acanthe centrées d'une palmette. Les sphinges cuirassées et casquées sur un culot de feuilles de laurier forment les pieds. Cette esthétique est purement Louis XIV.
Les gravures publiées par Mariette dans Nouveaux Deisseins de meubles et ouvrages de bronze et de marqueterie inventés et gravés par André-Charles Boulle vers 1725-1730 nous donnent de précieux renseignements sur le vocabulaire décoratif employé par André-Charles Boulle sur ses meubles. La qualité de ses bronzes a toujours été exceptionnelle. Cela est en très grande partie dû au privilège royal qu'il détenait de pouvoir les fondre lui-même dans son atelier, faisant fi des répartitions de tâches entre corporations. Nous retrouvons ainsi dans ses planches nombre des ornements ici présents comme le masque de femme à la chevelure en tresses nouées sous le menton et surmonté d'une palmette, ou encore les masques de satyres barbus.
Eléments majeurs de ce miroir, les chimères sont un ornement très présent tout au long du règne de Louis XIV, puis surtout sous la Régence et le début du règne de Louis XV ; mentionnons à cet égard l'oeuvre des frères Slodtz (Paul-Ambroise Slodtz, linteau du portail construit par Pierre de Vigny rue de l'Egout à Paris, musée du Louvre, inv. No. R.F.2749) et celle de Charles Cressent.
LES MIROIRS EN BRONZE AU XVIIIèME SIèCLE
Les exemples connus de miroirs en bronze sont particulièrement rares au XVIIIème siècle. Les miroirs de grande taille, prévus pour la décoration murale, avec une bordure traitée non pas en bois doré mais en bronze ciselé et doré sont rarissimes et relevaient de commandes extraordinaires à tous les sens du mot.
Malheureusement, très peu d'exemples du XVIIIème siècle nous sont parvenus. On peut néanmoins citer l'exceptionnel miroir à parecloses d'époque Régence de l'ancienne collection Givenchy ("Magnificent French Furniture, Silver and Works of Art from the Collection of M. Hubert de Givenchy", vente Christie's, Monaco, 4 décembre 1993, lot 43). Nous y retrouvons le même raffinement de ciselure et notamment le motif d'écailles esquissé en pointillés présent dans chaque écoinçon, rappelant le cartouche encadrant le trophée martial du fronton du présent miroir.
Mentionnons le groupe réduit de miroirs livrés avant 1724 au duc d'Orléans. Sept miroirs, aux bordures de bronze doré, apparaissent au Palais royal et au château de Saint-Cloud. On trouve ainsi, à Saint-Cloud, sous le numéro d'inventaire 2951 : "un miroir à bordure de glace et ornements de bronze doré d'or moulu avec son chapiteau aussi de glace et ses ornements de bronze doré d'or moulu. La glace dudit miroir de soixante six poulces de haut par quarante trois poulces de large. 800 livres."
Signalons que Charles Cressent aurait réalisé un certain nombre de miroirs ornés d'éléments de bronze doré. Dans la liste des ouvrages saisis dans son atelier dans le cadre du litige qui l'opposait à la corporation des Maîtres fondeurs en 1722-1723, on trouve onze masques représentant tant testes d'hommes que de femmes lesquels sont tous coifez de fifférentes façons (...) ont été faites pour des miroirs et une quantité de morceaux de moulures décrites pour servir à des bibliothèques et des bureaux sont pour servir à des trumeaux de glace de cheminées (Alexandre Pradère, Charles Cressent. Sculpteur, ébéniste du Régent, Editions Faton, Dijon, 2003, p. 200. Parmi les nombreuses accusations portées à l'encontre de Cressent par les jurés fondeurs figurait celle de réaliser des miroirs de bronze doré.
Commande prestigieuse, Louis XV avait fait envoyer à la Sublime Porte à Constantinople, deux très grands miroirs en bronze ciselé et doré aujourd'hui disparus. On référence ainsi "en 1742, au sultan Mahmoud Ier, deux grands miroirs de 15 x 18 pieds, la bordure en bronze ciselé et doré, fondue par et ciselée par Caffieri sur le dessin de Gabriel, représentant les attributs de l'empire Ottoman, des trophées d'armes et les richesses de la mer" pour 24.982 livres (cité dans Serge Roche, Miroirs, Bibliothèque des Arts, Paris, 1985, p. 25).
Alors qu'en Italie, un certain nombre de bronziers créaient des cadres de bronzes dorés destinés à des miroirs, des panneaux de pierres-dures, des micro-mosaïques, etc (voir par exemple Enrico Colle et al, Bronzi Decorativi in Italia, Electa, Milan, 2001, p. 221), les créations françaises sont encore plus rares. On peut néanmoins citer le cadre en bronze doré destiné, non pas à un miroir mais à protéger un bas-relief en ivoire ; cet objet d'art, anciennement dans la collection de la marquise de Pompadour, est désormais conservé au Louvre (Daniel Alcouffe et al, Les bronzes d'ameublement du Louvre, Editions Faton, Paris, 2004, p. 85).
Le présent miroir peut être rapproché, par sa qualité d'exécution et par sa profusion d'ornements, d'un autre miroir en bronze doré bien qu'orné d'éléments d'un esprit totalement différent (ses ornements sont en effet tous à sujets cynégétiques). Ce miroir est apparu sur le marché en 1999 ("The Alexander Collection", vente Christie's, New York, 30 avril 1999, lot 127).
Si ce miroir est d'esprit Louis XIV, son exécution est en fait Louis XVI. En témoignent sa dorure -au mat- et le type des filetages qui permettent de fixer les éléments de bronze. La mise au mat apparaît dès la fin du règne de Louis XV mais c'est sous Louis XVI qu'elle connait un véritable engouement (Pierre Verlet, Les bronzes dorés français du XVIIIe siècle, Picard Editeur, Paris, 1987, p. 174).
L'extrême délicatesse et la remarquable subtilité de ciselure surprennent a fortiori sur un objet d'une telle taille. Ils poussent à envisager l'hypothèse que ce miroir soit plus un travail d'orfèvre qu'un ouvrage de bronzier. Soulignons également que les soudures de notre miroir sont effectuées à l'argent, technique traditionnellement utilisée par les orfèvres.
Les nécessaires de toilette comprenant entre autres des miroirs étaient généralement commandés aux orfèvres. Rares sont ceux qui ont traversé les siècles, notamment à cause de l'argent massif qui les composait. Il existe des miroirs de bronze doré à chevalet, destinés à accompagner les quelques toilettes travaillées dans ce métal.
Un élément passionnant permet de creuser l'hypothèse du travail d'orfèvre : un document daté du 30 janvier 1829. Il s'agit d'un extrait du testament olographe d'Antoine Noël Gambier, né le 30 Janvier 1757, qui rattache notre miroir à une dynastie d'orfèvre. Ce document sera donné à l'acquéreur. On y lit :
" Voulant donner à Madame Antoinette Rosalie Josephe Liger, épouse du Sr Nicolas Alphonse Vée, un léger témoignage de mon estime particulière et de mon amitié, Je luis donne et lègue et la prie d'accepter en mémoire de moi, le miroir qui est placé entre les deux fenêtres de ma chambre à coucher et dont le cadre en bronze ciselé et doré est l'ouvrage de mon ayeul paternel : ce meuble qui était il y a siècle à l'usage personnel de ma grand-mère m'a parû le seul digne d'être offert à ma meilleure amie. "
La dynastie des Gambier est trop méconnue. Jean Gambier, qui est reçu maître en 1640, meurt en 1706. Son fils Jean Robert Gambier, reçu maître en 1702, épouse Elisabeth Dubled (dont le père est joaillier). Ils ont quatre enfants : une fille et trois fils, ces trois derniers étant tous orfèvres. Leurs enfants sont Jean, Jeanne (qui épouse Pierre Drais), Robert Arnault et Noël André. Le fils de ce dernier se prénomme Antoine Noël (1757 - 1832).
UNE STYLISTIQUE LOUIS-QUATORZIENNE
Stylistiquement, ce miroir illustre le répertoire décoratif du style Louis XIV. Le fronton est centré d'un trophée martial composé d'une cuirasse maintenue par une massue et flanquée d'un carquois, de lances, d'un faisceau de licteur, de sabres, de boucliers,... Ce trophée n'est pas sans rappeler ceux de Ladoireau qui, à partir de 1682, exécute les pentes de trophées de bronze doré destinées à être appliquées sur les panneaux de marbre du Salon de la Guerre au château de Versailles.
Le trophée martial est flanqué de deux enfants sur des cornes d'abondance tenant des palmes et des branches de laurier. Le fronton est encadré par deux chimères allongées regardant vers l'extérieur. Les écoinçons de la partie supérieure sont à décor de masques de satyres couronnés de coquille. Les chutes en enroulement terminées par un décor de fleurs. L'encadrement à motif de peltes stylisés, motifs réemployés au milieu des montants et centrés d'un masque de gorgone flanqué de deux têtes d'aigles sur un trophée militaire agrémenté d'une étonnante tête de canard. Les écoinçons de la partie inférieure sont à motif de feuilles d'acanthe centrées d'une palmette. Les sphinges cuirassées et casquées sur un culot de feuilles de laurier forment les pieds. Cette esthétique est purement Louis XIV.
Les gravures publiées par Mariette dans Nouveaux Deisseins de meubles et ouvrages de bronze et de marqueterie inventés et gravés par André-Charles Boulle vers 1725-1730 nous donnent de précieux renseignements sur le vocabulaire décoratif employé par André-Charles Boulle sur ses meubles. La qualité de ses bronzes a toujours été exceptionnelle. Cela est en très grande partie dû au privilège royal qu'il détenait de pouvoir les fondre lui-même dans son atelier, faisant fi des répartitions de tâches entre corporations. Nous retrouvons ainsi dans ses planches nombre des ornements ici présents comme le masque de femme à la chevelure en tresses nouées sous le menton et surmonté d'une palmette, ou encore les masques de satyres barbus.
Eléments majeurs de ce miroir, les chimères sont un ornement très présent tout au long du règne de Louis XIV, puis surtout sous la Régence et le début du règne de Louis XV ; mentionnons à cet égard l'oeuvre des frères Slodtz (Paul-Ambroise Slodtz, linteau du portail construit par Pierre de Vigny rue de l'Egout à Paris, musée du Louvre, inv. No. R.F.2749) et celle de Charles Cressent.
LES MIROIRS EN BRONZE AU XVIIIèME SIèCLE
Les exemples connus de miroirs en bronze sont particulièrement rares au XVIIIème siècle. Les miroirs de grande taille, prévus pour la décoration murale, avec une bordure traitée non pas en bois doré mais en bronze ciselé et doré sont rarissimes et relevaient de commandes extraordinaires à tous les sens du mot.
Malheureusement, très peu d'exemples du XVIIIème siècle nous sont parvenus. On peut néanmoins citer l'exceptionnel miroir à parecloses d'époque Régence de l'ancienne collection Givenchy ("Magnificent French Furniture, Silver and Works of Art from the Collection of M. Hubert de Givenchy", vente Christie's, Monaco, 4 décembre 1993, lot 43). Nous y retrouvons le même raffinement de ciselure et notamment le motif d'écailles esquissé en pointillés présent dans chaque écoinçon, rappelant le cartouche encadrant le trophée martial du fronton du présent miroir.
Mentionnons le groupe réduit de miroirs livrés avant 1724 au duc d'Orléans. Sept miroirs, aux bordures de bronze doré, apparaissent au Palais royal et au château de Saint-Cloud. On trouve ainsi, à Saint-Cloud, sous le numéro d'inventaire 2951 : "un miroir à bordure de glace et ornements de bronze doré d'or moulu avec son chapiteau aussi de glace et ses ornements de bronze doré d'or moulu. La glace dudit miroir de soixante six poulces de haut par quarante trois poulces de large. 800 livres."
Signalons que Charles Cressent aurait réalisé un certain nombre de miroirs ornés d'éléments de bronze doré. Dans la liste des ouvrages saisis dans son atelier dans le cadre du litige qui l'opposait à la corporation des Maîtres fondeurs en 1722-1723, on trouve onze masques représentant tant testes d'hommes que de femmes lesquels sont tous coifez de fifférentes façons (...) ont été faites pour des miroirs et une quantité de morceaux de moulures décrites pour servir à des bibliothèques et des bureaux sont pour servir à des trumeaux de glace de cheminées (Alexandre Pradère, Charles Cressent. Sculpteur, ébéniste du Régent, Editions Faton, Dijon, 2003, p. 200. Parmi les nombreuses accusations portées à l'encontre de Cressent par les jurés fondeurs figurait celle de réaliser des miroirs de bronze doré.
Commande prestigieuse, Louis XV avait fait envoyer à la Sublime Porte à Constantinople, deux très grands miroirs en bronze ciselé et doré aujourd'hui disparus. On référence ainsi "en 1742, au sultan Mahmoud Ier, deux grands miroirs de 15 x 18 pieds, la bordure en bronze ciselé et doré, fondue par et ciselée par Caffieri sur le dessin de Gabriel, représentant les attributs de l'empire Ottoman, des trophées d'armes et les richesses de la mer" pour 24.982 livres (cité dans Serge Roche, Miroirs, Bibliothèque des Arts, Paris, 1985, p. 25).
Alors qu'en Italie, un certain nombre de bronziers créaient des cadres de bronzes dorés destinés à des miroirs, des panneaux de pierres-dures, des micro-mosaïques, etc (voir par exemple Enrico Colle et al, Bronzi Decorativi in Italia, Electa, Milan, 2001, p. 221), les créations françaises sont encore plus rares. On peut néanmoins citer le cadre en bronze doré destiné, non pas à un miroir mais à protéger un bas-relief en ivoire ; cet objet d'art, anciennement dans la collection de la marquise de Pompadour, est désormais conservé au Louvre (Daniel Alcouffe et al, Les bronzes d'ameublement du Louvre, Editions Faton, Paris, 2004, p. 85).
Le présent miroir peut être rapproché, par sa qualité d'exécution et par sa profusion d'ornements, d'un autre miroir en bronze doré bien qu'orné d'éléments d'un esprit totalement différent (ses ornements sont en effet tous à sujets cynégétiques). Ce miroir est apparu sur le marché en 1999 ("The Alexander Collection", vente Christie's, New York, 30 avril 1999, lot 127).
Si ce miroir est d'esprit Louis XIV, son exécution est en fait Louis XVI. En témoignent sa dorure -au mat- et le type des filetages qui permettent de fixer les éléments de bronze. La mise au mat apparaît dès la fin du règne de Louis XV mais c'est sous Louis XVI qu'elle connait un véritable engouement (Pierre Verlet, Les bronzes dorés français du XVIIIe siècle, Picard Editeur, Paris, 1987, p. 174).
L'extrême délicatesse et la remarquable subtilité de ciselure surprennent a fortiori sur un objet d'une telle taille. Ils poussent à envisager l'hypothèse que ce miroir soit plus un travail d'orfèvre qu'un ouvrage de bronzier. Soulignons également que les soudures de notre miroir sont effectuées à l'argent, technique traditionnellement utilisée par les orfèvres.
Les nécessaires de toilette comprenant entre autres des miroirs étaient généralement commandés aux orfèvres. Rares sont ceux qui ont traversé les siècles, notamment à cause de l'argent massif qui les composait. Il existe des miroirs de bronze doré à chevalet, destinés à accompagner les quelques toilettes travaillées dans ce métal.
Un élément passionnant permet de creuser l'hypothèse du travail d'orfèvre : un document daté du 30 janvier 1829. Il s'agit d'un extrait du testament olographe d'Antoine Noël Gambier, né le 30 Janvier 1757, qui rattache notre miroir à une dynastie d'orfèvre. Ce document sera donné à l'acquéreur. On y lit :
" Voulant donner à Madame Antoinette Rosalie Josephe Liger, épouse du Sr Nicolas Alphonse Vée, un léger témoignage de mon estime particulière et de mon amitié, Je luis donne et lègue et la prie d'accepter en mémoire de moi, le miroir qui est placé entre les deux fenêtres de ma chambre à coucher et dont le cadre en bronze ciselé et doré est l'ouvrage de mon ayeul paternel : ce meuble qui était il y a siècle à l'usage personnel de ma grand-mère m'a parû le seul digne d'être offert à ma meilleure amie. "
La dynastie des Gambier est trop méconnue. Jean Gambier, qui est reçu maître en 1640, meurt en 1706. Son fils Jean Robert Gambier, reçu maître en 1702, épouse Elisabeth Dubled (dont le père est joaillier). Ils ont quatre enfants : une fille et trois fils, ces trois derniers étant tous orfèvres. Leurs enfants sont Jean, Jeanne (qui épouse Pierre Drais), Robert Arnault et Noël André. Le fils de ce dernier se prénomme Antoine Noël (1757 - 1832).